
Vue des silos à grain partiellement détruits par la double explosion au port de Beyrouth, le 24 janvier 2023. Photo Mohamed Azakir/Reuters
Les autorités libanaises ont affirmé mardi, après examen, que le navire qui était arrivé la veille au port de Beyrouth contenait bien du sulfate d’ammonium, une matière pouvant être utilisée comme engrais, et non du nitrate d'ammonium, qui était à l'origine de la double explosion meurtrière du 4 août 2020. Mélangé à d'autres substances, le sulfate d'ammonium peut toutefois présenter un risque d'explosion, selon un expert. Suite à cet imbroglio, qui a provoqué la mobilisation des autorités, le directeur par intérim du port de Beyrouth Amine Karkar a été arrêté, a confirmé à L'Orient-Le Jour une source judiciaire.
Dans un communiqué publié dans l'après-midi, le ministère de l'Agriculture a affirmé que la cargaison, "arrivée au port de Beyrouth via la Turquie, appartient au propriétaire de la compagnie NR&S Trading Co., de la famille Rifaï" et que le produit transporté est "conforme à ce qui avait été précédemment déclaré, à savoir qu'il s'agit de sulfate d'ammonium et non de nitrate d'ammonium". Ces résultats se basent sur "l'analyse d'échantillons par le laboratoire de recherche agricole scientifique à Fanar, dans le Metn", ajoute le texte.
Le ministre sortant de l'Agriculture Abbas Hajj Hassan avait pourtant indiqué à notre publication quelques heures plus tôt, "avoir besoin d’environ 10 jours pour obtenir les résultats". Le ministère avait récupéré des échantillons pour "s'assurer qu’il n’y avait pas de trace de nitrate d’ammonium", avait expliqué M. Hassan.
L'arrivée de ce navire au Liban, qui avait été confirmée à L'Orient-Le Jour par le directeur du conseil d'administration du port Omar Itani, le ministre sortant Hajj Hassan, ainsi que par une source anonyme au sein du port de Beyrouth, avait mis les autorités en alerte, deux ans et demi après le drame du 4 Août, provoqué par la présence de centaines de tonnes de nitrate d'ammonium stockées sans mesures de sécurité dans le port depuis 2013.
"Après ce qui s'est passé en août 2020, nous n'avons pas voulu prendre de risques. Nous avons donc pris des échantillons de la cargaison du navire et avons refusé qu'il amarre dans le port plus longtemps", explique Omar Itani.
Arrestation du directeur du port
Par ailleurs une source judiciaire soulève l'irrégularité de l'accostage à Beyrouth de ce navire. Il y a trois jours, Ghassan Khoury, avocat général près de la Cour de cassation, avait donné l'ordre aux douanes d'interdire l'entrée de navire dans le port. Mais son directeur par intérim Amine Karkar a autorisé son entrée, selon cette source, probablement en accord avec le propriétaire du navire et l'agent maritime. Le juge Khoury avait exigé que les échantillons de la cargaison soient prélevés au large, mais sans que son ordre n'ait été respecté, ajoute-t-on de même source. Suite au refus de M. Karkar de se conformer aux ordres de la justice, il a été arrêté. Omar Itani sera aussi interrogé dans le cadre de cette affaire.
Selon la source au port de Beyrouth, le bateau est arrivé lundi au port de Beyrouth alors qu'il était censé se rendre à Saïda, et il est reparti le lendemain.
La source portuaire avait déjà identifié la provenance du navire comme étant Alexandrette (Iskenderun) en Turquie. Selon elle, le vaisseau aurait d'abord tenté d'amarrer dans le port de Saïda (Liban-Sud), sans succès. Le bâtiment a ensuite demandé à accoster dans le port de Beyrouth, ce que la direction du port a refusé, confirme cette source. Celle-ci explique que selon certaines informations, ce navire avait subi des avaries et avait besoin de maintenance pendant 10 jours, ce que les autorités portuaires ont refusé. La source souligne ensuite que le ministère de l’Agriculture a prélevé des échantillons pour s’assurer de la nature de la marchandise transportée. Le ministre sortant de l'Agriculture n'était "pas en mesure de confirmer" si le navire a bien quitté le port de Beyrouth.
Une matière peu inflammable
Selon Naji Kodeih, expert en chimie et toxicologie contacté par notre publication, le sulfate d’ammonium "est normalement utilisé comme engrais". "Cette matière est peu inflammable et n’est pas une substance explosive en soi", indique l’expert. Commentant le risque d'explosion que pourrait présenter le sulfate d'ammonium s'il est mélangé à d'autres matières, il explique que "toute matière mélangée à un oxydant provoque une réaction active, qu’il s’agisse de sulfate d’ammonium ou d’un autre composant".
En novembre 2013, le Liban avait autorisé l’amarrage du Rhosus, le navire qui transportait le nitrate d’ammonium en provenance de Géorgie à l'origine de la double explosion au port. Après avoir jugé que le Rhosus était défectueux, les autorités portuaires libanaises avaient saisi 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium qui ont été stockées sans les précautions d'usage dans le port pendant des années, avant qu'une partie de la cargaison n'explose en 2020, faisant plus de 220 morts et 7.000 blessés.
Cet article a été modifié à 12h20 pour corriger la phrase suivante : "une matière pouvant être utilisée comme engrais mais également comme explosif. La version corrigée est la suivante : "une matière pouvant être utilisée comme engrais. Cette matière, si elle est mélangée à d'autres substances, peut toutefois présenter un risque d'explosion".
Les autorités libanaises ont affirmé mardi, après examen, que le navire qui était arrivé la veille au port de Beyrouth contenait bien du sulfate d’ammonium, une matière pouvant être utilisée comme engrais, et non du nitrate d'ammonium, qui était à l'origine de la double explosion meurtrière du 4 août 2020. Mélangé à d'autres substances, le sulfate d'ammonium peut toutefois...
commentaires (24)
C’est du zèle mal placé! Arrêtez ceux qui ont permis au Rhosus d’amarrer dans le port de Beyrouth, on connait la suite…
CW
03 h 02, le 11 février 2023