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Le tournant de Kahalé

À chaque fois que le pays peut donner le sentiment, illusoire, « d’aller mieux », des événements tragiques viennent nous rappeler à quel point tout ce pseudo-équilibre ne tient vraiment qu’à un fil. Le Liban est si morcelé, si abîmé dans chacune de ses composantes que la moindre allumette déclenche tout de suite une escalade qui peut vite devenir hors de contrôle.

Comme à Tayouné en 2021, les échanges de tir qui ont eu lieu mercredi soir entre des membres du Hezbollah et des habitants de Kahalé ont ravivé non seulement les souvenirs mais aussi et surtout l’esprit de la guerre civile. Le ras-le-bol contre le sentiment de toute puissance et d’impunité que dégage le Hezbollah est tel, en particulier au sein de la communauté chrétienne, que le désir de confrontation et/ou de séparation l’emporte désormais sur tout le reste.

On peut bien sûr se montrer critique face à cette surenchère aux accents identitaires qui n’est rien de moins qu’un renoncement à une certaine idée du Liban. Mais il ne faut surtout pas se leurrer : même si la tentation du « maronistan » a toujours existé dans les rangs chrétiens, sa popularité actuelle n’est que la conséquence du comportement en tout point intolérable de la milice pro-iranienne.

C’est le Hezbollah, plus que tout autre facteur, qui est en train de tuer le Liban. Pas parce qu’il transporte ses armes en passant par des régions « qui ne lui appartiennent pas », mais parce qu’il les utilise ou menace de les utiliser à chaque fois que les choses ne vont pas dans ce sens. Non content d’avoir créé un État dans l’État, il impose son perpétuel chantage à la guerre civile à tout le pays. Quel type de coexistence peut survivre dans ces conditions ? Comment espérer parvenir à réformer le pays, sans même parler de construire un État digne de ce nom, avec un « partenaire » qui pointe en permanence son pistolet sur notre tempe ?

À côté, tout le reste – la corruption, le clientélisme, le communautarisme – semble secondaire. Non pas que ces maux ne participent pas eux aussi à tuer le Liban, mais parce qu’il est illusoire de penser pouvoir en guérir tant que l’esprit milicien qui habite le Hezbollah continuera d’imposer ses règles du jeu à tous les autres acteurs.

Le parti de Dieu a mis le pays face à une impossible équation : c’est soit la guerre, qui coûtera très cher à toutes les communautés et finira de détruire le pays, soit la poursuite d’un délitement progressif qui conduit à une transformation en profondeur du Liban.

Il est impossible de continuer comme cela et absurde de penser que l’élection d’un président, quel qu’il soit, suffira à panser des plaies qui, à force de s’approfondir, finissent par dévorer le corps tout entier.

Mais une fois posé le constat, que fait-on ? Face à un acteur qui ne comprend que le rapport de force, faut-il parler le même langage ? La réponse est complexe. Attendre du Hezbollah qu’il comprenne qu’il est allé trop loin et qu’il se fixe lui-même des limites est utopique. Attendre que le problème soit réglé « à l’échelle régionale » l’est tout autant. Même si le régime iranien venait à s’effondrer, rien ne dit que le Hezbollah, qui en est pourtant le fruit, disparaîtrait. S’armer dans une perspective de préparer une nouvelle guerre civile est un pari aussi dangereux qu’incertain. Rien de bon n’en sortirait et cela risquerait au contraire de renforcer la mainmise du parti sur la communauté chiite.

La seule réponse, à l’échelle locale, doit être politique. Il faut tout faire pour cornériser le parti, pour le mettre en position de faiblesse sur tous les dossiers stratégiques et marteler, autant qu’il le faudra, que rien ne justifie qu’il continue de posséder un tel arsenal militaire plus de trente ans après la fin de la guerre civile, plus de vingt ans après la fin de l’occupation israélienne, et 17 ans après sa dernière confrontation armée avec l’État hébreu.

Le Hezbollah doit faire un choix. Il ne peut plus avoir les armes et l’État. S’il veut être au cœur de la nouvelle formule libanaise, il doit accepter de devenir un parti et cesser d’être une milice dans tout ce que cela implique.

On pourrait rétorquer qu’il est suffisamment fort, à l’heure actuelle, pour refuser de faire la moindre concession et répondre à toute éventuelle pression politique par des menaces ou des assassinats. Il peut en effet, s’il le souhaite, rester l’acteur dominant sur la scène libanaise et faire taire toutes les voix dissidentes par la terreur. Mais il se condamnera lui-même, à l’instar de Bachar el-Assad, à régner sur des ruines. À être le maître incontesté d’un pays qui n’en est plus un.

À chaque fois que le pays peut donner le sentiment, illusoire, « d’aller mieux », des événements tragiques viennent nous rappeler à quel point tout ce pseudo-équilibre ne tient vraiment qu’à un fil. Le Liban est si morcelé, si abîmé dans chacune de ses composantes que la moindre allumette déclenche tout de suite une escalade qui peut vite devenir hors de contrôle.Comme...
commentaires (15)

Contrairement à ce que certain(e)s lecteurs et lectrices racontent, le hezb n’est pas comme une toute autre milice. C’est une organization mercenaire et terroriste qui est née à travers ses actions terroristes et meurtrières. N’oublions pas son début avec ’attentat contre l’ambassade américaine en 1983, puis les Marines US et le Drakkar Français de la même année, sans compter la série de kidnappings et d’assassinats de ressortissants américains, français et britanniques, même russes, beaucoup d’entre eux des fonctionnaires et profs à l’AUB, une institution dédiée à développer les libanais et autres peuples de la région. D’autant plus que cette organisation est devenue mafieuse et terroriste vis-à-vis de sa communauté et de son peuple depuis bel et bien 30 ans. Aux lecteurs et lectrices qui font des équivalences pour justifier le hezb, ou qui pensent qu’en éliminant le système sectaire tout se règlera: ou vous êtes de mauvaise foi et sectaires vous même, ou vous préférez la politique de l’autruche. Pour changer le système, et certainement le pays a besoin de changer, il faut commencer par le hezb. Chaque libanais doit faire son choix: un Liban ou bien le hezb. Les deux sont mutuellement exclusifs.

Cedrus Fidelis

05 h 09, le 13 août 2023

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Commentaires (15)

  • Contrairement à ce que certain(e)s lecteurs et lectrices racontent, le hezb n’est pas comme une toute autre milice. C’est une organization mercenaire et terroriste qui est née à travers ses actions terroristes et meurtrières. N’oublions pas son début avec ’attentat contre l’ambassade américaine en 1983, puis les Marines US et le Drakkar Français de la même année, sans compter la série de kidnappings et d’assassinats de ressortissants américains, français et britanniques, même russes, beaucoup d’entre eux des fonctionnaires et profs à l’AUB, une institution dédiée à développer les libanais et autres peuples de la région. D’autant plus que cette organisation est devenue mafieuse et terroriste vis-à-vis de sa communauté et de son peuple depuis bel et bien 30 ans. Aux lecteurs et lectrices qui font des équivalences pour justifier le hezb, ou qui pensent qu’en éliminant le système sectaire tout se règlera: ou vous êtes de mauvaise foi et sectaires vous même, ou vous préférez la politique de l’autruche. Pour changer le système, et certainement le pays a besoin de changer, il faut commencer par le hezb. Chaque libanais doit faire son choix: un Liban ou bien le hezb. Les deux sont mutuellement exclusifs.

    Cedrus Fidelis

    05 h 09, le 13 août 2023

  • Votre constat est lucide. L'isolationisme identitaire chrétien, si on peut l'appeler ainsi, se nourrit de l'hégémonisme sectaire du Hezbollah. Il ne s'agit pas d'un conflit entre "chrétiens (maronites)" et "musulmans (chiites)" .... Ce serait tomber dans le piège que de voir ce seul aspect, si trompeur, du problème. Ce qui est en jeu c'est l'Etat libanais et sa capacité à défendre chaque citoyen. En d'autres termes, l'heure de vérité a sonné pour répondre à la question: Qui est l'ennemi exactement? La réponse n'est pas: "c'est l'autre, d'une autre confession que moi". L'ennemi est à 4.000 kms d'ici mais, hélas, il exerce sa malfaisance au Liban par le biais d'une milice sectaire et, surtout, grâce à une légitimité "consensuelle" que lui confère le document de Mar Mikhaïl

    COURBAN Antoine

    08 h 54, le 12 août 2023

  • J’aimerais lire un edito qui demande la fin du systeme confessionnel desuet du liban. Le hzb n’est qu’une expression de ce systeme confessionnel que peut de dirigeant politique libanais veulent voir disparaitre…

    nabil samir

    21 h 43, le 11 août 2023

  • Tant que notre crainte de représailles de la part du hezbollah se traduira dans le texte de nos commentaire par des mentions au husballa, hizbullah, hesb ou hezb, je doute fortement que nous soyons un jour capables de lutter efficacement contre l'expansion de cette gangrène. La faiblesse et la crainte qui se lit se vit au quotidien. Nous sommes un peuple faible et fatigué incapable d'affronter l'inacceptable, et nos dirigeants l'ont bien compris.

    Ca va mieux en le disant

    14 h 16, le 11 août 2023

  • Vous avez raison de dire que "la seule réponse,à l'échelle locale,doit être politique".Pour cela , les chrétiens doivent d'abord se calmer, ne pas souhaiter la partition,et comprendre que la question des armes du Hesbullah ne peut être résolue qu'à travers une stratégie de défense nationale. M.Z

    ZEDANE Mounir

    12 h 35, le 11 août 2023

  • Defaitiste, pessimiste et peut-être realiste… mais je refuse de laisser tout pouvoir de decision au Hezb et je n’accepterai jamais de vivre “comme en Syrie” ! Un etat federal et sinon comme mes ancêtres je retournerai vivre dans nos montagnes…

    Madi- Skaff josyan

    11 h 41, le 11 août 2023

  • Fédéralisme !!! Il faut le fédéralisme !!!!! Une police fédéral!!! Au lieu d'avoir une milice qui vient tirer sur les habitant d'un village et une armée qui vien matraquer les mêmes habitants !

    Tania

    10 h 51, le 11 août 2023

  • Un jour viendra, ou ce fameux hezb implosera de l’interieur, wait & see.

    Ziad

    10 h 29, le 11 août 2023

  • À mon avis la partition du pays est le seul remède pour oublier ce phénomène de terreur et de crime … reléguons les dans le Sud et qu’ils fassent ce qu’ils veulent de leurs armes iraniens mais en tout cas qu’ils déménagent du quartier Sud de la capitale… au Sud c’est plus facile pour eux de faire de la résistance comique ?

    HOYEK joseph

    09 h 47, le 11 août 2023

  • Oublie (ensa)

    Abdallah Barakat

    07 h 10, le 11 août 2023

  • Excellent Mr. Samrani: vous mettez le doigt sur la plaie…analyse et constat de la situation très réaliste mais assez macabre de conséquences futures potentielles…Vous le dites bien que le Hezbollah est allé trop loin, mais je ne pense pas qu’il est utopique de penser qu’il serait incapable de se fixer des limites. Quand on y pense, il avait tout fait pour se donner une légitimité et faire croire qu’il joue le jeu démocratique, surtout après le funeste accord qu’il a su concocter avec le naïf CPL, et on connaît la suite…mais, actuellement, la donne a changé et même le parti de Dieu réalise qu’il n’a aucun intérêt à utiliser ses armes et déclencher une guerre civile car ça pourrait se retourner contre lui et n’aura d’autre choix que de continuer à essayer de tergiverser avec la menace de son arsenal…sauf qu’il comprend qu’il est de plus en plus en position de faiblesse sur le plan interne et serait obligé de faire des concessions à ses adversaires tôt ou tard…Du moins, on espère qu’il aurait ce sursaut de bon sens, si on veut éviter le suicide collectif du Liban!

    Saliba Nouhad

    04 h 31, le 11 août 2023

  • Votre discours n'est rien de moins qu'une déclaration de guerre. Au lieu d'essayer de comprendre le fond des problèmes multiples et complexes du Liban, vous vous encloitrer dans ce postulat que le Hizb est à l'origine de tous les malheurs. Question: si le Hizbollah était une milice politique chrétienne, tiendrez vous le même discours ? Je n'en suis pas certain.

    Raed Habib

    04 h 25, le 11 août 2023

  • Leur drogue, c'est leurs armes. La desintoxication est trop dure, donc ils continuent.

    Mago1

    02 h 22, le 11 août 2023

  • Votre analyse est parfaite sauf que vous n’avez pas compris que le seul choix ou désir du Hezbollah est de faire du Liban non pas un État à proprement parlé mais un État islamique copie conforme à l’Iran. La seule solution pour nous autres libanais patriotes, est la partition pour assurer notre survie. Aujourd’hui nous sommes 2 peuples dans 2 pays différents: le Liban et Sud-Liban ou le Liban du Nord et le Liban du Sud.

    Achkar Carlos

    01 h 21, le 11 août 2023

  • En plein dans le mille!

    Akote De Laplak

    00 h 46, le 11 août 2023

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