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Société - Liban / Dans nos archives

Surpopulation, manque de nourriture et de médicaments : les prisons libanaises en crise

Le nombre de détenus morts a quasiment doublé en 2022 par rapport à 2018, selon un rapport de HRW qui cite Amnesty International.
Surpopulation, manque de nourriture et de médicaments : les prisons libanaises en crise

La prison de Roumieh, la plus grande du Liban, près de Beyrouth. Photo d’archives Marwan Assaf

(Alors qu'une mutinerie a eu lieu dans la prison de Roumié le 10 juin 2024, nous vous proposons à (re)lecture cet article écrit en date d'août 2023.)

Des prisons bondées, des détenus en sous-nutrition, un accès aux soins insuffisant, un nombre de morts en détention en augmentation... La situation dans les prisons libanaises empire depuis le début de la crise économique en 2019, selon un rapport de Human Right Watch paru mercredi.

Les chiffres de la surpopulation carcérale avancés par l'ONG donnent le vertige. La plus grande prison du Liban, celle de Roumieh, a été conçue pour recevoir 1 200 détenus. Un chiffre bien loin de la réalité. Il y aurait environ 4 000 détenus, selon le Bâtonnier de Beyrouth, cité dans le rapport.

Plus de 8.000 détenus

Au total, le Liban a une capacité d'accueil de 4 760 places dans les 24 prisons du pays. Aujourd'hui, 8 502 personnes sont détenues et seules 1 094 ont été jugées, d'après les Forces de sécurité intérieure (FSI), en charge de la gestion des prisons. « Avec quatre personnes sur cinq en prison qui attendent encore d'être jugées, il n'est pas étonnant que la prison de Roumieh soit pleine à craquer. », explique dans ce rapport Ramzi Kaïss, chercheur libanais pour Human Rights Watch.

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Pour les FSI, cette situation est due à une « augmentation de la criminalité, la lenteur des procédures judiciaires qui retardent les libérations, ainsi qu'à l'incapacité de nombreux prisonniers ayant purgé leur peine à payer les frais nécessaires à leur libération », explique un policier, resté anonyme dans le document. Dans leur rapport mensuel au début du mois d'août, les FSI affirmaient que le nombre de crimes signalés était en baisse de 38 % depuis le début de l'année 2023.

« Même des chiens ne voudraient pas manger ça »

Cette surpopulation entraîne d'autres problèmes. L'augmentation du nombre de personnes derrière les barreaux augmente le nombre de bouches à nourrir ainsi que la facture finale. En mars 2021, une enquête avait été ouverte par le procureur général de la République Ghassan Oueidate, suite à des informations de presse faisant état d’un risque de famine dans le milieu carcéral.

En 2022, l'Etat avait été incapable de payer sept mois de facture aux fournisseurs alimentaires, lesquels avaient menacés d'arrêter les livraisons. Une décision qui aurait privé les détenus de quatre prisons libanaises de nourriture. Suite à cet incident, un projet de loi d'urgence avait vu le jour pour désengorger les établissements pénitenciers.

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« Les membres des familles des détenus ont déclaré que l'accès à la nourriture dans les prisons s'est dangereusement détérioré depuis le début de la crise économique en 2019 », relève le rapport. Si avant la crise économique, la plupart des prisonniers mangeaient de la nourriture rapportée par leurs famille ou achetée dans le supermarché de la prison (à des prix très élevé), ce n'est plus qu'un lointain souvenir aujourd'hui.

Depuis la crise du Covid, les détenus - interdits de visite des familles - sont devenus plus dépendants de la nourriture fournie directement par les établissements. Et même si ces rencontres sont désormais rétablies, l'inflation ne permet plus aux familles de les soutenir, et les prix des supermarchés dans les établissements sont bien trop élevés pour eux. La demande de livraison de nourriture augmente, mais l'Etat, fragilisé par la dépréciation de la livre libanaise, peine à payer les fournisseurs, comme l'affirment les FSI dans le rapport. Des solutions ont été trouvées pour financer la nourriture jusqu'à la fin de l'année, mais ce n'est pas suffisant pour les familles. Elles dénoncent des quantités d'aliments trop faibles, de mauvaises qualité, voire impropre à la consommation. « Même des chiens ne voudraient pas manger ça », s'insurge la mère d'un détenu de la prison de Roumieh.

Deux fois plus de détenus meurent derrière les barreaux

S'ajoute au problème de sous-nutrition, celui de l'accès aux médicaments et aux interventions médicales. Les retombées de cette situation sont glaçantes : le nombre de personnes mortes en prison a quasiment doublé en 2022 par rapport à 2018, selon HRW, qui cite Amnesty International.

Pourtant en 2022, l'Agence italienne pour la coopération au développement a fait don à la prison de Roumieh de médicaments d'une valeur de 100.000 euros (108.000 dollars), selon l'agence citée dans le rapport de HRW. Mais la situation ne semble pas s'améliorer. « Les prisonniers et leurs familles (...) ont affirmé que la pharmacie de la prison manquait toujours de médicaments de base », explicite le rapport. 

Alors que les conditions sanitaires dans le milieu carcéral étaient déjà difficiles avant la crise économique, elles ont nettement empiré depuis la dépréciation de la livre. En décembre 2022, des proches de détenus dénonçaient à L'Orient-Le Jour la propagation de nombreuses maladies cutanées, « surtout la gale ».  « Il n’y a pas de médicaments, et s’il y en a, ce sont souvent des boîtes périmées », confiait à l'époque un des détenus.

Des informations démenties à l'époque par un officier des FSI : « Ce sont des histoires exagérées, des mensonges. Jamais nous ne donnerons de médicaments périmés aux prisonniers, même si tout le monde sait qu’un médicament peut être utilisé jusqu’à 6 mois après sa date de péremption ».

Des solutions qui tombent à l'eau

Pour palier le problème de surpopulation carcérale, en 2015, le gouvernement libanais avait accepté d'allouer 30 millions de dollars pour construire une prison dans la ville de Majdaliya. A l'époque, le ministre de l'Intérieur, Nohad Machnouk, avait déclaré que l'établissement serait construit en 18 mois. « Huit ans plus tard, la prison n'est toujours pas construite », souligne le rapport.  

Le rapport est à retrouver ici.

(Alors qu'une mutinerie a eu lieu dans la prison de Roumié le 10 juin 2024, nous vous proposons à (re)lecture cet article écrit en date d'août 2023.)Des prisons bondées, des détenus en sous-nutrition, un accès aux soins insuffisant, un nombre de morts en détention en augmentation... La situation dans les prisons libanaises empire depuis le début de la crise économique en 2019, selon un...
commentaires (3)

Être croyant c'est être humain. Au delà de 4 ans sans procès, la France libère les prisonniers en attendant la fin de l'instruction et le procès.

Céleste

08 h 54, le 24 août 2023

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Commentaires (3)

  • Être croyant c'est être humain. Au delà de 4 ans sans procès, la France libère les prisonniers en attendant la fin de l'instruction et le procès.

    Céleste

    08 h 54, le 24 août 2023

  • Sûrement l’argent pour construire la prison à été volé comme d’habitude , la plus grande mafia, honte

    Eleni Caridopoulou

    20 h 02, le 23 août 2023

  • Allez, encore un paramètre sur lequel il est possible d'agir pour précipiter la fin de cet État à l'agonie... tous hors de prison, yallah, brom, barra !

    Ca va mieux en le disant

    19 h 35, le 23 août 2023

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