La juge d’instruction de Paris Aude Buresi a lancé mardi un mandat d’arrêt international à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, selon ce qu’a rapporté une source proche du dossier à l’AFP. Comme attendu, ce dernier ne s’était pas présenté à l’audience à laquelle il était convoqué à 9h30 au Palais de justice de Paris, au motif qu’il n’avait pas été notifié. L’annonce de la mesure française face à son défaut de comparution est tombée comme un coup de tonnerre. Quelles sont ses répercussions pour Riad Salamé, au plan juridique ? Comment la communauté internationale va-t-elle réagir face à cette mesure ? L’Orient-Le Jour a demandé des explications à Karim Daher, avocat spécialisé dans les dossiers liés à la corruption.
Quelles sont les conséquences du mandat d’arrêt contre Riad Salamé ?
Le gouverneur de la banque centrale passe désormais d’une situation de témoin et de suspect à celle d’un homme accusé et recherché. Nous ne connaissons toutefois pas encore la nature de ce mandat d’arrêt : est-ce qu’il est français ou international ? Est-ce qu’il est assorti d’une notice rouge Interpol ? Si le mandat d’arrêt est assorti d’une notice rouge Interpol, adressée dans le monde pour le localiser et procéder ainsi à son arrestation, il ne pourrait plus se déplacer aisément à l’extérieur du Liban, puisqu’il risque d’être facilement appréhendé. Riad Salamé peut toutefois faire appel de la décision, et il vient d’ailleurs d’annoncer sa volonté de le faire.
Le Liban acceptera-t-il de l’extrader si la France le lui demande ?
Il sera difficile d’obtenir son extradition, parce que le Liban refuse d’extrader les nationaux. En outre, la convention des Nations unies contre la corruption à laquelle la France et le Liban ont adhéré donne la possibilité au pays à qui la demande d’extradition est formulée de la refuser s’il la considère susceptible de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité et à son ordre public.
La convention prévoit également que lorsqu’un pays est sollicité pour une telle entraide judiciaire, il peut la refuser dans le cas où les infractions reprochées à un justiciable par un pays étranger sont analogues à celles pour lesquelles cette personne est poursuivie dans son propre pays. En l’espèce, le Liban peut se prévaloir de sa souveraineté juridictionnelle et soutenir que son droit interne lui interdit d’exécuter la demande de la France parce que Riad Salamé fait l’objet d’une enquête et de poursuites menées par la justice libanaise pour des soupçons similaires. Mais la France pourrait décider de continuer à instruire le dossier et à juger Riad Salamé, comme elle l’avait fait pour le vice-président de la Guinée équatoriale Théodore Obiang.
Dans un tel contexte, Riad Salamé peut-il rester à son poste ?
Le Code de la monnaie et du crédit impose que le gouverneur de la BDL soit démis de ses fonctions en cas de manquement à ses obligations résultant d’infractions pénales, telles que le trafic d’influence, l’abus de poste ou autres actes de corruption. La loi prévoit également sa destitution en cas de fautes graves dans la gestion des affaires.
Le gouvernement devrait appliquer cette règle contre Riad Salamé avant que n’expire son mandat en juillet, même s’il ne s’agit que de cette courte période. S’il le fait, il enverrait un message fort contre l’impunité et en faveur de la redevabilité. Sa destitution constituerait un exemple pour les successeurs du gouverneur, qui ne s’aventureront plus à agir comme il l’a fait.
On se demande toutefois si les politiques accepteront d’appliquer la règle, d’autant qu’ils ne l’ont pas suspendu à ce jour, alors qu’il fait depuis deux ans l’objet de procédures en France et au Liban.
Quelles seront les réactions de la communauté internationale si le gouverneur de la BDL n’est pas destitué ?
L’image du Liban va être ternie dans le monde. Il est légitime de se demander comment vont réagir les États, notamment la France et d’autres pays dans lesquels Riad Salamé est mis en cause. Les banques centrales internationales et correspondantes qui s’y trouvent accepteront-elles de traiter avec une banque centrale dont le gouverneur est maintenu à son poste alors qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international ? Le FATF (Financial Action Task Force), observatoire mondial du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, ne placerait-il pas le Liban sur la liste grise ou noire ?
Les pays européens pourraient considérer que Riad Salamé est protégé par des dirigeants qui favorisent la corruption au détriment de leur population. D’ailleurs, le dossier judiciaire de Riad Salamé ne se limite pas à lui-même, puisque parmi les chefs d’accusation figure l’association de malfaiteurs. Le Parlement européen recommanderait alors une prise de sanctions au Conseil européen, qui pourrait adopter des décisions exécutives en ce sens, à condition qu’elles soient prises à l’unanimité. Des politiques, banquiers et hommes d’affaires pourraient ainsi être épinglés.
commentaires (8)
Si Salamé garde le silence sur tous ses partenaires mafieux, c’est qu’il espère encore qu’une pression de leur part vienne capoter le verdict et le sortir blanchi. Je ne vois pas d’autres raisons sur son silence et celui des fossoyeurs qui veulent le remplacer par son siamois afin que toute la vérité sur le hold-up lent mais sûr ne soit jamais révélée. Ils ont plus d’un lapin dans leurs chapeaux et se relayent pour les sortir en nous rassurant de leur blancheur et de leur vertueuse volonté de faire la chasse aux corrompus dont ils ont toujours fait partie. Le pire du pire c’est qu’il y a encore des bobets qui croient ferme en leur innocence alors que leur argent sommeille dans les paradis fiscaux pendant que eux ne retrouvent plus le sommeil.
Sissi zayyat
12 h 17, le 17 mai 2023