L’unité des chrétiens libanais, un objectif ou une illusion ?

Peut-on encore croire à une seule voix chrétienne libanaise ? Ayant connu des clivages claniques et tribaux dont les sources remontent à l’ère de l’occupation ottomane et en même temps inféodés aux puissances étrangères garantes de leur protection, les chrétiens du Liban n’ont jamais réussi à être unis et à parler d’une seule et même voix. Durant les tristes évènements de 1840-1860, les maronites se jetèrent dans les bras de la France impériale tandis que les orthodoxes se jetaient dans les bras de la Russie tsariste.

Dans l’histoire contemporaine libanaise, une multitude et une accumulation d’évènements tragiques ont contribué à l’affaiblissement pour ne pas dire l’effacement du poids politique des chrétiens du Liban. Les maronites au premier rang.

Du massacre d’Ehden en 1978 jusqu’à l’entente de Mar Mikhaël en 2006, qui selon moi sont deux cataclysmes dans l’histoire des maronites du Liban, des décennies de discorde, de vendettas politiques et de guerres fratricides et carrément inutiles qui n’ont fait qu’affaiblir non seulement le rôle des chrétiens libanais en général mais aussi celui des maronites et la dilution de leur participation à la vie politique libanaise. L’accord de Taëf qui a abouti en 1989 après près de 15 ans de guerre, sans pardons réciproques et sans une paix des braves, n’est qu’un exemple de la perte du pouvoir des chrétiens libanais et plus principalement celui des maronites non seulement sur l’échiquier politique interne mais bien au-delà, voire devant les instances internationales.

Si en 1919 le patriarche maronite Élias Hoayek se rend à Paris muni d’un mandat fort de toute la classe politique chrétienne pour exiger l’édification d’un Liban fort et indépendant dissocié de l’arabisme de Fayçal fort populaire à l’époque, s’ensuivit par la suite la déclaration du général Gouraud proclamant la naissance du Grand Liban, aujourd’hui plus de 100 ans plus tard, le patriarche Raï ne s’est-il pas rendu à Paris pour se faire « dicter » par Macron quoi faire et comment agir face à l’impasse politique que traverse le Liban ? L’avenir nous le dira et s’il s’avère que c’est le cas, nous sommes en présence d’une bien triste comparaison.

Quel avenir donc de l’unité des chrétiens du Liban ? Malheureusement, on n’a pas appris de nos erreurs et le bipartisme inféodé qui règne depuis des siècles, sous différentes formes et changeant avec le temps, constitue un des plus grands dangers pour l’avenir des chrétiens du Liban. L’adage en arabe « tu divises, tu règnes » longtemps appliqué par les puissances étrangères, proches ou lointaines, encore et toujours actives au Liban, semble se perpétuer jusqu’à nos jours. Quelle désolation !

La pérennité du Liban ainsi que celle de la présence de ses chrétiens, fondateurs et pionniers d’un pays souverain, moderne et fier ne seront assurées que par l’unité de ces derniers derrière un même projet politique rassembleur et bâtisseur tourné vers l’avenir.

Montréal, Canada

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