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Où l’on reparle des réfugiés syriens

Dans une vidéo sortie de nulle part, un homme qui se dit responsable de ses compatriotes syriens réfugiés au Liban adresse un message menaçant aux Libanais. Il accuse l’armée libanaise de n’avoir jamais eu d’autre cible que les camps palestiniens et syriens. Il traite le Liban de « nation la plus sale », de « putain du monde arabe ». Il annonce la constitution de comités de réfugiés chargés d’organiser la confrontation et promet aux Libanais de leur faire payer le prix de leur arrogance. Ailleurs, un reportage veut apporter un éclairage sur une famille syrienne installée dans une ville du Nord libanais. Le père admet recevoir une pension du HCR pour les écolages et la nourriture. La femme au micro demande pourquoi il a tant d’enfants, l’homme répond qu’ils sont « un don de Dieu ». Un habitant de la ville reproche à ses concitoyens de donner du travail à ces réfugiés, tandis que les jeunes Libanais souffrent du chômage. Un autre révèle que des propriétaires préfèrent louer leur bien aux Syriens, qui ont les moyens de payer en dollars. Un autre enfin raconte qu’un Syrien de sa connaissance en est déjà à sa troisième épouse et son cinquième enfant en trois ans. La vidéo d’un gamin, enfant de réfugiés, batifolant dans l’eau du bassin de la place Samir Kassir, au centre-ville de Beyrouth, fait grincer des dents et pousse la municipalité à assécher le bassin. Un minidocumentaire sur le naguère luxueux Zaitunay Bay montre les ordures laissées par les promeneurs du dimanche, avec une évidente allusion aux mêmes réfugiés.

Quel mot d’ordre mystérieux, quel moteur de recherche ont-ils dernièrement été lancés pour faire mousser la haine et la mesquinerie dans un pays où l’appauvrissement crée déjà une douloureuse frustration ? Comme en réponse à un public dont la révolte a été portée à son comble, les autorités libanaises et certaines municipalités annoncent un renforcement des contrôles et mesures de sécurité relatives aux réfugiés. Un certain nombre d’entre eux, désignés « candidats au retour volontaire », ont été dernièrement renvoyés, sans beaucoup d’illusions, de l’autre côté de la frontière. Une goutte d’eau dans la mer.

Voilà deux peuples réduits à la misère, l’un par la folie paranoïaque de son régime, l’autre par la veulerie, l’incompétence et le mercantilisme de ses dirigeants. Dès le déclenchement de la guerre en Syrie, en mars 2011, les premiers arrivants avaient déjà un pied dans notre pays. Un million de travailleurs syriens, sans leurs familles, étaient recensés à cette époque. Ils formaient un contingent d’ouvriers du bâtiment et d’agriculteurs, des secteurs dans lesquels peu de Libanais, en vérité, travaillent. Journaliers pour la plupart, ils rentraient régulièrement dans leur pays, chargés des précieuses devises dont le régime syrien était friand. Le déferlement progressif de familles fuyant la guerre, impréparé, incontrôlé, par la suite encadré par le HCR qui a mis en place en leur faveur un système de pensions et de paniers alimentaires, a fait exploser la démographie dans un pays déjà miné par la corruption. Nos écoles délabrées, nos infrastructures à bout de souffle, nos municipalités sans budget n’ont pas supporté ce débordement. Le HCR n’a pas encore remis aux autorités libanaises, à la demande de celles-ci, ses données démographiques. Mais à vue de nez, le nombre de réfugiés sur le territoire libanais représenterait le tiers de la population. En temps de prospérité, et si leurs ressources le permettaient, les Libanais auraient été moins regardants. Le plus triste est que c’est cette assistance du HCR à une population minée par une guerre des plus sauvages qui rend presque jaloux des Libanais qui n’ont plus rien pour faire face à l’inflation galopante que subit leur pays.

Les Libanais ont perdu leur confiance en eux-mêmes. Ils ont perdu les moyens d’entretenir leur belle hospitalité. En mode de survie, leur générosité est à la peine. Par-dessus tout, ils se sentent abandonnés par des dirigeants en lesquels certains d’entre eux avaient cru voir des sauveurs. Ils pressentent que ces réfugiés qui à un moment donné les narguaient avec des dollars, auxquels eux-mêmes n’ont pas accès, ont fait l’objet de marchés juteux au bénéfice de certains responsables des deux côtés de la frontière. Tel qu’on connaît ses saints, on les honore, dit l’adage. Le fait est que les Libanais ne s’aiment plus eux-mêmes. Ils n’aiment pas ce qu’ils sont devenus, ni la disparition de leur panache, ni celle de leur culture, ni celle de leur frivolité. Comment aimeraient-ils ceux qu’ils ont d’abord accueillis avec compassion et qu’ils regardent désormais avec envie et méfiance ? Plus vulnérables que jamais, ils voient dans le réfugié syrien cet envahisseur qui ne tardera pas à occuper leur place, las qu’ils sont de tenter de vivre.

Dans une vidéo sortie de nulle part, un homme qui se dit responsable de ses compatriotes syriens réfugiés au Liban adresse un message menaçant aux Libanais. Il accuse l’armée libanaise de n’avoir jamais eu d’autre cible que les camps palestiniens et syriens. Il traite le Liban de « nation la plus sale », de « putain du monde arabe ». Il annonce la constitution...

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Dommage, ce LIban qui accélère sa décomposition. Et tous ces LIbanais qui travaillent dans le golfe, auront-ils toujours un pays pour pouvoir y retourner et vivre leur retraite ?

Remy Martin

07 h 49, le 27 avril 2023

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Commentaires (1)

  • Dommage, ce LIban qui accélère sa décomposition. Et tous ces LIbanais qui travaillent dans le golfe, auront-ils toujours un pays pour pouvoir y retourner et vivre leur retraite ?

    Remy Martin

    07 h 49, le 27 avril 2023

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