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Lifestyle - Semaines de la mode 

De Milan à Paris, l’été prochain sera sage, frileux et raffiné

La planète se réchauffe et elle l’exprime en pluies torrentielles et saisons schizophrènes. Cette instabilité déroutante inspire aux créateurs de mode des collections ambivalentes et un peu réactionnaires. À Milan comme à Paris, les Semaines de la mode ont montré un retour au calme discret et une profusion de manteaux, de maille et de cuir pour le printemps-été 2024.

De Milan à Paris, l’été prochain sera sage, frileux et raffiné

Défilé Gucci à la Milan Fashion Week printemps-été 2024. Photo Gabriel Bouys/AFP

La mode italienne de la prochaine belle saison était à l’évidence au « quiet luxury », une vision du luxe discrète, loin des excès criards et trébuchants des anciennes versions des Gucci, Prada et Moschino d’avant-Covid, entre bling et démesure. Les grandes pointures de la mode font enfin écho à l’obsession de durabilité des jeunes créateurs inquiets pour l’avenir de l’humanité sur un vaisseau qui semble amorcer un naufrage. « Achetez moins, achetez mieux », recommandait Vivienne Westwood. Message enfin reçu par une industrie qui veut rassurer aussi bien les distributeurs que les clients avec des modèles intemporels, de grande qualité, faits pour durer et se transmettre.

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Fendi, romain et cinématographique

La Semaine milanaise du prêt-à-porter, qui s’est déroulée du 19 au 25 septembre sous des températures douces de fin d’été entrecoupées de pluies torrentielles, s’est achevée avec la remise des prix de la mode durable. Tout un symbole. Sur fond de match de la Ligue des champions à San Siro, il fallait tout de même frapper fort pour attirer l’attention du public milanais sur les défilés en temps réel.

Manteaux longs déstructurés, robes fourreaux de longueur mi-mollet pour Fendi. Photo AFP

Et Fendi n’a pas déçu en ouvrant la saison après la présentation traditionnelle des écoles de mode. En s’assurant la présence de Kate Moss, Naomi Campbell et Linda Evangelista, la grande maison maroquinière, fondée en 1925 et relancée en 1965 sous la direction artistique de Karl Lagerfeld, s’est avant tout distinguée par le raffinement d’une palette Bauhaus, mid-century, adoucie par des pastels délicats. Manteaux longs déstructurés, robes fourreaux de longueur mi-mollet se déclinent en coloris organiques. Le cuir, bien sûr, est omniprésent et, sous la houlette de Kim Jones, silhouettes longilignes, patchworks géométriques et mouvement, ponctués de cardigans et de petits gants, ont la part belle dans une collection fidèle aux constantes de la maison avec un je-ne-sais-quoi de cinématographique. Le directeur artistique a confié s’être inspiré des femmes romaines qu’il observe du balcon de sa chambre d’hôtel, près du Colisée. La « romanitude » est une des fiertés de Fendi qui oppose volontiers la liberté de Rome au conservatisme de Florence.

Défilé Giorgio Armani à la Milan Fashion Week printemps-été 2024. Photo Gabriel Bouys/AFP

Un enchaînement festif

Le très sexy Roberto Cavalli, sans renoncer à ses créations torrides, ses transparences et ses imprimés fauves, offrait des options sans connotations érotiques. Végétation de jungle et chaleur tropicale ont servi de décor à un défilé très 70’s, avec tous les codes de cette période qui exprimait ses fantasmes en transparences fluides et rêves détournés des Années folles. Mais le sol était beige et les tapis léopard ont été cachés.

Sous la direction de Glenn Martens, le label Diesel, lancé comme une marque de jeans et se positionnant désormais comme une holding, a donné la présentation la plus démesurée de cette semaine milanaise. Le défilé en soi n’était qu’une parenthèse dans la grande rave party (7 000 invités) donnée en plein air à partir de 18h et jusqu’à pas d’heure, sous une pluie battante. Le moment Diesel s’est prolongé durant le week-end avec le premier festival de cinéma lancé par la marque.

