Stoïque face à l’actualité judiciaire qui concerne son gouverneur, Riad Salamé, la Banque du Liban (BDL) a publié mercredi deux circulaires (n° 673 et 674) attendues depuis la semaine dernière, qui impactent les deux principaux dispositifs assouplissant ou légitimant – selon que l’on se situe du côté de la banque ou du déposant –, les restrictions bancaires appliquées aux comptes en dollars depuis le début de la crise.
Le premier texte est mis en place par la circulaire principale n° 151 du 21 avril 2020, qui autorise des retraits mensuels en livres libanaises converties au taux officiel de 15 000 LL pour un dollar de « dollars bancaires » ou de « lollars », soit le petit nom donné aux dépôts en devises soumis à restriction.
Le second a été institué par la circulaire principale n° 158 du 8 juin 2021, qui permet chaque mois à des bénéficiaires sélectionnés, selon des modalités précises, de retirer 400 dollars « frais » et l’équivalent de ce montant en livres à ce même taux fixe qui est bien inférieur à celui du marché (entre 91 000 et 91 500 livres pour un dollar mercredi, selon la plateforme informelle lirarate.org).
Si la BDL n’a que légèrement modifié la circulaire n° 151, les modifications apportées à la n° 158 sont bien plus conséquentes.
Circulaire n° 158 : disparition de la portion en LL
Premier changement notable apporté à la circulaire n° 158 : les déposants qui bénéficiaient déjà de ce dispositif avant le 1er juillet ne peuvent plus retirer que 400 dollars « frais » par mois à partir des montants en devises éligibles transférés depuis de comptes bloqués par les restrictions bancaires. Ces déposants pourront retirer 4 800 dollars sur les 12 mois suivant la même date pivot.
Pour les nouveaux inscrits, les retraits mensuels sont désormais limités à 300 dollars, pour un total de 3 600 dollars sur douze mois. Les dollars frais désignent ceux dont les banques ne peuvent pas limiter l’accès, en vertu de la circulaire n° 150 du 9 avril 2022, et dont la valeur en livres est calculée en fonction du taux du marché.
Les titulaires de comptes joints éligibles pour bénéficier du dispositif se partageront les montants retirés au prorata de leur contribution au solde du compte. Pour fournir ces « vrais dollars » aux clients qui effectuent des retraits selon le mécanisme de la circulaire n° 158, les banques sont autorisées par la BDL à puiser dans les 3 % de liquidités en devises qu’elles ont déposées dans les comptes auprès de leurs banques correspondantes à l’étranger, à condition de rétablir ce ratio avant le 31 décembre 2024.
La suppression des 400 dollars convertis au taux de 15 000 LL a deux effets : elle réduit le montant total que les bénéficiaires de la circulaire n° 158 pourront retirer sur les douze mois à venir ; mais elle supprime en même temps la décote (haircut) qu’ils devaient subir sur la valeur initiale de leur dépôt à chaque retrait combiné sous l’ancien système, compte tenu de la différence entre le taux officiel et celui du marché. Autre effet indirect, celui de contrôler la masse monétaire en livres en limitant les injections de monnaie sur le marché, ce qui pourra se révéler particulièrement efficace dans le cas très hypothétique où la BDL décide d'augmenter le taux officiel pour le rapprocher de celui du marché.
Pour rappel, la BDL a mis en place un système complexe pour calculer les sommes que chaque déposant éligible pour activer le mécanisme de la circulaire n° 158 avait le droit de retirer en tout à partir des comptes bloqués, et les dépôts concernés étaient tous agrégés vers un compte spécial créé à cet effet. Les montants pouvant être ainsi « débloqués » ne peuvent pas dépasser 50 000 dollars sur 5 ans à partir de juillet 2021.
Circulaire n° 151 : une modification qui interroge
En revanche, la BDL n’a opéré que peu de changement sur le mécanisme de la circulaire n° 151, à travers lequel l’appellation de « lollar » (contraction de « lebanese dollar ») a été popularisée sur les réseaux sociaux dès les premiers mois de la crise. Le taux de conversion est toujours fixé à 15 000 livres pour un dollar, et le plafond mensuel de 1 600 dollars par compte.
Dans sa nouvelle rédaction, les effets de la circulaire n° 151 ont été prolongés de six mois, soit jusqu’au 31 décembre prochain. Le texte précise aussi que le bénéficiaire peut être une personne physique ou morale, ce qui ne figurait pas dans la précédente version.
La troisième modification apportée est plus confuse : la BDL a supprimé la référence à la définition des dollars frais originellement établie par la circulaire n° 150 du 9 avril 2020, pour la remplacer par celle d’un texte qui a déjà fait polémique depuis sa parution : la circulaire n° 165 du 19 avril 2023.
Ce texte a été publié au lendemain d’une décision du Conseil des ministres enjoignant la banque centrale à « prendre les mesures obligatoires et appropriées » pour contraindre les banques à plafonner les retraits comme les transferts de manière uniforme pour tous les déposants. Il a notamment reconnu explicitement la distinction entre les fonds frais et les lollars bloqués, alors que les restrictions mises en place par les banques n’étaient couvertes jusqu’ici par aucun texte légal ou réglementaire.
La BDL n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle avait décidé d’écarter l’ancienne définition du « fresh » pour la nouvelle dans la rédaction actualisée de la circulaire n° 151. La possibilité qu’il s’agisse d’une simple modification technique n’est pas à écarter, tout comme les risques qu’ont pu entrevoir certains banquiers concernant les répercussions et les objectifs à long terme de la circulaire n° 165.
commentaires (8)
Les banques n'ont pas accepté changer le taux de conversion de 15000 à 35000 ou plus, ce que la BDL souhaitait. Ils veulent dissoudre le plus rapidement possible les dépôts anciens datant avant le 17 octobre 2019. Par contre, la BDL voulait modifier ce taux , autant que possible, du taux de change actuel qui est 6 fois multiple de 15000.
Esber
15 h 59, le 06 juillet 2023