Alors que les rues jouxtant le Parlement et le Grand Sérail à Beyrouth étaient le théâtre de manifestations mouvementées répondant à l’appel de collectifs d’anciens militaires, de déposants ou encore de certains députés contestataires, les commissions parlementaires mixtes se réunissaient au même moment pour se pencher sur la nouvelle période de turbulences qu’a connue le pays sur le plan monétaire.
Bondissant de plus en plus haut au fur et à mesure que le pays s’enfonce dans la crise et que la confiance dans sa monnaie s’effondre, le dollar sur le marché réunissant les agents légaux et illégaux a en effet fluctué de façon très brutale mardi avant de se stabiliser à un niveau toujours très élevé (le taux de dépréciation est supérieur à 98 % par rapport à sa valeur à fin 2019).
Contacté, le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre), qui préside la commission parlementaire des Finances et du Budget, a estimé que la réunion « n’avait pas atteint ses objectifs ». « La réunion, dont l’ordre du jour a été amendé la veille, s’est résumée à une discussion générale sur la situation financière et monétaire où ce sont surtout les députés qui ont partagé leurs points de vue », a ainsi exposé l’élu. Il confirme que le vice-président sortant du Conseil des ministres, l’ancien du Fonds monétaire international Saadé Chami, le ministre sortant des Finances et ancien cadre de la Banque du Liban, Youssef Khalil, et le directeur des affaires juridiques de la BDL, Pierre Kanaan, étaient tous les trois présents pour répondre aux questions des députés.
« Nous voulions connaître les raisons de la détérioration de la livre mardi, connaître le coût de l’intervention de la BDL pour les réserves de devises, savoir quelle en serait l’efficacité et demander pourquoi l’instance était toujours dans la réaction et non dans l’action. Mais il y a eu peu de réponses », regrette Ibrahim Kanaan. Également contacté, Saadé Chami a considéré que la discussion avait tout de même été « constructive » et civilisée, bien qu’il y ait eu « peu de temps pour entrer dans les détails ».
Enfin, le vice-président du Parlement qui préside également les commissions mixtes, Élias Bou Saab, s’est agacé du fait que le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, ne réagissait pas aux convocations du Parlement pour répondre aux questions concernant la situation actuelle. « Personne jusqu’à présent ne sait qui est responsable de la manipulation du taux de change et il n’y a pas de réponses, même au niveau de la BDL », a encore pesté Élias Bou Saab. Il a enfin fait état de « données » laissant suspecter qu’un « grand nombre de personnes influentes, (dont des) hommes politiques, des hommes d’affaires, des officiers et des juges » avaient transféré leur argent à l’étranger ces deux derniers mois, sans davantage de précisions.
Conférence de presse du FMI aujourd’hui
Ibrahim Kanaan a dû lui quitter la réunion avant sa fin. En effet, le président de la commission de l’Administration et de la Justice, Georges Adwan (Forces libanaises), et lui-même devaient se réunir par la suite avec la délégation du Fonds monétaire international, présente au Liban dans le cadre de la reprise de sa mission de surveillance de ses pays membres prévue conformément à l’article IV de ses statuts. « Nous avons partagé nos analyses de la situation et un des points de rapprochement est que la confiance dans le système financier ne pourra pas être restaurée sans stabilité politique et institutionnelle, ce qui commence par l’élection d’un président de la République », a insisté Ibrahim Kanaan, tout en rappelant que le processus est bloqué depuis l’automne.
La délégation du FMI, présente au Liban depuis une grosse semaine et qui a également rencontré les organismes économiques hier – l’une des principales organisations patronales du pays –, a programmé une conférence de presse aujourd’hui pour dresser le bilan de sa première mission d’observation depuis le début de la crise en 2019. Sauf surprise, le FMI ne devrait pas se montrer très tendre avec les institutions libanaises, Parlement compris, compte tenu du peu de progrès réalisé sur l’agenda de réformes préalables, fixé dans l’accord préliminaire conclu en avril dernier, soit il y a presque un an.
Que voulez vous monsieur Bou Saab? Que Riad Salame vienne au parlement dénoncer les magouilles de tous les dirigeants politiques des 30 dernières années? Vous risquez tous d’être éclaboussés
11 h 19, le 24 mars 2023