
Des militaires libanais déployés à Kahalé suite à une fusillade qui a fait au moins deux morts, le 9 août courant, après qu'un camion du Hezbollah s'est renversé. Mohamed Azakir/Reuters
Le 9 août, un camion transportant des armes et munitions pour le Hezbollah s’est renversé accidentellement à Kahalé, sur la route de Beyrouth à Damas. Des accrochages ont alors eu lieu entre des combattants du parti et des habitants de ce village situé le long des lignes de démarcation de la guerre civile (1975-1990). Cet incident n’est pas anodin, mais illustre une évolution de l’attitude du Hezbollah vis-à-vis de l’opinion publique.
Son communiqué du même jour n’a d’ailleurs pas pris la peine de justifier auprès des Libanais le transport d’armes en plein jour, ni même auprès des habitants de Kahalé celle de l’intervention d’hommes armés dans une localité historiquement sensible. Le communiqué publié dans la foulée ne s’adressait pas à l’opinion publique, mais à un public acquis et partisan. Il semble révolu, le temps où le Hezbollah était soucieux de gagner l’adhésion du plus grand nombre de Libanais.
Que s’est-il donc passé ? Pourquoi le Hezbollah prend-il le risque de perdre le peu de soutien qui lui reste au-delà de la communauté chiite ? Il est important de comprendre le Hezbollah aujourd’hui pour pouvoir y faire face.
Les limites de la « libanisation »
La « libanisation du Hezbollah », un terme en vogue dans les années 2000, illustre le processus de normalisation des relations entre nombre d’acteurs politiques libanais et le parti de Dieu, et décrit une tentative du Hezbollah de se muer d’une organisation militaire organiquement liée aux gardiens de la révolution en Iran en un parti politique porteur d’une légitimité locale. Ce processus de « libanisation » visait à séduire les chiites, mais aussi l’ensemble des Libanais. En février 2006, l’accord d’entente avec le Courant patriotique libre, signé à l’église Mar Mikhaïl, a été un moment-clé de ce processus : le parti avait alors le souci de se montrer comme artisan de la paix civile.
Autre moment-clé : la libération du Sud-Liban de l’occupation israélienne le 25 mai 2000. L’opportunité qu’il a su parfaitement saisir : rassurer les chrétiens et prévenir toute attaque vindicative contre les villages frontaliers. Le Hezbollah s’est alors forgé une image de respectabilité. Début août 2023, le kidnapping et l’assassinat par des inconnus d’un cadre des Forces libanaises, Élias Hasrouni à Aïn-Ebel ainsi que les incidents répétés dans la localité opposant des membres du parti aux habitants ont entamé le capital politique qu’il s’était construit.
Par ailleurs, cette prétendue « libanisation » a plusieurs fois été démentie par les choix politiques du Hezbollah, à commencer par la vague d’assassinats dont beaucoup de Libanais (2005-2013) lui attribuent la responsabilité, la miniguerre civile de mai 2008, son intervention militaire en Syrie à partir de 2011 et, finalement, son rôle présumé dans le transport du nitrate d’ammonium vers et depuis le port de Beyrouth ayant mené à la double explosion du 4 août 2020. Plus encore, se présentant historiquement comme « antiestablishment », son chef Hassan Nasrallah apparaît soudainement comme le protecteur même de la classe politique et prend une attitude hostile à l’égard des manifestations populaires d’octobre 2019. Cette suite d’événements a progressivement érodé son image auprès de l’opinion publique, toutes confessions confondues.
Affaiblis par le soulèvement d’octobre 2019 et la crise économique, les alliés du parti ont dû aussi prendre leurs distances afin de mieux préserver ce qui leur reste de légitimité au sein de leurs propres communautés, à l’image du chef du CPL Gebran Bassil, sévèrement critiqué pour avoir servi de couverture à l’agenda du Hezbollah. Ce dernier ne peut désormais plus s’appuyer uniquement sur un jeu d’alliances pour aboutir à ses objectifs.
La position du parti de Dieu est paradoxale : il n’a jamais été aussi puissant militairement, mais semble aujourd’hui incapable de transformer cette toute-puissance en hégémonie politique. Incapable d’imposer son candidat Sleiman Frangié à la présidentielle, le Hezbollah se renferme sur lui-même et semble prendre des risques incommensurables que l’on ne lui connaissait pas.
Alors, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? À l’heure des grands marchandages régionaux, le parti de Dieu semble pressé. Il veut transformer sa supériorité militaire en une domination absolue sur le Liban et semble prêt à commettre des erreurs.
Pourtant, le Hezbollah connaît le risque auquel il s’expose et expose avec lui l’ensemble des Libanais : la guerre civile.
Sortir de l’impasse
Comment sortir le pays de l’impasse alors qu’il croule sous le poids d’une crise politique et économique sans précédent ? Le dialogue national pour permettre « l’élection du président » tel que proposé par certains acteurs internationaux, dont la France, est-il une option ? La réponse est à la fois non et oui.
Non s’il porte uniquement sur l’élection présidentielle, notamment parce qu’il permettrait de consacrer un usage extraconstitutionnel pour « choisir » un président, et d’accepter le fait accompli du Hezbollah et de ses alliés de suspendre le rôle du Parlement libanais chargé d’élire un président selon la Constitution. L’élection d’un président selon la Constitution devrait être la clé d’un dialogue.
Oui parce que, au Liban, on ne peut pas refuser de dialoguer. À l’heure où le Hezbollah se montre si agressif et violent, le courage consiste à saisir la gravité du moment et éviter une guerre civile au pays ! Cependant, tout dialogue, tout en étant ouvert, ne peut exister qu’à partir du constat indéniable que la coexistence entre le Hezbollah armé et l’État n’est plus viable. Ce dialogue doit également s’appuyer sur le principe d’une justice transitionnelle qui garantisse justice aux victimes des crimes politiques commis depuis la fin de la guerre civile, incluant les victimes du port de Beyrouth du 4 août et des assassinats politiques.
Au sommet de sa puissance militaire, les événements des derniers jours montrent que le Hezbollah est anxieux et semble pris dans sa frénésie de propagande. Plus inquiétant encore, il semble prêt à retourner à ses origines du début des années 1980 : un mouvement politico-militaire, davantage craint que respecté (tant au Liban qu’à l’international), qui devrait sa survie à l’usage de la force et qui aurait échoué définitivement son entreprise de « libanisation ». Il nous appartient de refuser ce retour vers le spectre de la guerre civile !
Pour y parvenir, et à l’heure où l’audience du Hezbollah se rétrécit, il est temps pour l’opposition réformiste et non sectaire d’élargir son audience au-delà des frontières communautaires traditionnelles.
Naji ABOU KHALIL
Membre du comité exécutif du Bloc national
Juste le discours stérile de Nasrallah cette semaine démontre sa faiblesse, politique et militaire ! Depuis le 14 octobre 2021, le peuple qui se bat pour la Liberté, a appris que la milice du Hezbollah, était faite d'êtres humains et non de combattants "Divin". Le HA, a perdu des plumes, le 4 août 2020! D'autres, à Tayyouné et maintenant à kahalé! La plus grande honte est de voir l'armée Libanaise protéger, escorter et livrer le camion au Hezbollah ! Que devrais-je dire? Vive l'armée ? Comment coexister avec des personnes qui jours après jours, attaquent tout ceux qui ne pense comme eux. Des menaces peu voilées envers la communauté chrétienne ! Aller voir sur X (ancien Twitter), c'est impossible de vivre avec des FANATIQUES !
15 h 51, le 17 août 2023