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Nos Lecteurs ont la Parole

Quelle bonne gouvernance est possible pour le Liban ?

Le quotidien britannique The Guardian rapporta le 4 juillet 2020, un mois avant l’explosion au port de Beyrouth, la stupéfaction et la frustration des responsables du Fonds monétaire international de la position des dirigeants libanais qui semblaient indifférents à l’égard des mesures urgentes à prendre pour éviter l’effondrement total de l’économie de leur pays. En novembre 2020, la Banque mondiale proposa un plan visant le redressement de la catastrophe de l’explosion au port, la réforme et la reconstruction du pays. Ce plan intégré tomba cependant dans l’oreille d’un sourd. Le 23 décembre 2022, le président français Macron a considéré qu’il faut dégager les personnes au Liban qui ne savent pas régler les problèmes des gens et empêchent les réformes. Il a aussi estimé nécessaire de changer le leadership du pays. Le 23 mars 2023, le FMI a publié un rapport résumant les conclusions de sa mission venue à Beyrouth le même mois pour étudier la crise économique : « Le Liban est à un moment particulièrement difficile. Depuis plus de trois ans, il est confronté à une crise sans précédent, avec de graves bouleversements économiques, une dépréciation spectaculaire de la livre libanaise et une inflation à trois chiffres qui ont des effets catastrophiques sur la vie et les moyens de subsistance des habitants. Le chômage et l’émigration ont considérablement augmenté et la pauvreté a atteint des niveaux historiquement élevés… »

Ces quelques références extérieures mettent en exergue deux observations graves : la première, l’indifférence des détenteurs de la décision interne face à la crise qui afflige le pays ; la seconde, la réticence de ces mêmes responsables à entreprendre les réformes sérieuses requises qui permettraient la relance économique et le bon fonctionnement des institutions de l’État. Il ne suffit pourtant pas d’adresser ce problème dans son cadre immédiat. En effet, le manque de sérieux dans le travail politique et la résistance aux réformes marquent l’histoire contemporaine du pays. Pour ce aborder le problème de la bonne gouvernance au Liban nécessite une approche qui ne se limite pas aux conséquences de la crise actuelle. En d’autres termes, il faut aller aux racines du problème.

Rappelons d’abord que la gouvernance fait référence à la manière dont le gouvernement est exercé. Cela comprend le processus et la pratique de prise de décision, les modalités d’application de la loi et l’adoption des réglementations. Bref, il s’agit de l’ensemble des processus de gouvernement visant l’intérêt commun. Quant à la bonne gouvernance, elle ajoute une dimension normative à cet ensemble des processus, couvrant, selon le haut-commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme, « le plein respect des droits de l’homme ; l’État de droit ; la participation effective ; les partenariats multipartites ; le pluralisme politique ; la transparence et l’application du principe de responsabilité dans les procédures et dans les activités des institutions ;

l’efficience et l’efficacité du secteur public ; la légitimité ; l’accès à la connaissance, à l’information et à l’éducation ; la disponibilité de moyens d’action politique ; l’équité ; la viabilité ; des attitudes et des valeurs qui favorisent la responsabilité, la solidarité et la tolérance ». (À propos de la bonne gouvernance/OHCHR).

En regardant la situation au Liban, on constate d’emblée que la bonne gouvernance semble un défi insurmontable. Mais pourquoi ? Pourquoi toutes les tentatives de réforme dans l’histoire contemporaine du pays ont échoué ou, au mieux, partiellement réussi ? Il va sans dire que le noyau dur du système actuel, à savoir le confessionnalisme qui se traduit dans la formule du vivre-ensemble, empêche toute réforme fondamentale et toute gouvernance transparente et efficace. Le partage du pouvoir exigé par le vivre-ensemble entrave tout développement du système vers une démocratie réelle et mine toutes les tentatives des réformes administrative, économique, organisationnelle et d’autres.

La crise politique et économique actuelle n’est au fond que le prolongement de la déficience du système politique qui a connu une nouvelle recrudescence suite à l’accord de Taëf. Celui-ci a exacerbé la faiblesse de l’État en raison des amendements ou des soi-disant « réformes constitutionnelles » qui ont abouti à l’exacerbation de la logique confessionnelle dans l’exercice du pouvoir et du coup à la diminution du rôle des institutions en faveur des « leaders confessionnels ». Nul besoin de dire à quel point cet arrangement politique rend la fonction des institutions de l’État quasi caduque et ouvre grande la porte au clientélisme et au favoritisme en faisant de la lutte acharnée pour le pouvoir et la richesse personnelle la devise du travail politique.

Il n’est pas surprenant que nous voyions des organisations internationales, telles que Human Rights Watch, appeler à éviter d’envoyer des fonds de secours au gouvernement libanais, mais directement aux gens sinistrés. Le rapport dit : « Malgré la perception répandue de la corruption, les fonctionnaires accusés de malversations financières ou de corruption n’ont guère eu à rendre compte de leurs actes. Les lois adoptées par le Parlement pour lutter contre la corruption et accroître la transparence, telles que la loi sur l’accès à l’information (février 2017) et une loi protégeant les lanceurs d’alerte (septembre 2018), n’ont pas encore été pleinement appliquées » (rapport du 16 septembre 2020).

L’évolution de la situation dans le pays atteste l’impossibilité d’établir un État de droit sur la base de la logique confessionnelle, car la responsabilité, la séparation des pouvoirs et le développement d’un bien commun et d’un intérêt commun restent loin d’être mis en œuvre. Pour ce la réalisation d’une gouvernance saine et efficace nécessite la diffusion et la consolidation de la culture démocratique. Ce n’est certainement pas un objectif facile, mais ce n’est pas impossible non plus. Les semences de la démocratie existent déjà au Liban. Les pays démocratiques peuvent jouer un rôle décisif à cet égard en soutenant les programmes de formation à la démocratie dans le secteur éducatif et en renforçant les activités des organisations non gouvernementales qui surveillent la fonction des administrations publiques et luttent pour les droits de l’homme.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le quotidien britannique The Guardian rapporta le 4 juillet 2020, un mois avant l’explosion au port de Beyrouth, la stupéfaction et la frustration des responsables du Fonds monétaire international de la position des dirigeants libanais qui semblaient indifférents à l’égard des mesures urgentes à prendre pour éviter l’effondrement total de l’économie de leur pays. En novembre 2020,...

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HRW a raison d’envoyer les aides directement aux gens sinistrés

Eleni Caridopoulou

18 h 43, le 04 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • HRW a raison d’envoyer les aides directement aux gens sinistrés

    Eleni Caridopoulou

    18 h 43, le 04 juillet 2023

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