La nuit

Tu ne m’impressionnes pas. Ton influence est fugace, ton parcours est court.

Combien de peuples dans l’histoire tu as englouti par ton ignorance, mais tu ne pourras pas écraser les chrétiens du Liban.

Combien de personnes tu as jugé par ton tribunal injuste, mais ce tribunal est bâti sur du sable mouvant.

Lâche les chrétiens du Liban, tu ne pourras pas les contenir. Ils ne reconnaissent que la liberté comme maître. La liberté que tu ne connais pas, que tu ne saisis pas car elle fait partie de la lumière qui t’aveugle et qui te paralyse.

Lâche ma peau. Probablement tu pourras en avoir raison, mais tu n’atteindras pas mon esprit. Il restera libre, indépendant, vivant et combatif. Tu peux prendre ma vie mais pas ma liberté.

Dans quelques heures tu seras effacé par la lumière du jour. Ce pouvoir que tu croyais sans limite se désintégrera comme un château de sable. Tu verras le Liban et les chrétiens du Liban ressurgir comme un dragon, et leurs ombres couvriront ton corps décomposé. Tu verras apparaître les esprits des patriarches, de Youssef Bey Karam, de Bachir Gemayel, de Camille Chamoun, de Pierre Gemayel, des milliers de martyrs qui te regardent d’un regard qui frôle la pitié. Tu verras apparaître dans tes cauchemars la silhouette de Samir Geagea, qui te fera gémir et souffrir dans ta demeure éternelle. Tu sentiras le sang de Gebran Tuéni et d’autres brûler ta peau sombre. Tu entendras tout un peuple danser, chanter, rire sur ta tombe vide.

Tu ne pourras pas venir à bout des chrétiens du Liban, et par là même du Liban. Quelles que soit leurs divisions, quel que soit l’ampleur de leur émigration. Les derniers des Mohicans écraseront ton ignorance, car la résistance est dans leurs gènes. Ta nuit est même sans étoiles, sans issue, elle ne peut pas durer longtemps

Éloigne-toi de mon avenir. Ton obscurantisme ne m’intéresse pas. Mon histoire est celle des traducteurs des travaux grecs transmis à l’islam, celle de la renaissance arabe, celle de Gebran Khalil Gebran. Éloigne-toi, nous n’avons pas la même culture, ni la même vision de la société, ni les mêmes priorités. Éloigne-toi, tu ne nous intéresses pas dans ton extrémisme, dans ton projet, dans ta manipulation de la vérité. Nous voulons un pays moderne et non enchaîné au Moyen Âge.

Nous ne voulons pas de tes discriminations barbares. Nous ne croyons pas au délit de l’homosexualité ni à leur condamnation à mort. Nous croyons au mariage civil, à la liberté totale de la femme. Nous croyons à la souveraineté du Liban, à son respect par tous. Nous pensons comme tous les autres peuples, que le Liban passe avant tout le monde. Nous n’avons pas la même vision de la société et de l’État pour pouvoir vivre ensemble. Éloigne-toi de nous.

Garde toi de sous-estimer la réaction des chrétiens du Liban. Des siècles de résistance sommeillent en eux. Garde-toi de cette erreur mortelle. Ne pousse pas loin ton insouciance, tu risques de le regretter. Méfie-toi de ton arrogance, elle risque de te voiler la réalité.

Nuit lourde et malsaine. Tu voudrais que ton pouvoir soit éternel, comme le roi Gilgamesh au sommet de sa gloire. Rien n’est durable, rien n’est éternel.

Nuit des ténèbres, sombre perspective. Laisse entrer la lumière.

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Chirurgien et diplômé en histoire