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Nos Lecteurs ont la Parole

Le sentiment national, pourquoi est-il si faible au Liban ?

Le sentiment national, pourquoi est-il si faible au Liban ?

Photo Michel Sayegh

La vive polémique déclenchée suite à la décision de M. Mikati en mars dernier de reporter l’heure d’été au 21 avril témoigne de la prégnance et de l’exacerbation potentielle du sentiment confessionnel et remet en question le sentiment national : pourquoi est-il le maillon faible ? Pourquoi le sentiment confessionnel domine toujours ? Pourtant, le sentiment national est primordial pour la création et la conservation d’une cohésion sociale et la diffusion d’une vitalité dans le travail politique en vue de servir le bien commun.

Cette question problématique se trouve souvent camouflée par les alliances ou ententes politiques multiconfessionnelles. Pourtant, le motif sous-jacent à chaque action ou choix politique demeure le sentiment confessionnel couplé habituellement par la recherche des intérêts personnels des chefs.

Une compréhension approfondie du sentiment confessionnel s’impose si l’on veut mieux saisir la fragilité du sentiment national et trouver les moyens pour le renforcer. Dans ce cadre, il convient de distinguer théoriquement le sentiment religieux du sentiment confessionnel. Le premier émane de l’appartenance à une communauté ayant une doctrine religieuse spécifique et se nourrit de ses propres cultes. Il n’est pas forcément lié à un pays précis, d’autant plus que le message de la religion lui-même est universel et ne peut pas être géographiquement limité. En revanche, le sentiment confessionnel provient du développement historique de la communauté religieuse qui devint une quasi-nation. La communauté religieuse devenue une confession ne limite plus ses activités aux dimensions doctrinales et cultuelles, mais s’attribue également des fonctions culturelles, éducatives, sociales et politiques au sein de l’espace géographique qu’elle occupe. Cette évolution transforme l’identité même de la communauté et du sentiment d’appartenance qui en surgit. La communauté religieuse devient une confession locale qui nourrit chez ses adeptes un sentiment d’unité dans lequel se confondent les éléments religieux et culturels tout en préservant les liens affectifs et intellectuels avec les autres communautés existant en dehors de son espace géographique et partageant la même doctrine.

Cela étant dit, la confession pour le Libanais n’est pas un choix, mais une identité particulière héritée de génération en génération. Il la porte depuis sa naissance et la transmet telle quelle. Par conséquent, cette identité reste rigide et inchangeable puisque son noyau dur est une croyance religieuse. Elle est fortifiée par la pratique politique mais aussi par les institutions éducatives, sanitaires, sociales et culturelles confessionnelles qui assurent sa pérennité. Cependant, cette dimension essentialiste de l’identité confessionnelle qui génère l’impression de son fixisme contredit profondément le caractère dynamique de l’identité nationale. Le sentiment confessionnel empêche ainsi le développement du sentiment national.

Sachant que plusieurs éléments constitutifs sont communs aux deux identités confessionnelle et nationale tels l’histoire, la culture, la langue, la géographie, le bien-être et d’autres encore. Cependant, c’est la dimension essentialiste qui détermine le rôle de ces éléments. Elle fait tourner les regards des Libanais vers le passé. Il faudrait donc écarter cette dimension pour permettre l’épanouissement de l’identité nationale. Or la base de cette entreprise existe déjà : l’expérience des Libanais des libertés individuelles, l’ouverture culturelle, la coopération économique, la négativité du confessionnalisme et ses résultats catastrophiques… tout cela représente un fondement solide pour développer un sentiment national non confessionnel qui encourage les Libanais à regarder le présent et le futur avec objectivité à la lumière de leur bien commun. Cela ne signifie pourtant pas la négation de la religion. Bien au contraire, c’est une occasion pour la libérer de la prison du confessionnalisme ; elle trouvera son rôle positif dans la vie des hommes et de la société, rôle qui ne contredit plus l’identité nationale.

Reste à souligner un point important concernant le rapport aux origines. Comme l’interaction entre les personnes et les cultures a toujours été présente, il est illusoire d’accorder à la religion dans sa forme d’aujourd’hui la continuité et la préservation des origines. En fait, nous avons tellement besoin au Liban de considérer les résultats des recherches historiques, psychologiques, sociologiques et religieuses qui démontrent la stérilité, voire l’erreur de tout discours portant sur une « origine pure » d’un groupe ou d’une doctrine religieuse. L’intégration de ces approches scientifiques de manière responsable et honnête dans la réflexion sur l’identité nationale conduira à consolider le sentiment national en renforçant le lien social. Le rôle même du Liban dans la région serait aussi plus fixé : d’un État romantique à la façon platonique au sein duquel se juxtaposent des identités essentialistes, à un État qui traduit dans sa culture et ses politiques les libertés publiques et individuelles ainsi que les droits de l’homme et la centralité du bien commun dans l’action politique.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

La vive polémique déclenchée suite à la décision de M. Mikati en mars dernier de reporter l’heure d’été au 21 avril témoigne de la prégnance et de l’exacerbation potentielle du sentiment confessionnel et remet en question le sentiment national : pourquoi est-il le maillon faible ? Pourquoi le sentiment confessionnel domine toujours ? Pourtant, le sentiment national...

commentaires (1)

C’est vrai quand on dit que nous appartenons à une culture confessionnelle. Je suis née et grandie à achrafieh .

Eleni Caridopoulou

18 h 43, le 17 mai 2023

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Commentaires (1)

  • C’est vrai quand on dit que nous appartenons à une culture confessionnelle. Je suis née et grandie à achrafieh .

    Eleni Caridopoulou

    18 h 43, le 17 mai 2023

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