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Nos Lecteurs ont la Parole

Un « last seen » non affiché !

Il est presque révolu, le temps où dans un parfait cérémonial vous vous installiez confortablement dans votre séjour familial, preniez le temps de composer à partir du numéro fixe de votre téléphone vintage en bakélite noire ou en onyx un numéro pour vous enquérir d’un proche ou d’un copain, de tout de go savoir au timbre de son « allô » si son moral est au beau fixe ou à zéro, puis de converser avec votre interlocuteur de choses importantes ou futiles et faire avec lui une visite-fleuve au bout du fil !

Maintenant, l’heure est au bâclage et à la rapidité. Tout le monde devient impatient, tout le monde devient expéditif, speedé. Une vraie folie, cette « what’sappmanie » ! On est bien loin du beau parler, on est bien loin des lettres bien appliquées et des jolies cartes de vœux personnalisées.

Dans un texto souvent truffé de fautes d’orthographe ou, pis, écrit phonétiquement ou en « francoanglolibanais » ou encore victime de caprices et de divagations de votre correcteur automatisé, on envoie pour se fêter, pour présenter des condoléances, pour inviter à dîner, pour remercier, un message ou un poster souvent standardisé ou tout au mieux un « voice » que le destinataire dans son tourbillon écoutera en un hilarant multiplié-précipité ! Hallucinantes ces façons désormais frénétiques de communiquer !

Saviez-vous que le texto peut être très déroutant et mener souvent à des quiproquos importants ? Comme on n’entend pas la voix en écho et que c’est finalement le ton qui fait la chanson, on ne décèle souvent pas dans l’écriture d’autrui son emportement ou son ironie, un trait d’humour ou une désinvolture. Pour crier vous aurez beau utiliser toutes les majuscules et les onomatopées de l’alphabet, l’autre ne comprendra pas votre nervosité, et pour faire parvenir votre tristesse, votre zénitude, votre enthousiasme, votre amour ou votre gratitude, toute votre ribambelle de stickers n’y parviendra pas, puisque ce sont des « emojis » sympas, mais tellement impersonnels et éculés qui ne font et refont que le tour d’un virtuel aseptisé. Si vous êtes en train de chuchoter quelque chose que vous n’osez presque pas à vous-même avouer, vous avez à peine posé le doigt sur le bouton « envoyer » que le message est déjà bien installé de l’autre côté et qui sait, déjà « copypasté » ou « forwardé » ! Vous pouvez vous rattraper et effacer, mais ceci laissera une claire mention et sûrement un beau procès d’intention !

En outre, si dans cet univers agressif et calculateur de fonctionnalités la personne est en ligne et ne vous répond pas à l’instant, ou a choisi de masquer son « last seen » du moment, ou encore, malheur, de désactiver le tic bleu du récépissé, sans parler de quand, vlan, vous êtes bloqué, c’est là où vous vous trouverez franchement ulcéré !

Pratique, dépannant et fonctionnelle vous me direz, la technologie a certes des bienfaits, mais qu’on se le dise nous assistons à un

« cyberworld » effrayant de malentendus doublé de malentendants, un mode de communication ambigu et déshumanisé, de smartphones, de nos intelligences pourtant insultées, d’avatars métamorphosés, un monde qui ne fait pas dans la dentelle comme vous croirez, car de jardins épiés, d’intimité éventée, de messages souvent mal interprétés, de chassés-croisés, de téléphones cassés...

Pour l’amour du ciel, passez de visu prendre le café, sinon décrochez ce combiné et demandez-nous « live » comment vous vous portez ? !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Il est presque révolu, le temps où dans un parfait cérémonial vous vous installiez confortablement dans votre séjour familial, preniez le temps de composer à partir du numéro fixe de votre téléphone vintage en bakélite noire ou en onyx un numéro pour vous enquérir d’un proche ou d’un copain, de tout de go savoir au timbre de son « allô » si son moral est au beau fixe...
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