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Politique - Repère

Vacance présidentielle : quatre précédents dans l'histoire du Liban

Cette échéance, pourtant cruciale, s'est-elle jamais jouée dans l'urne ? L'Orient-Le Jour fait le point. 

Vacance présidentielle : quatre précédents dans l'histoire du Liban

Le drapeau libanais mis en berne au palais présidentiel à Baabda, le 1er novembre 2022, au lendemain du départ de l'ex-président Michel Aoun. Photo d'archives Dalati Nohra

Le Liban, pays de la présidentielle impossible ? Depuis la fin du sexennat de Michel Aoun, le 31 octobre, l'impasse politique perdure : huit mois de vacance, douze séances électorales pour rien... et les différents partis campent toujours sur leurs positions. La donne n'est pas nouvelle : depuis son indépendance, le pays du Cèdre a été gouverné par treize chefs d'État de tous bords, dont quatre se sont fait attendre plus ou moins longtemps... Pourquoi ? A chaque phase, ses causes. L'Orient-Le Jour fait le point.

Infographie Guilhem Dorandeu

Combien de fois le Liban s’est-il retrouvé sans chef de l’État ? 

Depuis 1943, quatre périodes de vacance ont marqué en tout l'histoire du pays avant la vacance actuelle : deux avant l’accord de Taëf, trois après la conclusion, en 1989, de cette entente qui s'est accompagné d'une tutelle syrienne sur le Liban, avant le retrait des forces de Damas, en 2005. Mais c'est après l'accord de Doha, en 2008, que le Liban a connu la plus longue vacance de son histoire. Et pour cause : le principe de consensus instauré après cette entente - qui a épargné au pays du Cèdre de sombrer dans une nouvelle guerre civile - est nouveau pour les protagonistes libanais, habitués, sous la tutelle syrienne, à se contenter d'avaliser la figure imposée par Damas.

- Du 19 septembre 1952 au 22 septembre 1952 : 4 jours

Le 18 septembre 1952, le président Béchara el-Khoury, dont le sexennat a été prorogé en 1949, démissionne à la suite d'une colère populaire contre le régime. Fouad Chéhab, commandant en chef de l’armée, est chargé de diriger un gouvernement de transition pour organiser l’élection présidentielle en trois jours. Le chef du Parti socialiste progressiste Kamal Joumblatt appuie la candidature du député et ancien ministre Camille Chamoun face à Hamid Frangié, ex-chef de la diplomatie. Ce dernier finit par se retirer de la course présidentielle. Camille Chamoun est donc élu le 23 septembre 1952.

- Du 23 septembre 1988 au 4 novembre 1989 : 408 jours

Le mandat d’Amine Gemayel arrive à terme le 22 septembre 1988, en pleine guerre civile. Damas se résout à l'éventualité de sa reconduction à la tête de l’État, mais les chrétiens (notamment Samir Geagea, chef des Forces libanaises, et Michel Aoun, commandant en chef de l'armée) s'y opposent. La Syrie et les États-Unis, partenaires politiques à l'époque, tentent alors d'imposer le député maronite du Akkar, Mikhaël Daher, un indépendant entretenant de bonnes relations avec le régime syrien, à la tête de l'État. L'émissaire américain Richard Murphy avertit que ce sera « soit Mikhaël Daher, soit le chaos ». Sa candidature est toutefois rejetée par le camp chrétien. Avant de céder le pouvoir, Amine Gemayel nomme Michel Aoun (maronite) chef d’un gouvernement militaire de transition chargé d’organiser la présidentielle, alors que ce poste est traditionnellement réservé à un sunnite. M. Gemayel s'était fondé sur le précédent de 1952. Le Premier ministre Salim Hoss, protégé par Damas, refuse de reconnaître la légitimité du cabinet Aoun : le pouvoir exécutif est désormais revendiqué par deux gouvernements.

Le 22 octobre 1989, les députés signent l'accord de Taëf pour mettre fin à la guerre civile. Ce document d’entente nationale, qui consacre la présence de l'armée syrienne sur le territoire libanais et réduit les prérogatives du président, est rejeté par le général Aoun et ses partisans. Ce dernier dissout le Parlement, mais les députés ne reconnaissent pas sa démarche, estimant qu'il ne dispose pas des prérogatives du chef de l'État. La Chambre se réunit donc le 5 novembre 1989, reconduit le chef du législatif Hussein Husseini à son poste et ratifie l’accord de Taëf. René Moawad est élu président le jour même, sur fond d’entente entre Washington, Riyad et Damas.

