Encore un film interdit au Liban : le dernier Spider-Man et son drapeau transgenre

Une seconde d’apparition d’une fierté transgenre dans un film, pour le Liban, c’est déjà trop. Sorti le 2 juin aux États-Unis, Spider-Man: Across the Spider-Verse, ne sera pas diffusé dans les salles libanaises, ont indiqué les sociétés VOX et Grand Cinemas, principaux diffuseurs au pays du Cèdre. La cause ? Cinq bandes de couleur rose, bleu et blanc, le drapeau de la fierté transgenre, qui apparaît en arrière-plan pendant un court instant.

L’information a été confirmée mercredi à L’Orient-Le Jour par le diffuseur Grand Cinemas, qui indique cependant « ne pas être sûr » de la raison exacte de la censure. Celle-ci suscite déjà l’indignation de certains internautes, et le film rejoint une longue liste de longs-métrages occidentaux censurés par les autorités libanaises, en l’occurrence la Sûreté générale (SG) et son comité de censure rattaché au ministère de l’Intérieur.

« C’est vraiment pathétique »

Un internaute a diffusé mardi une capture d’écran montrant un rapide échange avec VOX Cinemas sur Instagram : « Bonjour, quand est-ce que Spider-Man: Across the Spider-Verse sortira au Liban ? – Bonjour, merci de votre message. Le film a été interdit et ne sera pas diffusé au Moyen-Orient. Bonne journée. » Circulez, il n’y a rien à voir. Du moins pas en salle de cinéma.

L’internaute commente ainsi cet échange : « Le Liban qui censure un film parce qu’un drapeau trans apparaît en arrière-plan, c’est vraiment pathétique. » Un autre ironise : « Le prochain film Barbie est mal barré, si celui-ci est interdit », en allusion à un prochain film américain avec Margot Robbie et Ryan Gosling, dont la sortie outre-Atlantique est prévue pour le 21 juillet 2023.

Impact négatif pour les diffuseurs

Contacté par L’Orient-Le Jour, un porte-parole de la SG n’était pas en mesure de valider l’information dans l’immédiat. VOX et Empire Cinemas, société de distribution du film, n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Du côté de Grand Cinemas, diffuseur dans les centres commerciaux ABC de Beyrouth et au Spot Cinema de Saïda, la nouvelle passe mal. « Ça a un impact négatif pour nous. On souhaite que tous les films sortent dans tous les cinémas », regrette Carly Ramia Habis, responsable du marketing. « On a reçu un e-mail très sommaire des distributeurs qui dit juste que le film ne sortira pas. Sans aucune raison, ajoute-t-elle. Aucun pays du Moyen-Orient ne le diffusera, pas même le Golfe. »

Illustration Guilhem Dorandeu

Comme le montre cette infographie, la censure de films défendant la cause de la communauté LGBTQ+, ou contenant seulement une brève référence à celle-ci, ne date pas d’hier au Liban. Dès 2013, le thriller français L'inconnu du lac, dans lequel le sujet de l’homosexualité est central, était interdit. La SG avait alors indiqué que le film « ne correspondait pas à (ses) critères » de l’époque.

Dix ans après, ces critères ne semblent pas avoir varié. L’année 2022 avait déjà connu une bonne dose de censure : dans Thor: Love and Thunder, sorti en juillet aux États-Unis, un personnage explique qu’il a deux pères. Résultat : censuré au Liban et dans certains pays de la région comme Bahreïn, le Koweït et l’Égypte. En juin, dans le film Disney Lightyear, deux femmes ont le malheur de s’embrasser pendant une seconde, au détour d’un couloir. Le film passe à la trappe au Liban et dans au moins 14 pays du Moyen-Orient et d’Asie.

Moins d’un mois après, le film The Minions: The Rise of Gru commettait un double sacrilège. Non seulement deux Minions s’embrassent, mais une scène montre une nonne s’essayant au nunchaku (une arme japonaise, NDLR).

« À chaque film interdit, on ne nous a pas donné de raison valable pour l’annulation », se souvient Carly Ramia Habis... La censure a de beaux jours devant elle, contrairement à la tolérance et à la diversité cinématographique.