Mandat de la Finul : Beyrouth pourra-t-il compter sur Pékin et Moscou ?

Pressé par le Hezbollah, l’État libanais ne compte pas baisser les bras. À l’approche du 31 août, date à laquelle le mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) devra être renouvelé par le Conseil de sécurité, le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, s’est rendu mercredi à New York pour tenter d’obtenir le retrait d’un point qui déplaît fortement au parti chiite.

L'édito de Issa GORAIEB

Casques bleus et humour noir

Si sa visite a été ajournée de quelques jours faute de financement – le palais Bustros accusant le ministère des Finances de ne pas avoir déboursé les 9 092 dollars qu’il avait réclamés, ce que le Trésor dément –, le chef de la diplomatie reste déterminé à avoir raison du fameux article 16. Introduit à la résolution 2560 l’année dernière sous l’impulsion des puissances occidentales, ce paragraphe accorde la permission à la force onusienne de mener sa mission « sans autorisation préalable » et de « manière indépendante » de l’armée libanaise. Un amendement qui avait suscité la colère des autorités libanaises, et derrière elles du Hezbollah, qui n’ont cependant pas pu le rayer. Beyrouth revient cette année à la charge, avec l’espoir d’obtenir cette fois-ci le soutien de Moscou et de Pékin.

« Ils soutiendront le Liban jusqu’au bout »
« Pour le Liban, il est important que l’article 16 soit retiré, tant par respect pour la souveraineté libanaise que pour protéger la Finul d’incidents potentiels avec les habitants, qui font confiance à l’armée libanaise », explique un diplomate libanais à L’Orient-Le Jour. En décembre dernier, Sean Rooney, un soldat de la paix irlandais, a été tué dans le village de Aaqibiyé au Liban-Sud, alors qu’il faisait partie d’un convoi de deux véhicules blindés attaqué par des villageois. Des membres du Hezbollah ont été inculpés par la justice libanaise dans cette affaire. Plus récemment, des habitants de la bourgade de Khiam s’en sont pris à un convoi de la Finul et ont essayé de planter un drapeau du Hezbollah sur un véhicule de l’ONU. Mais du côté des Occidentaux, ces incidents ne font que raffermir leur volonté de renforcer les prérogatives de la force onusienne. « La mort de Sean Rooney fait que nous sommes de plus en plus attachés à l’indépendance des Casques bleus », commente une source diplomatique occidentale à notre journal.

Pour rappel:

Mandat de la Finul : la délimitation de la frontière terrestre contre la suppression de l'article 16 ?

Face à cette intransigeance, les Libanais espèrent compter sur le soutien des Russes et/ou des Chinois, qui disposent d’un droit de veto au Conseil de sécurité. « J’ai contacté les autorités des deux pays, et elles ont affirmé qu’elles soutiendront le Liban jusqu’au bout », affirme à L’OLJ l’ancien député aouniste Amal Abou Zeid, qui a été l’émissaire de l’ex-président Michel Aoun pour la Russie. Et d’ajouter : « La Russie et la Chine s’opposeront à tout ce que le Liban n’acceptera pas, et coordonnent actuellement leur position avec le palais Bustros. » En 2022, ces deux puissances n’avaient pourtant pas utilisé l’arme du veto pour bloquer l’article 16. Il faut tout de même noter qu’à l’époque, les relations entre Moscou et Beyrouth n’étaient pas au beau fixe, le Liban officiel ayant adopté des positions pro-Ukraine à l’Assemblée générale de l’ONU dans les premiers mois de l’invasion russe. Mais depuis, le Liban a revu sa copie, se positionnant plutôt en zone neutre. Assez pour faire changer d’avis au Kremlin ? « Si les Libanais en formulent la demande, Moscou pourrait aider dans les négociations », estime le chercheur Yeghia Tashjian, spécialiste de la Russie, qui rappelle toutefois que tant les Russes que les Chinois (la Finul compte plus de 400 soldats de l’armée chinoise) sont attachés à la mission des Casques bleus et à la stabilité à la frontière sud.

Solution médiane
Dans ce contexte, les Français, chargés de rédiger le texte de la nouvelle résolution, sont à la recherche d’une solution médiane. « Nous œuvrons à trouver une formulation qui soit acceptable pour tous les acteurs et qui protège l’indépendance de la Finul », révèle une source diplomatique française. Et d’ajouter : « Mais il ne faut pas oublier qu’il y a également un volet financier à l’affaire, l’armée libanaise ayant besoin de carburant si elle doit accompagner les patrouilles des soldats de la paix. » Le Liban réclame en effet la prolongation d’une année supplémentaire de l’aide octroyée à l’armée libanaise par la Finul. Selon les informations de notre journal, lors de sa réunion mardi avec les députés de l’opposition, le commandant de l’armée Joseph Aoun a fait savoir à ses visiteurs que la troupe pourrait se retrouver à court d’hydrocarbures dans les semaines à venir.  Mais certains membres de l’ONU craignent que cette situation devienne la norme et crée un précédent dans d’autres pays, et que les forces de maintien de la paix soient obligées d’aider les armées nationales. 

C’est donc en position de faiblesse que le Liban négocie avec les puissances mondiales, et il pourrait avoir du mal à imposer ses conditions. D’autant que, selon des sources diplomatiques concordantes, Washington et Tel-Aviv cherchent au contraire à renforcer l’indépendance de la Finul, notamment après les incidents sécuritaires qui ont secoué la frontière ces derniers mois. Début juillet, le gouvernement israélien a de facto incorporé la partie libanaise du village transfrontalier de Ghajar, en érigeant une clôture au nord de la localité. Une violation de l’accord 1701 venue en réponse à l’installation par le Hezbollah de deux tentes dans la région contestée des collines de Kfarchouba et des fermes de Chebaa, territoire revendiqué par le Liban, considéré par la communauté internationale comme syrien et occupé par Israël. Depuis, la situation est précaire à la frontière. « La liberté de mouvement de la Finul et son accès à des régions sensibles sont essentiels pour réduire l’instabilité au niveau de la ligne bleue », commente un porte-parole de l’ambassade des États-Unis au Liban. « La Russie et la Chine pourraient aider le Liban à empêcher l’ajout de nouvelles clauses défavorables dans le texte de renouvellement, estime Joe Macaron, un spécialiste du Moyen-Orient. Toutefois, ces deux pays ne peuvent pas faire grand-chose pour imposer les conditions libanaises. » Du côté de la diplomatie de Beyrouth, on se contente d’affirmer que « les prochains jours seront décisifs ».