Le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, a annoncé mercredi qu'il allait présenter jeudi au Parlement un projet de loi revêtu du caractère d'urgence destiné à réduire la surpopulation carcérale au Liban, moins d'une semaine après l'ultimatum lancé par six entreprises, menaçant de ne plus assurer de nourriture aux détenus après le 1er septembre si l'État ne payait pas ses fournisseurs.
"Une des mesures que nous avons prises pour réduire le phénomène de surpopulation est la réduction de l'année carcérale" actuellement de neuf mois, a affirmé M. Maoulaoui lors d'une conférence de presse. "J'ai discuté de ce sujet avec le Premier ministre Nagib Mikati et le président du Parlement Nabih Berry qui soutiennent tous les deux cette idée", a-t-il poursuivi.
M. Maoulaoui a précisé qu'une "proposition de loi en ce sens sera présentée demain (jeudi) matin au Parlement" et que celle-ci concernera toutes les infractions commises avant la parution de ladite législation. "J'appelle sérieusement les députés à adopter ce projet de loi", a-t-il insisté, estimant que la responsabilité "en incombe à tout le monde, pas au seul ministère de l'Intérieur".
Réfléchir à l'amnistie générale
Dressant un diagnostic alarmant de la situation carcérale au Liban, le ministre a indiqué que "79,1 % des détenus sont en attente de jugement", ce qui explique la surpopulation des prisons. "Les magistrats sont appelés à contribuer à régler ce problème en accélérant les décisions de justice, et il faut étudier sérieusement la question de l'amnistie générale qui est nécessaire dans les circonstances actuelles", a plaidé M. Maoulaoui, lui-même juge.
Le ministre sortant a également affirmé "suivre de près la demande de crédit pour l'alimentation dans les prisons", alors que les six entreprises qui l'ont alerté la semaine dernière exigent le versement des montants qui leur sont dus depuis sept mois, sous peine d'arrêter de nourrir les détenus. "Les prisons bénéficient aussi des dons qui parviennent au ministère et, en cas de nécessité, nous offrirons la totalité de ces dons aux détenus", a-t-il promis.
Vendredi dernier, les autorités avaient assuré avoir alloué 10 milliards de livres libanaises des réserves budgétaires pour régler les fournisseurs. Ce montant "ne représente qu'un mois seulement" des factures dues aux entreprises alimentaires pour les sept derniers mois, ont critiqué ces sociétés, réclamant plutôt "80 milliards de livres", dans une lettre à M. Maoulaoui. Elles sont même revenues à la charge lundi, pour exiger une somme bien plus élevée que celle promise par le ministère des Finances.
Les six entreprises réclamant leurs dus à l'État sont chargées de fournir les prisons de Roumieh, Qobbé (Tripoli) et Zahlé. D'une manière générale, l’état des prisons libanaises pose question notamment en raison de leur surpopulation. En mars 2021, une enquête avait été ouverte par le procureur général de la République Ghassan Oueidate suite à des informations de presse faisant état d’un risque de famine dans le milieu carcéral.
Le Liban vit, depuis trois ans, un effondrement financier et socio-économique considéré par la Banque mondiale comme l’une des trois pires crises que le monde ait connues depuis le milieu du XIXe siècle, marquée notamment par la chute en piqué de la livre libanaise sur le marché parallèle (autour de 32.500 LL pour un dollar mercredi après-midi), alors que le taux de change officiel, utilisé pour de nombreuses rentrées du budget de l'État, reste de 1.507,5 LL pour un billet vert, ridiculement bas selon les experts. Dans ce contexte, l’État peine à maintenir à flot ses institutions.