Incertitude certaine

Au vu de la pantalonnade qui agite le landernau local, ce n’est pas tous les six ans mais tous les jours qu’il faudrait monter un cirque présidentiel enrichi de ses singeries très animées. On pourrait même le rendre payant pour renflouer ce tonneau des Danaïdes, qui chez nous fait office de Trésor public.

Dans cette République génétiquement modifiée par les querelles de barbus et d’imberbes, il y a toujours de quoi titiller la libido politique des prétendants au trône suprême. Il y en a même qui adoptent parfois une posture messianique de sauveur du peuple sans qu’il se soit trouvé personne évidemment pour constater que le peuple a moins besoin de sauveur que de sauve-qui-peut.

Bref, encore un nouveau tour de piste parlementaire pour rien cette semaine, avant que le cheptel ne déserte la ménagerie. Le culte du néant doit provoquer des vertiges contagieux, puisque le procédé impressionne encore le clampin de base qui se rêve en témoin privilégié de l’histoire du Liban. Rien ne changera dans son existence pourrie, son électricité prostatique, son niveau de vie minable, sa fiche de paie misérable, mais il suffit que son demi-dieu politique soit content pour que le nirvana diffuse dans son caleçon. L’orgasme du pauvre !

Un grand merci donc aux députés qui nous ont permis de passer du bon temps. En attendant les tractations fiévreuses qui forceront un jour un accouchement par césarienne du nouveau chef de l’État, le Liban à genoux retient son souffle. On n’ira pas jusqu’à dire que la montagne va accoucher d’une souris, mais elle accouchera certainement d’un petit rat. Pour ce qui est des couleuvres, les Libanais se feront une joie de les avaler.

Comme d’habitude, Istiz Nabeuh a bien réussi son tour de passe-passe. Toujours aussi lumineux que le Soleil qui se lève sur les vaches de Msaïleh, le vieux Déshérité n’a pas bien digéré « l’azourdissante » candidature de l’opposition, qui visiblement n’est pas dans ses cordes. Le tenancier du Parlement est plutôt du genre « chargé de clientèle » au service de cette République tapioca, où un reliquat de population chiite fait encore partie de son fan club depuis que le Sayyed Barbu a lancé une OPA sur le reste.

Dans l’exercice de ses fonctions, Magic Nabih a la capacité de faire encore pire. Lui, faut pas lui demander si dans tel ou tel dossier l’impact de ceci ou de cela sur le PIB est inversement proportionnel à la racine carrée du taux de croissance. Ce n’est pas son genre de beauté. Avec son fessier scotché sur le même fauteuil depuis plus de 30 ans, il a muté pour devenir un analopode accompli. En fait, notre ami ne s’intéresse qu’à deux grands événements : l’élection du président de la République, d’abord, puis la sienne propre sur le perchoir. Le tripatouillage constitutionnel de la première justifiant la mangeoire de la seconde, laquelle fait depuis 1992 le bonheur de cet homme de tous les râteliers.

Bien entendu, personne n’envisage de mettre un bémol à l’excitation collective entourant cette présidentielle improbable, ce qui laisse prévoir une longue période d’incertitude après le 14 juin. Être incertain, c’est fabuleux !

Surtout quand on est certain d’être incertain…

gabynasr@lorientlejour.com