
La grotte marine située juste en-dessous d'un chantier privé à Amchit. Photo fournie par notre correspondant Michel Hallak
Les travaux d'excavation sur un chantier privé, situé au-dessus d'une grotte littorale naturelle abritant des phoques moines méditerranéens menacés d'extinction à Amchit, au nord de Jbeil, ont repris, a annoncé dimanche dans un communiqué TERRE Liban, une organisation environnementale.
"Le projet de construction sur la plage de Amchit menace de nouveau la grotte du phoque moine de Méditerranée, qui est en voie de disparition, selon la Liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)", précise le communiqué, ajoutant que le phoque moine est le sixième mammifère le plus menacé au niveau mondial.
En juin dernier, des travaux liés au même chantier, proches de la grotte, avaient été interrompus après que les résidents locaux se sont mobilisés contre le projet, poussant le ministère du Tourisme à ordonner l'arrêt des excavations.
La municipalité de Amchit a confirmé dimanche que la reprise des travaux sur le site concernait le même projet de développement qu'en 2022 : un chalet privé. "Ils ont arrêté les travaux l'année dernière, dans l'attente d'une étude d'impact environnemental sur le site", a déclaré à L'Orient Today Paul Abi Rached, directeur de TERRE Liban, qui se consacre à l'éducation à l'environnement.
À deux mètres de la grotte
Pour protester contre ce projet, des dizaines de militants et de citoyens se sont rassemblés dimanche à Amchit, près de la grotte. Certains se sont même jetés à l'eau pour tenter d'arrêter les travaux.
"Ce matin, le ministre [sortant] de l'Environnement, Nasser Yassine, m'a envoyé un message pour me dire que l'étude avait bien été réalisée et que les travaux avaient repris sur le site près de la grotte", a expliqué M. Abi Rached. "Cependant, il est impossible que cette étude ait effectivement été réalisée. Nous avons effectué un suivi rigoureux et aucun expert n'est venu sur le site, aucune municipalité n'a été contactée, l'étude n'a jamais été réalisée", a ajouté l'activiste.
"Une partie importante de cette étude comprendrait une consultation du public, ce qui signifie que des experts de l'environnement marin méditerranéen, des activistes locaux et des scientifiques marins seraient consultés. Rien de cela n'a eu lieu", a poursuivi M. Abi Rached. Selon lui, "la loi exige qu'une telle étude soit réalisée afin de garantir la préservation de la vie marine (...) Les travaux d'excavation ne sont qu'à deux mètres de la grotte des phoques".
M. Yassine était injoignable pour un commentaire sur cette question.
"La côte libanaise est bordée de grottes"
Le président de la municipalité de Amchit, Antoine Issa, a pour sa part déclaré à L'Orient Today que les travaux ont repris après avoir "reçu l'approbation du ministère de l'Environnement et du Conseil supérieur de l'urbanisme". "Par conséquent, il n'est pas en mon pouvoir d'empêcher les propriétaires de poursuivre les travaux sur leur propre terrain, puisque ceux-ci sont réalisés dans le cadre légal", a-t-il précisé. M. Issa a encore expliqué que les ouvriers présents sur le chantier avaient reçu des directives à respecter de la part du ministère de l'Environnement et du mohafez (gouverneur). "La grotte ne doit pas trembler afin d'éviter qu'elle ne se fissure pendant les travaux, et des capteurs doivent être installés pour détecter toute fissure éventuelle, a-t-il notamment indiqué, notant toutefois que la municipalité n'a pas été contactée au sujet de l'étude d'impact environnemental.
"La côte libanaise est bordée de grottes, donc même si celle-ci en particulier est détruite, le phoque a beaucoup d'autres endroits dans lesquels il peut s'abriter ; nous parlons d'un seul phoque, pas d'une centaine de phoques sur la côte dont l'habitat serait complètement détruit", a ajouté le président de la municipalité.
Selon la description du phoque moine de Méditerranée sur le site Internet de la liste rouge de l'UICN, le mammifère est "peut-être éteint" au Liban et il ne reste que 350 à 450 individus matures dans le bassin méditerranéen. L'UICN cite le développement résidentiel et commercial parmi les principales menaces qui pèsent sur ce mammifère marin.
M. Issa a conclu en déclarant que les militants écologistes et les habitants de la ville "font tout un plat de la question", ajoutant que les propriétaires du terrain "ont le droit de construire sur leurs terres".
Un crime contre l'environnement marin
La mise en œuvre du projet de la côte d'Amchit pourrait néanmoins constituer un crime contre l'environnement marin et sa diversité biologique, ainsi qu'une violation de la législation environnementale. L'article 29 de la loi sur la protection de l'environnement n° 444/2002 prévoit que "les plages et les ressources naturelles de la République libanaise doivent être protégées contre les dangers de la pollution sous toutes ses formes".
La loi 144/S de 1925, qui date de la période du mandat français, définit également le domaine public maritime comme "le bord de mer s'étendant jusqu'au point le plus éloigné que les vagues atteignent pendant l'hiver, ainsi que les plages de sable et de gravier", et désigne ainsi le littoral libanais comme un bien public. Elle a été suivie par un décret (4810) introduit en 1966 qui a adopté une approche plus économique, rendant la construction sur la plage - par exemple, dans les zones classées touristiques ou industrielles, et seulement dans les endroits qui ont un caractère public et une justification économique - permise. Toutefois, le décret stipule également que la plage doit rester accessible au public et que la construction ne doit pas entraver la continuité du rivage.
Selon une étude de l'Institut de l'environnement de l'Université de Balamand, au moins 80 % des 220 kilomètres de littoral du Liban sont privatisés.
commentaires (5)
Avec les accords des ministères concernés pour la poursuite des travaux, cela fait penser au dicton: Hamiha Haramiha. Un pays à l'agonie.
Stephane W.
17 h 28, le 08 mai 2023