- Du 24 novembre 2007 au 24 mai 2008 : 183 jours

Émile Lahoud quitte le palais présidentiel le 23 novembre 2007, après neuf ans au pouvoir. Le clivage né de la forte polarisation entre le camp souverainiste du 14 Mars et celui du 8 Mars (rassemblé autour du Hezbollah) dans la foulée de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et du retrait syrien en 2005, débouche sur une impasse. Plusieurs puissances locales, régionales et internationales, notamment l’Égypte et les États-Unis, convergent vers l’élection du chef de l’armée, Michel Sleiman, considéré comme étant une figure consensuelle. Ce dernier, qui a encore besoin du feu vert du 8 Mars, se retrouve face à sa plus rude épreuve : le coup de force mené le 7 mai 2008 par le Hezbollah dans Beyrouth-Ouest et la Montagne druzo-chrétienne. L’armée reste absolument neutre, laissant le parti chiite envahir la capitale et en contrôler de nombreux points. Mais dans le même temps, la troupe définit des « lignes rouges » à ne pas franchir. Les militaires se déploient par exemple à Tarik Jdidé, fief sunnite haririen s’il en est, pour signifier aux miliciens du Hezb qu’il leur est interdit de pénétrer dans ce quartier. Tout cela va au final permettre à Michel Sleiman d’obtenir la confiance de tous les protagonistes. Dans la capitale qatarie, les efforts arabes et internationaux pour conclure une entente débouchent sur l'élection de Michel Sleiman, le 25 mai 2008.

- Du 25 mai 2014 au 30 octobre 2016 : 890 jours

C'est la vacance la plus longue que le Liban a connue jusqu'ici. Après la fin du mandat Sleiman, les députés du 8 Mars boycottent les séances parlementaires consacrées à cette échéance, faute de consensus sur un candidat. Le fondateur du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, soutenu par le Hezbollah et donc l’Iran, ne sera élu que plus de deux ans plus tard. Son accession à la tête de l’État est le fruit d’un compromis entre le CPL , d'une part, et de l'autre les Forces libanaises de Samir Geagea, ses adversaires sur la scène chrétienne et le courant du Futur de Saad Hariri, qui sera nommé Premier ministre.

- A partir du 1er novembre 2022 – présent : 244 jours (au 2 juillet 2023)

Après onze séances électorales sans percée, lors desquelles le camp du 8 Mars vote blanc et fait défaut de quorum pour bloquer la voie au candidat de l'opposition (FL, Kataëb, Parti socialiste progressiste, députés indépendants et issus de la contestation), Michel Moawad, le tandem Hezbollah-Amal annonce officiellement son soutien au chef des Marada, Sleiman Frangié. Pour renforcer sa position, l'opposition, à laquelle se joint le CPL, se rabat sur l'ex-ministre des Finances  Jihad Azour. Ce dernier ne récolte toutefois pas assez de voix pour être élu lors de la 12e séance électorale, tenue le 14 juin, même si son score dépasse celui de Frangié. Pour sortir de l'impasse, le président français Emmanuel Macron dépêche à Beyrouth son envoyé spécial, Jean-Yves Le Drian, pour mener des pourparlers avec tous les protagonistes. 

Au Liban, le chef de l’État est donc souvent choisi bien avant que la Chambre ne se réunisse, sur fond de consensus entre les différents partis politiques. Il doit également bénéficier du feu vert des puissances régionales et internationales, notamment l’Arabie saoudite, les États-Unis, la France et l’Iran. La présidentielle s'est-elle jamais jouée dans l'urne ? Essentiellement une seule fois, en 1970 : le 17 août, Sleiman Frangié est élu avec une seule voix d’écart face au candidat chéhabiste Élias Sarkis. 

Le Liban, pays de la présidentielle impossible ? Depuis la fin du sexennat de Michel Aoun, le 31 octobre, l'impasse politique perdure : huit mois de vacance, douze séances électorales pour rien... et les différents partis campent toujours sur leurs positions. La donne n'est pas nouvelle : depuis son indépendance, le pays du Cèdre a été gouverné par treize chefs d'État de tous bords,...

commentaires (10)

Merci OLJ pour l'infographie. Yalla plus que 640 jours pour battre le record. De toutes les façons, avec ou sans président, presque aucune différence, peut-être moins de prévarication en fait...

