Nabih Berry a jeté son pavé dans la mare. Pour la première fois depuis le début du feuilleton de l’élection présidentielle, le 29 septembre 2022, le président de la Chambre a proposé à ses adversaires un compromis : il s’est engagé solennellement à tenir des « séances électorales ouvertes et successives » du Parlement, à condition qu’elles soient précédées d’un dialogue élargi qui réunirait les chefs de blocs parlementaires à l’hémicycle pendant sept jours.
Cet engagement intervient avant le retour à Beyrouth prévu en septembre de l’émissaire spécial de l’Élysée pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, dont les efforts sont censés aboutir, eux aussi, à des concertations politiques élargies afin de combler la vacance au niveau de la magistrature suprême, près d’un an après la fin du sexennat de Michel Aoun en octobre dernier.
Nabih Berry a choisi le 45e anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr, fondateur du mouvement Amal (actuellement présidé par le chef du législatif), devenu un rendez-vous politique annuel, pour lancer ce « dernier appel » au dialogue autour de la présidentielle, tous les précédents ayant été rejetés par l’opposition.
« J’appelle les chefs et les représentants des blocs parlementaires à participer à un dialogue au Parlement en septembre, pour une période qui n’excéderait pas sept jours, après laquelle se tiendraient des séances ouvertes et successives (...) pour parvenir à l’élection d’un président », a déclaré M. Berry devant une foule de partisans rassemblés jeudi à Jnah, dans la banlieue sud de Beyrouth, un fief du mouvement Amal et de son partenaire de longue date le Hezbollah. Le chef du législatif se montre donc de nouveau disposé à jouer son rôle traditionnel de parrain du dialogue national, une option qu’il n’avait plus défendue depuis l’annonce de son appui à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République. Fait remarquable, M. Berry a renoué jeudi avec cette option de dialogue alors qu’il n’a à aucun moment prononcé le nom de M. Frangié.
L’opposition dans le viseur
Ce tout premier engagement public à tenir des séances ouvertes et successives dédiées à l’élection d’un nouveau chef de l’État intervient à l’heure où il est accusé par ses détracteurs de l’opposition de bloquer la tenue de l’échéance en provoquant systématiquement avec le Hezbollah et ses satellites, lors des douze séances électorales tenues jusqu’ici, un défaut de quorum et − surtout − en s’abstenant de convoquer la Chambre à des réunions exclusivement électorales comme le stipule la Constitution dans son article 75.
En attendant les réactions des divers protagonistes à sa nouvelle initiative, sachant qu’une bonne frange de l’opposition refuse de dialoguer avec le Hezbollah et son camp autour de la présidentielle, Nabih Berry ne compte pas rester les bras croisés. Il a clairement laissé entendre qu’il continuerait à convoquer la Chambre à des séances législatives sous le label de la législation de nécessité, concept qu’il avait lui-même mis en place pour justifier la tenue de séances parlementaires en période de vacance présidentielle.
« Ce n’est pas en opposant un veto sur des candidats ou en imposant d’autres, ni en paralysant les pouvoirs exécutif, qui devrait expédier les affaires courantes dans le sens strict du terme, et législatif que se tiendra la présidentielle », a lancé Nabih Berry, dans une pique adressée au CPL dont les ministres boycottent les séances gouvernementales depuis décembre dernier, mais aussi en direction de l’opposition. « Aurait-il fallu que la proposition de loi légalisant la déviance sexuelle soit incluse à l’ordre du jour de la dernière séance législative (pour que tout le monde fasse acte de présence) ? » Il faisait allusion d’abord à la réunion parlementaire prévue le 17 août qui a fini par tomber à l’eau à cause du boycottage de l’opposition chrétienne et du CPL. Il faisait référence aussi au texte présenté par des députés de l’opposition et du CPL pour abolir l’article 534 du Code pénal qui criminalise toute relation dite « contre-nature ».
Sur un autre registre, le président de la Chambre s’est félicité de l’accord de Pékin conclu en mars dernier pour rendre à la normale les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Il a dans ce cadre salué les efforts de la Chine, espérant que cette entente sera concrétisée et que ses retombées se feront sentir sur l’ensemble de la région. M. Berry a, dans le même temps, salué « le retour de la Syrie » (et non du régime de Bachar el-Assad) dans le giron arabe dans le sillage de l’accord de Pékin. Et d’appeler à une normalisation des rapports entre Beyrouth et Damas afin de « préserver les intérêts communs » et de discuter de plusieurs dossiers, les réfugiés syriens en tête.
commentaires (18)
Hezbollah et ses « satellites »? Qui sont les «satellites »? Mieux vaut le dire si on a le courage!
Sami NAJJAR
21 h 26, le 01 septembre 2023