
Une structure effondrée dans une rue de Tripoli, au Liban-Nord, le 6 février 2023. Photo fournie par notre correspondant Michel Hallak
Avant de se coucher, Dalia* regardait le documentaire "Le Hezbollah : l'enquête interdite" sur les activités illicites du Hezbollah, diffusé sur la chaîne française France 5. