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Économie - Restictions bancaires

Le Conseil d'État libanais suspend une décision polémique du gouvernement

Pour ses détracteurs, la décision visée pose les bases d’un contrôle des capitaux inéquitable.

Le Conseil d'État libanais suspend une décision polémique du gouvernement

La Place de l’Etoile à Beyrouth, où se trouve le siège du Parlement. Photo P.H.B.

Le Conseil d’État a décidé mardi de suspendre la décision n° 22/2023 adoptée le 18 avril dernier par le gouvernement sortant, en attendant de pouvoir statuer sur le fond d'un recours la ciblant, et qui a été présenté fin mai par le barreau de Beyrouth. Il faudra maintenant attendre plusieurs mois pour que la juridiction statue sur le fond, mais la décision visée ne produira pas d’effets d’ici là.

Cette décision prise par le gouvernement a inquiété certaines voix qui considèrent qu’elle pose, de manière détournée,  les bases d’un processus de légitimation des restrictions bancaires illégales en place depuis fin 2019, en distinguant notamment les anciens dépôts – ceux dont l’accès a été restreint et qui représentent le plus gros morceau – et les nouveaux.

Autrement dit, elle initiait en catimini la mise en place d’un régime contrôle formel des capitaux élaboré dans le dos et sur le dos des déposants libanais, faisant ainsi disparaître toute possibilité pour eux de contester les décisions prises par les banques et les autorités au détriment de leurs droits en près de quatre ans de crise.

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Partageant ces craintes, le barreau de Beyrouth a donc présenté fin mai devant le Conseil d’État un recours en excès de pouvoir adjoint à des requêtes en déclaration d’inexistence. Le barreau a notamment considéré que la décision du Conseil des ministres porte atteinte au droit à la propriété privée, à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité des citoyens devant la loi.

Un signal fort

« C'est plus une victoire de principe qu'une victoire procédurale », juge l’avocat fiscaliste Karim Daher qui fait partie de la commission de défense des droits des déposants au sein du barreau. Pour lui, le fait que le Conseil d’État ait accepté de suspendre au moins provisoirement l’exécution de la décision est une première victoire. « Le Conseil d’État doit encore rendre une décision sur le fond en se basant sur les éléments que le Conseil des ministres et le barreau vont lui fournir. Mais le fait qu’il ait décidé de suspendre l’exécution de la décision donne des indications sur l’appréciation des juges à ce stade », analyse-t-il.

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« Pour qu’il y ait suspension, il faut que le Conseil d’État soit convaincu que l’acte visé porte atteinte à la partie qui a présenté le recours et qu’il y ait des raisons sérieuses et justifiées de penser que la décision enfreint le droit », explique-t-il. « À travers sa décision, le Conseil d’État a donc envoyé un signal fort laissant entendre que les autorités ne peuvent pas adopter de décisions qui affectent les droits des citoyens et ponctionnent leurs dépôts bancaires de manière délibérée. D’autant plus s’il s’agit d’un gouvernent démissionnaire uniquement chargé des affaires courantes », développe encore Karim Daher.

Pour lui, la plus haute juridiction administrative a également fait prévaloir, à travers sa décision, que la restructuration du système bancaire libanais devait se faire dans le cadre d’une « approche systémique » et être justifiée par la nécessité de préserver l’ordre public économique.

Le gouvernement de Nagib Mikati, qui est démissionnaire depuis mai 2022, a adopté la décision ciblée par le barreau sans faire de bruit. Et le fait que la Banque du Liban ait, à son tour, publié dès le lendemain une nouvelle circulaire (principale n° 165) modifiant sensiblement la réglementation bancaire a naturellement alimenté les craintes dans une opinion publique bien échaudée par l’effondrement financier du pays.

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La décision attaquée demandait à la Banque du Liban de « prendre les mesures obligatoires et appropriées » pour contraindre les banques à plafonner les retraits comme les transferts de manière uniforme pour tous les déposants, « conformément aux circulaires liées ». Le gouvernement appelait aussi la BDL à veiller à ce que les banques continuent de garantir la pleine disponibilité des « fonds frais ».

Le gouvernement affirmait avoir pris cette décision après avoir « écouté la présentation faite par le ministre sortant des Finances Youssef Khalil sur la crise financière que traverse le Liban » et le « chaos » lié aux restrictions bancaires. Il rappelait également ensuite que le projet de loi qu’il avait préparé pour instaurer un contrôle formel des capitaux susceptible de servir de point de départ à une résolution de la crise était toujours bloqué au Parlement, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.

Le Conseil d’État a décidé mardi de suspendre la décision n° 22/2023 adoptée le 18 avril dernier par le gouvernement sortant, en attendant de pouvoir statuer sur le fond d'un recours la ciblant, et qui a été présenté fin mai par le barreau de Beyrouth. Il faudra maintenant attendre plusieurs mois pour que la juridiction statue sur le fond, mais la décision visée ne produira pas...

commentaires (2)

Trop peu. Trop tard. Le mal est fait. Ce qu'il faut, c'est passer a l'etape suivante : celle de la redition des comptes.

Michel Trad

23 h 49, le 14 juillet 2023

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Commentaires (2)

  • Trop peu. Trop tard. Le mal est fait. Ce qu'il faut, c'est passer a l'etape suivante : celle de la redition des comptes.

    Michel Trad

    23 h 49, le 14 juillet 2023

  • Rappelons à cet ex ministre des finances que ceux qui bloquent tout ce qui touche au sauvetage de son pays ne sont autres que ses alliés, ceux qui l’ont nommé à ce poste pour torpiller notre pays et pour assoir leur dictature sans bruit ni confrontation.

    Sissi zayyat

    11 h 19, le 14 juillet 2023

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