IBN KHALDOUN

18 h 43, le 10 juillet 2023

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Commentaires (10)

  • Merci OLJ pour l'infographie. Yalla plus que 640 jours pour battre le record. De toutes les façons, avec ou sans président, presque aucune différence, peut-être moins de prévarication en fait...

    IBN KHALDOUN

    18 h 43, le 10 juillet 2023

  • Allez hop il faudra un jour dépoussiérer cela et faire une nouvelle constitution : • Tout Libanais quelque soit sa confession peut être candidat et c’est le peuple en entier qui peut voter (inclus tout les Libanais résidants à l’étranger (évidement plus libres de leurs choix) pour en finir avec les fromagistes, je t’élis tu me donnes ça en contrepartie etc.. • Un président aux pouvoirs accrus (homme fort) mais qui est contrôlé par le parlement (pas de dictateur ou magouilleur à la Poutine ou Erdogan) • L’élection se déroule à 2 tours pour limiter les chances d’avoir des extrémistes qui peuvent profiter de la division des démocrates ; le mandat reste de 6ans non renouvelables pour avoir des hommes forts mais démocrates comme Fouad Chehab par exemple. • Et le plus important descendre l’armée et sécuriser les lieux de votes y compris dans les régions les plus reculées afin que le peuple s’exprime librement Je suis prêt a débattre avec n’importe qui a une meilleure idée qui soit réaliste, juste pour tout les citoyens et qui peut être meilleure pour le pays au 21ieme siècle

    Liban Libre

    15 h 07, le 10 juillet 2023

  • Ce ne sont pas seulement 250 jours de vacances présidentielles que nous endurons , vous ne semblez pas tenir compte du sexennat Aoun avec un vide... intersidéral . Pourquoi ne pas remplacer ces politiciens par l'intelligence artificielle, on y gagnerait sûrement au change.

    C…

    11 h 43, le 10 juillet 2023

  • Sur les vacances presidentielles au Liban : La premiere n'a dure que 4 jours. La seconde est du fait du gauleiter Syrien. Les trois dernieres sont toutes dues a l'heritier politique du regime Syrien au Liban, le Hezb. Il semble que pour le Hezb et ses allies le 8 Mars, la vacance presidentielle fasse partie de ses ARMES.

    Michel Trad

    11 h 04, le 10 juillet 2023

  • Yallah mabrouk wou aala ébèl el miyé...

    Wlek Sanferlou

    04 h 09, le 04 juillet 2023

  • Tous ces bloquages sont imposés pour prouver aux libanais et au monde que seuls eux, les vendus de la république, peuvent faire la pluie et le beau temps dans notre pays. Ça va crescendo et ne sont en aucun cas lésés par le vide républicain puisqu’ils ont subtilisés tous les pouvoirs et jouent tous les rôles en continuant à massacrer ce pays sans aucun recours, comme s’il leur appartenait. Les libanais assistent en spectateurs et continuent de vivre comme si de rien n’était alors que leur pays est usurpé et sur le point de disparaître pour être remplacé par un autre à l’image de ces mafieux corrompus et vendus.

    Sissi zayyat

    14 h 06, le 03 juillet 2023

  • La seule solution: président(e) directement élu par le peuple libanais au Liban et à l’étranger.

    Murad Mazen

    22 h 24, le 02 juillet 2023

  • "… quatre périodes de vacance ont marqué en tout l'histoire du pays avant la vacance actuelle : deux avant l’accord de Taëf, trois après …" - haha, 3+2=4, lol

    Gros Gnon

    18 h 51, le 02 juillet 2023

  • Vacance presidentielle a repetition ? Situation endemique depuis 1983. N'oubliez pas non plus les vacances repetitives au poste de premier ministre. Le seul poste de premiere inportance a ne jamais connaitre de vacances est celui de president de la chambre Nabih Berri... LOL

    Michel Trad

    18 h 46, le 02 juillet 2023

  • Malheureusement Macron a d ´autres chats a fouetté

    Eleni Caridopoulou

    18 h 15, le 02 juillet 2023

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