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Monde - Caucase

À Terter, des déplacés de 1992 rêvent d'un retour au Haut-Karabakh

En 1992, 700.000 Azerbaïdjanais avaient fui l'Arménie et le Haut-Karabakh.

Javid Ismayilov ramasse une théière parmi les débris de sa maison, détruite pendant la guerre de 2020 entre les séparatistes arméniens et l'Azerbaïdjan, à Terter, le 24 septembre 2023. Photo AFP/EMMANUEL DUNAND

Trente ans que la beauté montagneuse du Haut-Karabakh manque à Azad Abbasov, la moitié de sa vie. La victoire éclair de Bakou sur les séparatistes arméniens de cette enclave disputée du Caucase est venue raviver pour ce déplacé l'espoir de retrouver son village.

« C'est mon obsession », témoigne depuis la ville de Terter, en Azerbaïdjan, l'enseignant de 67 ans en costume cravate, qui détonne parmi les autres habitants en tenue modeste de la bourgade. Il montre sur son téléphone une vue aérienne de l'emplacement de son ancienne maison. « Je regarde souvent », dit-il ému. Il est Azerbaïdjanais, peuple chiite turcophone, et vit à Terter, situé à plus d'une heure de route de son village d'origine, Umudlu, au Haut-Karabakh. Les souvenirs de ce 28 février 1992, quand il a dû l'abandonner, sont encore vivaces : la mort de son frère, l'hélicoptère de secours abattu et les kilomètres à franchir à pied pour évacuer la zone.

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Avec le départ de l'armée soviétique, la guerre avait éclaté entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, faisant quelque 30.000 morts. A l'époque, 700.000 Azerbaïdjanais avaient fui l'Arménie et le Haut-Karabakh, 230.000 Arméniens l'Azerbaïdjan. Rattaché à la république soviétique d’Azerbaïdjan par Staline en 1921, avec un statut d'autonomie en 1923, le territoire est disputé depuis des décennies. Des générations en paient le prix.

Dimanche, plusieurs centaines d'habitants du Haut-Karabakh, sur les 120.000 qui y vivent, essentiellement arméniens, ont pris le chemin de l'exil pour l'Arménie. Les séparatistes ont annoncé rendre les armes et que les habitants ayant perdu leur maison dans les derniers combats pourraient partir en Arménie.

« Comme nous avons dû quitter notre chez nous précipitamment en 1992, nous sommes prêts à y retourner aussi promptement » et à laisser Terter, ses vieilles Lada de l'époque soviétique et le souvenir omniprésent de la guerre, réagit Azad Abbasov.

Ici, comme dans les bourgades environnantes, trônent des affiches de poings levés ou de fleurs de Khary bulbul, symbole de la reconquête de territoires du Karabakh en 2020, de la ville de Choucha notamment, considérée par Bakou comme sa capitale culturelle.

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A Terter, une centaine de panneaux signalent les dégâts subis lors de la guerre de 2020, comme cette queue de missile qui dépasse comme une verrue dans le jardin de Javid Ismayilov, et qui a détruit sa maison. Une théière bleue, un ventilateur tordu et une veste en cuir gisent encore parmi les gravats, comme un mémorial à ciel ouvert.

« Les graines de l'animosité » 
Comme Azad Abbasov, les déplacés interrogés disent caresser le rêve d'un retour au Haut-Karabakh.
« Bien sûr que je veux retourner au Karabakh, nous en avons assez de la guerre et de la peur », assure Valiyeva Nazakat, 49 ans, qui a perdu son mari lors du conflit de 44 jours à l'automne 2020. Cette ancienne ouvrière d'une fabrique de tapis a aussi perdu les belles montagnes, les sources d'eau et les vignes de son village d'enfance, Boyahmadli.

Il a été repris depuis par les forces azerbaïdjanaises. Mais l'accès y est strictement encadré. Et si par endroits de petites villes nouvelles sont sorties de terre, elles ne sont pas encore habitées.

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« Nous avons besoin de conditions pacifiques pour revenir », prévient Azad Abbasov. « Il faut que mon village soit libéré correctement, il faut déminer, il faut construire des routes, il faut rebâtir des maisons, il y a beaucoup de choses qui doivent être faites ». Il faudra aussi dépasser les antagonismes qui ont grandi au fil des générations et des batailles. « Il faut extraire les graines de l'animosité entre nous », dit Azad Abbasov, et régler l'épineuse question du relogement. Hors de question pour lui toutefois d'habiter une autre maison que celle qui était la sienne. « Que les Arméniens retournent dans leur village », répète-t-il.

En écho, les déplacés arméniens qui ont fui dimanche l'enclave disent leur refus catégorique de retourner chez eux si les « Turcs », comme beaucoup nomment les Azerbaïdjanais, y viennent aussi. « Tout a besoin de temps, c'est un long processus », commente pour sa part Javid Ismayilov, « mais nous pouvons vivre les uns avec les autres », veut croire le trentenaire.

Trente ans que la beauté montagneuse du Haut-Karabakh manque à Azad Abbasov, la moitié de sa vie. La victoire éclair de Bakou sur les séparatistes arméniens de cette enclave disputée du Caucase est venue raviver pour ce déplacé l'espoir de retrouver son village.« C'est mon obsession », témoigne depuis la ville de Terter, en Azerbaïdjan, l'enseignant de 67 ans en...

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