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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand sonne l’heure du divorce

Ce matin, pendant que je goûtais avec délice aux quelques minutes qui me restaient avant que mon réveil ne sonne, j’ai croisé dans une rêverie un homme qui souffrait, qui pleurait sa terre en ruine et se plaignait de se voir gouverné par des chefs de guerre impunis. Il m’a raconté l’histoire de son pays, où la corruption et la violence étaient devenues la nouvelle gouvernance et où la démocratie n’était plus qu’un mot vide de sens. Il m’a parlé du manque d’électricité, des pénuries d’eau et de nourriture, et du désespoir qui pèse sur son peuple, en me certifiant qu’il ne voyait plus d’issue à sa situation et qu’il était déjà trop tard pour un sauve-qui-peut général.

En effet, la veille, j’avais pris un gros risque en demandant à mon taxi comment il allait, malgré les mises en garde de Belmondo. Les réfugiés, la présidentielle, les municipales, l’Arabie qui se réconcilie avec l’Iran. Ça m’apprendra.

Je me réveillais donc, perplexe et bien pensif. Ça fait un moment que ça va comme ça.

Les histoires de Disney nous font croire que la belle peut toujours sauver la bête, que le prince peut toujours réveiller la princesse. On a tendance à croire que tout peut aller pour le mieux, pour peu qu’un héros apparaisse. Et il apparaît souvent en dernière minute, comme cette blague où la nuit est plus sombre avant le lever du jour. On attend tous un deal géopolitique et global qui aurait notre bien-être à cœur, et tout serait réglé. Mais… les optimistes se sont retrouvés à Auschwitz, disait Billy Wilder.

Il y a un peu plus d’un mois, un exemple de prise de décision fuitait sur les télés. Un milliardaire qui perd pied face à un milliardaire qui prend racine. Une décision aux conséquences inconnues est forcée, et il faut trouver une solution. Le summum de l’absurde, un scénario qu’on n’oserait pas utiliser dans des films tellement il paraîtrait grossier et impossible à croire. C’est bien ce qui se passe quand des chefs de guerre sont reconvertis en gouverneurs de paix… Ils ont des limites. Et les limites ne choquaient pas quand tout allait bien. Comme on l’a bien prouvé depuis la fin de la guerre, pour peu que l’argent coule, tout le monde ferme un œil, sinon les deux.

Or cette décision qui date d’un bon moment déjà a été dépassée depuis par bien d’autres tout autant ridicules qu’irréfléchies. Elles ne sont que les symptômes du dysfonctionnement de nos institutions. Des institutions qui ne reflètent au final que nos élus, pendant qu’on riait des nouveaux venus. Et c’est bien là que le peuple doit assumer sa part de responsabilité. Comment se plaindre de l’absence de leadership tout en refusant de prendre des mesures pour le renouveler ?

Un peuple ballotté comme dans une relation toxique dans un couple qui ne trouve plus aucun moyen de s’entendre. Et comme chaque couple qui passe par une crise existentielle, on devrait peut-être se poser la question. Qu’est-ce qu’on fait encore ensemble ?

Aujourd’hui au Liban, deux espèces différentes se font face. Non pas chrétiens et musulmans, comme voudraient nous le faire croire les plus manipulateurs. Mais ceux qui choisissent le progrès et la transparence et ceux qui choisissent les magouilles et les mauvaises affaires. Ceux qui veulent croire qu’un changement interne est possible contre ceux qui en ont peur. Sacrée caverne, cette caverne. On y est tellement restés qu’on est tous convaincus que les dirigeants qu’on a sont les seuls capables de nous guider, que toute évolution est impossible. Le complot du destin face à la liberté de choisir.

Pour Camus, « dans toute crise, il y a une chance ». La crise, on y est. Il nous faudra créer notre chance. Rétablir la justice et la dignité d’un peuple, créer un avenir meilleur.

Il est temps de remplacer les chefs de guerre par des dirigeants responsables et intègres. Les élections, elles, ne sont que le fruit d’un long et patient effort. C’est aujourd’hui qu’il nous faut une décentralisation administrative, des élections municipales, et c’est dès aujourd’hui qu’il nous faut prendre en charge les processus de sélection et de nomination des candidats pour les prochaines législatives. Créer une nouvelle génération de leaders politiques compétents, honnêtes et patriotes, prêts à travailler pour l’intérêt du pays et non pour le leur. En interne, il nous faut être moins cyniques et travailler ensemble, loin de l’ego et de la peur d’échouer. En externe, la diaspora et les bailleurs de fonds doivent tout faire pour – et ne rien faire d’autre – sortir l’électeur de l’obscurité, l’obscurantisme et l’ignorance. Ensemble, il nous faudra nous éduquer, informer, organiser pour avoir une chance face à ceux qui profitent de l’absence d’État. L’heure du divorce a sonné : la séparation, ou le nivellement par le haut.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Ce matin, pendant que je goûtais avec délice aux quelques minutes qui me restaient avant que mon réveil ne sonne, j’ai croisé dans une rêverie un homme qui souffrait, qui pleurait sa terre en ruine et se plaignait de se voir gouverné par des chefs de guerre impunis. Il m’a raconté l’histoire de son pays, où la corruption et la violence étaient devenues la nouvelle gouvernance et...

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