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Nos Lecteurs ont la Parole

Une rencontre avec le « amid »... pas comme les autres !

En vue de célébrer la mémoire de ce grand patriote qu’était Raymond Eddé, le jour de son décès, il y a 23 ans, j’ai trouvé adéquat d’écrire ce texte concernant une rencontre insolite que j’ai eue avec lui.

Cinq formations politiques et quelques indépendants tenaient des réunions au siège du PNL à Sodeco en vue de coordonner leur action pour le boycott des élections de 1996 : le PNL, le Bloc national, le Courant patriotique libre, la fraction opposante des Kataëb ainsi que le courant des Forces libanaises (le parti des FL étant dissous).

Une fois les élections terminées, j’ai pris l’initiative de transformer cette entente ponctuelle en un véritable « Front de salut national ».

Je rédigeais la charte dudit Front et un programme d’action pour l’étape en cours.

Le 18 septembre 1996, j’atterris à Paris. J’avais programmé trois rencontres : une avec le « amid », une autre avec le président Amine Gemayel et une troisième avec le général Michel Aoun afin de discuter de la charte et du programme et de les convaincre du bien-fondé de la formation du « Front de salut national ».

Si la rencontre avec Aoun et Gemayel allait de soi, la rencontre du amid avec une personne nommément FL relèverait de prime abord de l’impossible.

Cependant, un ami commun à moi-même et à Carlos Eddé put convaincre ce dernier d’intercéder auprès de son oncle pour qu’il accepte de me recevoir. Il me présenta à lui, nonobstant mon appartenance aux FL, comme étant un « type bien », à savoir fréquentable.

Au jour et à l’heure convenus, je me présentai à l’hôtel George V où résidait le amid. Il me reçut dans sa chambre.

Il m’ouvrit la porte. Naturellement, je tendis la main droite pour le saluer. Il refusa de la serrer. Avec un sang-froid phénoménal, inébranlable, j’ôtais mon pardessus ; je l’accrochais ainsi que mon parapluie au porte-manteau et je partis m’installer sur un fauteuil face à lui. Une table sur laquelle s’amoncelaient des coupures de presse et des dossiers nous séparait.

En bon avocat, il dressa un acte d’accusation des FL, l’étayant de moult détails, traitant les FL de criminels, tout en insistant notamment sur l’exécution de Samir Zeinoun le 18 janvier 1988.

« Vous êtes donc vous-même un criminel », me lança-t-il.

Je rétorquai du tac au tac : « Mais c’est bien vous qui avez instauré la peine de mort en 1958, suite aux événements de la même année, alors que moi, j’ai une position de principe à la peine de mort en vertu de ma conviction profonde des droits de l’homme. »

Il réattaqua : « Mais vous faites partie de cette bande de criminels ! »

Je répondis calmement : « Vrai. Mais, tout comme vous, en vertu de “la raison d’État”, j’ai estimé que ma présence dans les FL était plus profitable au Liban que ma démission. »

Sur ce, je lui présentai les deux documents et discutai avec lui de la nécessité de former « le Front de salut national ». Nous fixâmes le jour et l’heure de notre nouvelle rencontre, le temps qu’il lise les deux documents et qu’il y réfléchisse.

Je sortis sans lui serrer la main.

Le jour de notre seconde rencontre, je rentrai dans sa chambre de la même façon cavalière que j’en étais sorti lors de notre première rencontre.

Nous discutâmes du contenu des deux documents ainsi que de la participation du Bloc national dans le front potentiel.

Je ne divulguerai pas dans ce texte la teneur de notre conversation. Je la réserve pour un livre en cours d’élaboration qui aura pour titre De la gauche aux FL et au-delà.

Alors que je m’apprêtai à sortir, il m’interrompit me disant : « On peut se serrer la main si vous le voulez. »

« Volontiers, mais c’est bien vous qui aviez refusé de serrer la mienne », rétorquai-je.

On se serra la main.

Depuis, je n’ai jamais revu ce grand homme de mon pays !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

En vue de célébrer la mémoire de ce grand patriote qu’était Raymond Eddé, le jour de son décès, il y a 23 ans, j’ai trouvé adéquat d’écrire ce texte concernant une rencontre insolite que j’ai eue avec lui. Cinq formations politiques et quelques indépendants tenaient des réunions au siège du PNL à Sodeco en vue de coordonner leur action pour le boycott des...

commentaires (1)

Tout cela est tellement triste au moment où, ayant battu tous les records de criminalité atteints à Hama et au Liban, le régime syrien se refait une respectabilité, régionale en tous cas. Cette réunion entre l'exilé du George V et un opposant désarmé au rouleau compresseur des intérêts régionaux est du même tonneau, celui de l'impossible amélioration par imitation servile des pays qui fonctionnent. Le seul bulletin de vote crédible dans cette région et dans ce pays, ça reste le billet d'avion aller simple, vers les pays qui fonctionnent.

M.E

09 h 14, le 10 mai 2023

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Commentaires (1)

  • Tout cela est tellement triste au moment où, ayant battu tous les records de criminalité atteints à Hama et au Liban, le régime syrien se refait une respectabilité, régionale en tous cas. Cette réunion entre l'exilé du George V et un opposant désarmé au rouleau compresseur des intérêts régionaux est du même tonneau, celui de l'impossible amélioration par imitation servile des pays qui fonctionnent. Le seul bulletin de vote crédible dans cette région et dans ce pays, ça reste le billet d'avion aller simple, vers les pays qui fonctionnent.

    M.E

    09 h 14, le 10 mai 2023

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