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Casques bleus et humour noir


Ils ont arnaqué le peuple dans les grandes largeurs en pillant ou gaspillant les biens publics. Ils ont endormi de fausses promesses les pays donateurs qui réclamaient des réformes en échange de leur généreuse assistance financière. Et ils n’ont pas fini de jouer au plus fin avec le Fonds monétaire international qui avance les mêmes exigences. Mais comment les gouvernants libanais espèrent-ils encore rouler, berner, leurrer, gruger, filouter la planète tout entière, qu’incarne l’ONU ?


La question était posée il y a un an déjà dans ces mêmes colonnes, et c’est pour la même occasion qu’elle ré-atterrit sur le tapis : à savoir la régulière, la rituelle prorogation, tous les 31 août, du mandat de la force intérimaire des Nations unies stationnée depuis 1978 à notre frontière sud. Voilà déjà qui est bien long pour un intérim. Quant à la routine, le Conseil de sécurité lui faisait une entorse, l’an dernier, quand il autorisait la Finul à patrouiller librement, avec ou sans préavis, avec ou sans accompagnement de l’armée libanaise. Cette dernière se voyait d’ailleurs pressée de se déployer de façon rapide, efficace et durable dans le sud du pays : ah, l’élégante formule pour rappeler que 45 ans après l’institution de la Finul, ce n’est pas encore chose faite…


À quelques jours du renouvellement, c’est à l’édulcoration de cette même et totale liberté de mouvement accordée aux soldats onusiens qu’œuvre en ce moment, à New York même, le ministre libanais des AE L’État voit dans cette clause une atteinte aussi grave qu’imméritée à sa propre souveraineté. Pour sérieusement déclinée qu’elle soit, la tirade ne manque pas d’humour – très noir – à l’heure où ladite et pauvre souveraineté est à chaque instant défiée ou carrément violée par les débordements miliciens et les activités des contrebandiers et trafiquants de tout poil. Plus convaincant paraît, à première vue, l’argument officiel numéro deux : à savoir qu’en se laissant chaperonner par la troupe locale, les soldats de l’ONU seraient moins exposés à des frictions avec les populations locales.


Or la Finul ce n’est pas seulement 10 500 militaires expédiés sur place par une quarantaine de pays pour contrôler le calme dans la zone frontalière et aider l’État libanais à y rétablir son autorité sans partage. Ce n’est pas seulement 329 soldats morts au service d’une cause qui n’avait rien de vital pour leurs patries. Sur un plan plus terre à terre, le ravitaillement et le fonctionnement de cette force sont une source de prospérité pour la région, sans même parler des nombreuses prestations sociales, sanitaires, culturelles et autres qui y sont offertes par plus d’un contingent. Il en ressort que la population n’a aucune raison, bien au contraire, d’en vouloir aux Casques bleus, la quasi-totalité des incidents répertoriés étant d’inspiration partisane. Seuls Israël et le Hezbollah, chacun pour les raisons qui lui sont propres, s’acharnent à dénigrer la Finul ; voilà qui devrait suffire à en démontrer l’immense utilité, l’impérieuse nécessité.


Force est de relever enfin que cette salutaire formalité du 31 août ne se déroule pas sous un ciel sans nuages. Après les célébrissimes fermes de Chebaa, c’est la localité de Ghajar qui se pose en brûlot potentiel : et cela dans un cadre non moins fantasmagorique, puisqu’il faut, dans l’un et l’autre cas, y faire une place pour… les Syriens. Comme tout le monde sait, le premier de ces sites est revendiqué par le Liban alors qu’Israël prétend l’avoir pris à la Syrie lors de la guerre de 1967 ; priées d’attester de la libanité de ce territoire, les autorités de Damas s’y refusent toutefois aussi longtemps qu’elles n’auront pas récupéré les hauteurs du Golan annexées en 1981. De l’ennemi ou du Liban, il est facile de voir lequel pâtit le plus de ce chantage…


Tout aussi surréel est le cas de Ghajar, village que coupait en deux la ligne bleue. Au grand émoi de Beyrouth, le boulimique Israël en a récemment absorbé, clôtures à l’appui, la partie nord. Or si la terre volée est bel et bien libanaise ses habitants ne le sont pas, ou ne le sont plus : dans leur quasi-totalité d’ailleurs, ils se sont longtemps dits Syriens, finissant néanmoins par acquérir, pour des raisons pratiques, la citoyenneté israélienne.


On le voit, l’absurde n’a pas fini de s’inviter dans l’imbroglio de la frontière sud.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ils ont arnaqué le peuple dans les grandes largeurs en pillant ou gaspillant les biens publics. Ils ont endormi de fausses promesses les pays donateurs qui réclamaient des réformes en échange de leur généreuse assistance financière. Et ils n’ont pas fini de jouer au plus fin avec le Fonds monétaire international qui avance les mêmes exigences. Mais comment les gouvernants libanais...