La filière du carburant fixe les contours de la dollarisation de ses tarifs

Les professionnels du secteur des carburants au Liban ont réclamé mercredi une série de mesures à même de pallier, selon eux, les fortes fluctuations de la livre libanaise par rapport au dollar, qui a perdu plus de 98 % de sa valeur depuis 2019 et dont la trajectoire est de plus en plus erratique.

Lors d’une réunion au siège de l’Association des importateurs de carburant (APIC), les représentants des différentes filières – importateurs et distributeurs d’essence, de mazout et de gaz et les propriétaires de stations essence – ont plus précisément demandé que la procédure de fixation des prix des carburants par le ministère de l’Énergie et de l’Eau soit amendée de façon à être plus réactive aux périodes où le taux de change évolue trop rapidement sur le marché, comme ça a été le cas mardi. Ces revendications s’articulent en deux temps : La filière demande en premier lieu le déploiement d’une application dédiée pour relayer les tarifs du carburant en fonction de l’évolution du taux de change, même durant les week-ends. Selon le président de l’APIC, Maroun Chammas, qui a tenu un point de presse à l’issue de la réunion, cette application est « prête » et son lancement ne tiendrait qu’à une décision du ministère. Son fonctionnement serait plus transparent que celles informelles qui sont actuellement utilisées. Les prix seraient automatiquement corrigés si le taux de change enregistre une variation de plus de 1 000 livres pendant une heure ou plus. Selon Maroun Chammas, l’application a été développée par la société libanaise Tedmob en partenariat avec une autre société américaine dont il n’était pas en mesure de donner le nom.

Paramétrage des pompes à essence

Si cette application n’est pas mise en place ou que le ministre rechigne à modifier les tarifs chaque heure en cas de fortes fluctuations, la filière du carburant prévoit d’aligner unilatéralement ses prix au taux du marché. Pour les stations-service, cela se traduira par le paramétrage de certaines pompes à essence pour afficher les prix en dollars et d’autres en livres libanaises (qui continueront d’afficher les prix officiels). « Les gérants de stations seront libres de fermer les pompes à essence paramétrées avec les tarifs en livres du ministère s’ils sont dépassés pour ne converser que les autres. Cette option ne sera activée que lorsque nous aurons épuisé tous les recours pour faire valoir nos demandes », a assuré Maroun Chammas. Les représentants de la filière prévoient de défendre ces revendications devant le ministre de l’Énergie et de l’Eau, actuellement à New York pour participer au Sommet mondial de l’eau et qui revient en principe en début de semaine. De nombreuses modalités devront cependant être déterminées pour rendre l’un ou l’autre processus viable, comme le fait de savoir si les stations-service rendront également la monnaie en dollars ou en livres, et les moyens mis en œuvre pour éviter les abus (obliger les clients à payer en dollars, ajouter une marge sur les prix en livres), entre autres.

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Mardi, en moins de 24 heures, le taux de change sur le marché a progressé de près de 30 000 livres pour atteindre la barre de 142 000 livres libanaises avant de se replier aux environs de 110 000 suite à une nouvelle intervention de la Banque du Liban. Or les grilles tarifaires des prix du carburant en livres – c’est-à-dire l’essence, le diesel, le gaz domestique et les frais annexes, le prix du mazout étant fixé en dollar depuis 2021 – ne sont actualisées que maximum trois fois au courant de la même journée.

Ainsi, à chaque épisode de ce type, certains distributeurs arrêtent de vendre leurs marchandises pour ne pas le faire en rognant sur leurs marges ou même à perte, tandis que d’autres décident d’appliquer le taux du marché ou de vendre en dollars.

Selon les acteurs présents sur place, le Premier ministre sortant Nagib Mikati et son ministre de l’Économie et du Commerce Amine Salam n’ont pas d’objection à ce que la filière du carburant puisse bénéficier des mêmes aménagements que le secteur touristique ou plus récemment les supermarchés, qui peuvent afficher leurs prix en dollars et faire payer leurs clients en livres en appliquant le taux du marché, ou un taux voisin de celui-ci.

Fuel sector sets conditions under which it will move to dollarize its rates