Depuis que Miuccia Prada a dévoilé en 2014 son intérêt pour le laid « parce qu’il est humain », on a du mal à trouver dans ses créations cette trace de laideur qui fixe la beauté. À la Fundazione Prada, musée privé de la maison, le hangar désormais dédié aux défilés, grillagé de plaques d’acier du sol au plafond, a lâché une fois de plus son rideau de gel, fascinante chute de matière visqueuse faisant rideau et s’écoulant au rythme des passages des mannequins. Beaucoup de shorts très courts, beaucoup de tweed et de laine d’été, de graphismes op’art et de franges et motifs scintillants sur la musique hitchcockienne de Vertigo. Au moment du salut final, le directeur artistique Raf Simmons et Miuccia Prada avaient invité Fabio Zanbernardi, l’ange de l’ombre de la maison, présent à la direction des chaussures et du design depuis 1980.

Giorgio Armani avait recommandé, pour le défilé Emporio Armani, que les mannequins défilent en souriant. Pour une maison aussi ancrée dans le paysage et l’imaginaire universel de la mode, pas besoin de jouer la neutralité.

Gucci sur les airs d’« Ancora », le tube de Mina. Photo Gabriel Bouys/AFP

Gucci… Ancora !

On a eu du mal à reconnaître le Gucci post-Alessandro Michele. La marque qui fut pendant des années l’une des plus bruyantes de l’univers de la mode, la plus attachée à l’éphémère et au moment présent, a surpris en jouant la nostalgie sur les accents poignant d’Ancora, le tube de Mina. Retour du célèbre blazer en velours rouge et tout ce qui va avec. Le directeur artistique Sabato De Sarno, qui fait la part belle à la qualité des matières, à la coupe. On garde l’essentiel mais le mocassin orné du mors de cheval prend quelques étages de hauteur. Au lieu de balayer le sol avec des fourrures incongrues, il prend de l’altitude sur des semelles compensées. Le sac Jackie se démultiplie en plusieurs formats. Le short est aussi omniprésent, à porter sous le manteau. Le cuir, les peaux exotiques, ne sont toujours pas sortis du catalogue des matières.

Pour résumer, parmi les grandes tendances du printemps-été 2024, on retrouve le vert et le rouge dans toutes leurs nuances, mais aussi l’intrusion d’une palette grise inhabituelle pour la saison. Cuirs, manteaux et transparences redéfinissent les codes.

Pierre Cardin de retour sur scène à Paris pour la Semaine de la mode. Photo Julien de Rosa/AFP

Paris prend le relais

Prenant le relais, la Semaine parisienne qui a commencé lundi a frappé fort avec la collection de la Belge Marie Adam-Leenaerdt 27 ans, diplômée de la Cambre (école de mode jumelée avec l’ALBA). Ouvrant le bal, elle a présenté des créations conceptuelles entre vêtements et maillots de plage, sacs XXL et robes longues. Il a ouvert le défilé par un look de mariée, qui traditionnellement ferme un défilé non pas du prêt-à-porter mais de la haute couture.

Pierre Cardin, maison absente des défilés depuis plus de vingt ans, a présenté lundi soir son second défilé depuis son retour en scène. L’inspiration avant-gardiste et rétrofuturiste de son fondateur balayait océans et cosmos. Monochormie, gémoétrie, combinaisons, robes courtes, traînes et drapés, le label essayait les effets de la vision de son créateur sur un futur devenu présent et qu’il avait fantasmé à sa manière.

La Semaine parisienne doit accueillir 67 défilés et une quarantaine de présentations, inscrits au calendrier officiel.


La mode italienne de la prochaine belle saison était à l’évidence au « quiet luxury », une vision du luxe discrète, loin des excès criards et trébuchants des anciennes versions des Gucci, Prada et Moschino d’avant-Covid, entre bling et démesure. Les grandes pointures de la mode font enfin écho à l’obsession de durabilité des jeunes créateurs inquiets pour l’avenir...

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