Le changement de style entre le gouverneur par intérim de la Banque du Liban (BDL), Wassim Mansouri, et l’ex-gouverneur Riad Salamé, dont le dernier mandat s’est terminé fin juillet dans une tempête de procédures judiciaires, est décidément de plus en plus visible avec chaque semaine qui passe.
Si le second fait l’objet d’une interdiction de voyager depuis mai dernier, le premier a entamé son second mois aux commandes de l’institution par un déplacement en Arabie saoudite. Ce voyage s’inscrit dans le cadre de sa participation à l’un des panels d’une conférence organisée sous l’égide de l’Union des banques arabes, la première jamais organisée en Arabie saoudite par l’association depuis sa création il y a 50 ans.
Double portée
Au niveau libanais, le déplacement du premier vice-gouverneur de confession chiite revêt une portée symbolique qui dépasse l’événement.
D’une part, parce que c’est la première fois depuis longtemps qu’un officiel de la BDL se déplace à l’étranger pour représenter l’institution, alors que la situation du secteur bancaire libanais, marquée par des restrictions bancaires limitant l’accès des déposants libanais et étrangers à leurs comptes en dollars, ne s’est toujours pas normalisée. D’autre part, parce que ce déplacement a lieu en Arabie saoudite, qui demeure historiquement le principal soutien financier du Liban malgré des relations en dents de scie et alors que le royaume appelle régulièrement les dirigeants libanais à lancer les réformes qui leur sont demandées pour redresser le pays.
Lors d’un entretien accordé à la chaîne al-Arabiya, le gouverneur p.i. a mis cette dimension en exergue. « Nous sommes à Riyad, et je pense que les relations entre le Liban et l’Arabie saoudite sont historiques, il faut les préserver et les développer », a-t-il notamment déclaré en introduction de ses propos, avant d’indiquer que le Liban gagnerait à ce qu’elles s’améliorent. Relancé par son interlocutrice, Wassim Mansouri a ajouté que l’Arabie saoudite « aura toujours un rôle positif (à jouer) pour aider le pays à sortir de la crise financière qu’il traverse », soulignant que la résolution de cette crise devait d’abord venir du Liban.
Une partie de la classe politique et de la population libanaise considère Riad Salamé comme l’un des principaux responsables de la crise que traverse le pays, tandis que l’ancien gouverneur et plusieurs de ses proches sont ciblés par plusieurs enquêtes et procédures lancées au Liban comme à l’étranger, notamment pour des faits de corruption présumée. Des accusations qu’il continue de nier.
De son côté, l’Arabie saoudite apparaît comme l’un des pays les plus critiques à l’égard de la classe dirigeante libanaise, mais est également un investisseur potentiel majeur au Liban. Alors que le royaume s’est fait moins présent politiquement depuis plusieurs années et se veut très critique de la mainmise de l’Iran sur le Liban via le Hezbollah, les acteurs locaux, en quête de financements pour sortir de quatre années de crise, espèrent un retour politique de Riyad sur la scène libanaise avec l’élection d’un nouveau chef de l’État.
Redites
Les autres déclarations de Wassim Mansouri à al-Arabiya sont majoritairement des redites de ses précédentes interventions publiques, qu’il s’agisse de son dernier point de presse à la BDL le 25 août, de sa communication faite le 31 août sur les réserves de devises de la BDL au 15 août ou d’une autre interview publiée ce week-end par le journal Asharq al-Awsat. En résumé, le gouverneur p.i. répète qu’il ne financera pas l’État libanais « ni en livres ni en dollars », que l’économie du cash est un danger pour l’économie libanaise, et tente d’adopter une communication transparente et exhaustive.
Lors de son interview à al-Arabiya, il a notamment affirmé que « la restitution des fonds aux déposants n’est pas impossible » et qu’elle ne devrait pas prendre « trop longtemps », sans toutefois fournir plus de détails sur un mécanisme potentiel pour y parvenir. Une référence aux dépôts bloqués par les restrictions bancaires illégalement mises en place depuis 2019 et que la BDL a aménagées au fil du temps via plusieurs circulaires.
Wassim Mansouri a intégré le conseil central de la BDL en 2020 et une partie de l’opinion considère qu’il a participé aux manœuvres de l’ancien gouverneur, tandis que d’autres voix insistent sur le fait que Riad Salamé, en place depuis 1993, officiait en roue libre depuis longtemps. Enfin, le gouverneur p.i. a confirmé que le projet de nouvelle plateforme de change opérée par Bloomberg, « à la place de Sayrafa » qu’il avait portée avec les trois autres vice-gouverneurs avant sa prise de fonctions, est toujours d’actualité.
La plateforme Sayrafa, qui était supposée devenir la référence du marché sous l’ère Salamé, a toujours affiché des taux de change évoluant à quelques encablures de celui pratiqué par les agents de change légaux et illégaux, et qui est devenu le vrai marqueur d’une monnaie nationale en chute libre depuis le début de la crise. Son fonctionnement n’a jamais été clairement explicité par la BDL.
commentaires (12)
Ai vu son interview. Nul doute qu'il a le cerveau bien fait et qu'il est bon communicant (en revanche, il devrait changer de coiffeur). Mais il a été partie prenante aux décisions de son patron sans broncher (lorsqu'on a son CV, il est facile de démissionner et de retrouver un employeur), il est sous la coupe d'un autre patron au pedigree de concierge en chef de l'oligarchie, alors il faut fortement relativiser la sincérité de ses nobles déclarations d'intention
IBN KHALDOUN
15 h 01, le 06 septembre 2023