
L'émissaire français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, et le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, à Meerab, le 22 juin 2023. Photo tirée de la page Facebook de Sethrida Geagea, députée FL
Les Forces libanaises ne mâchent pas leurs mots. Pour la deuxième fois en l’espace de quelques mois, les efforts de la France pour débloquer la présidentielle libanaise sont dans le collimateur du parti de Samir Geagea, plus large groupe parlementaire de l’opposition, à l'heure où les chrétiens sont pourtant considérés comme des alliés de Paris. « (Le président français) Emmanuel Macron accepterait-il que le Liban lui dépêche un émissaire spécial qui lui donnerait des conseils afin de résoudre la crise des manifestations en France ? » a tonné Georges Adwan, député et numéro deux des FL, dans une interview accordée dimanche soir à la chaîne al-Jadeed. Il faisait référence aux émeutes qui secouent la France depuis plus d’une semaine, à la suite de la mort d’un adolescent lors d’un contrôle routier. Par ces propos, M. Adwan critiquait implicitement la mission de Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial du président français pour le Liban, chargé d’œuvrer pour débloquer la présidentielle qui stagne depuis la séance électorale du 14 juin dernier.
Dans ses grandes lignes, la déclaration du député du Chouf n’a rien de nouveau, les FL ayant toujours critiqué l’approche élyséenne de cette échéance. Car, à un moment donné, Paris était accusé de faire la promotion d’un troc prévoyant l’élection du chef des Marada, Sleiman Frangié, soutenu par le camp du Hezbollah dans la course pour Baabda, et la nomination de Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et actuel juge au sein de la Cour internationale de justice, à la présidence du Conseil. Une approche rejetée par les FL mais aussi par le reste des partis chrétiens hostiles à l’option Frangié. La nomination de Jean-Yves Le Drian et son déplacement à Beyrouth entre les 22 et 24 juin dernier ont cependant été interprétés comme visant à consacrer une nouvelle démarche française et la fin de l’option Frangié, notamment après la convergence chrétienne autour de Jihad Azour, ancien ministre des Finances et actuel haut responsable au sein du Fonds monétaire international. En maintenant la pression, les FL semblent toutefois peu convaincues du changement de la vision française. « Nous sommes un parti qui défend la souveraineté du pays. Et personne ne peut accepter de voir un pays tiers faire la promotion d’un projet et d’un candidat bien déterminé », explique à L’Orient-Le Jour Georges Adwan. Comprendre : la candidature de M. Frangié est toujours sur la table. Le leader des FL, Samir Geagea, avait pourtant lui-même déclaré à l’issue de son entretien avec l’émissaire français que « la page de l’initiative (française axée sur le troc Frangié-Salam) a été tournée ». « Jean-Yves Le Drian ne l’a pas clairement dit de la sorte », précise le numéro deux des FL.
Le parti chrétien est donc toujours dans une logique de confrontation face au camp de la moumanaa piloté par le Hezbollah, en attendant le retour de l'ancien chef de la diplomatie française, en principe ce mois-ci. « Nous continuons de soutenir Jihad Azour », affirme M. Adwan, assurant que le Courant patriotique libre est également dans cette logique, comme pour répondre à toutes les spéculations médiatiques portant sur un éventuel abandon, par le courant aouniste, de l’opposition qui a pu compter sur lui pour porter le score de Jihad Azour à 59 voix lors de la dernière séance électorale.
Non à un dialogue comme le veut le Hezbollah
En face, le Hezbollah multiplie les appels au dialogue... pour paver la voie de Baabda devant son candidat. C’est ce qui ressort des propos tenus dimanche dernier par le chef du bloc parlementaire du parti chiite, Mohammad Raad. « Venez (au dialogue) pour que nous vous convainquions que notre choix est meilleur que le vôtre », a-t-il lancé à l’adresse du camp adverse, qui refuse tout dialogue dans ces conditions.
S’il évite de commenter les propos de Mohammad Raad, Georges Adwan affirme que « Jean-Yves Le Drian semble faire lui aussi la promotion d’un dialogue axé sur la présidentielle. Pourquoi dialoguer en ce moment ? M. Le Drian veut pousser pour un dialogue autour de l’élection d’un président, alors que la Constitution en définit le mécanisme et les modalités clairement », souligne le député FL, appelant tous les protagonistes à s’y conformer. Une pique évidente au Hezbollah et ses alliés qui bloquent l’échéance en provoquant un défaut de quorum de manière systématique avant le deuxième tour de vote. « L’élection est une affaire interne. Et M. Le Drian ne peut pas croire que par son simple appel au dialogue au moment de son retour à Beyrouth, celui-ci se tiendra. Il faut qu’il sache que les FL, principale composante de l’opposition, sont contre cette approche du dossier », ajoute Georges Adwan, précisant que la position de son parti pourrait aller crescendo lors de la prochaine phase, sans pour autant préciser les modalités de cette escalade.
commentaires (8)
La France, les USA, l'Iran, L'Arabie, etc... ne s'occupent que de leurs intérêts et n'en ont cure de ceux du Liban. Macron n'est pas venu au Liban pour régler le problème mais préserver les intérêts Français et donc de Total. Idem pour tous les autres protagonistes. Nous aurions pu avoir déjà réglé ce problème si le Hezbollah remettait ses armes a l’état et respectait la constitution. A partir de la tout est négociable et tout est discutable, même l’élection de Franjieh.
Pierre Christo Hadjigeorgiou
11 h 39, le 06 juillet 2023