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Nos Lecteurs ont la Parole

Le temps mène notre destinée

Du temps, nous ne saurions nous détacher, mais il se détache de nous : l’avenir signifie le déjà révolu car, « dès qu’on use du temps, il se détruit », il fuit à mesure que nous le vivons. Nés avec d’infinis possibles, nous mourons à une vie unique, et, du naître au mourir, le temps tue l’homme, sa société, sa civilisation. Par lui, nous apparaissons dans l’existence et il nous en retire comme un « enfant qui s’amuse à jouer aux dames ». L’homme en est conscient et le représente sous les traits d’un vieillard à barbe blanche (car il dure), mais armé d’une faux : quand notre temps a passé, la mort vient. Jamais « le coq ne redevient œuf », et l’esprit humain, sentant l’irréversible poids du temps, voit moins en lui la matrice du monde.

Ainsi s’expliquent la résistance instinctive au concept relativiste de l’espace-temps et la permanence de la tentation « éterniste », du mythe archaïque à la croyance chrétienne : la religion détermine l’ordre et les signes du temps, et annule l’angoisse du devenir, puisque vie et mort, justice et injustice seront finalement compensées. Voilà pourquoi « le temps ne cesse de rejeter l’éternel, et l’éternel de pénétrer le temps ».

Mais l’instant spoliateur est aussi créateur. L’usure caractérise paradoxalement la vie. Tout passe et tout devient, comme le montre l’utilisation symbolique traditionnelle des grands éléments primordiaux : l’air souffle l’existence et la transcende, la brûle et la gèle ; l’eau mesure le temps et la vanité des choses humaines, dilue les formes, régénère le monde. Elle est tour à tour mortelle ou boisson de vie, voire de survie. De la terre, naît l’homme, qui, vivant encore, revient y sombrer, l’espace d’un sablier qui se vide.

Le temps de l’homme n’existe que par la conscience qu’il en a, « sans l’âme, il est impossible que le temps existe » (Aristote). Plus que l’espace, le temps renvoie donc à l’homme ses changements, organise l’horizon temporel de l’avant et de l’après, de la succession et de la durée : l’homme s’ouvre au temps et le conjugue. Dès que l’homme se situe dans le temps, le conçoit comme milieu de son entendement et de son action, le temps cesse d’altérer, de disperser le moi en figures morcelées pour en opérer la synthèse. De perte, il devient salut. Car durer, c’est changer, mais c’est aussi persister : le temps nous change et « nos années sont terre de mouvance », mais nous l’élaborons à notre tour.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Du temps, nous ne saurions nous détacher, mais il se détache de nous : l’avenir signifie le déjà révolu car, « dès qu’on use du temps, il se détruit », il fuit à mesure que nous le vivons. Nés avec d’infinis possibles, nous mourons à une vie unique, et, du naître au mourir, le temps tue l’homme, sa société, sa civilisation. Par lui, nous apparaissons dans...

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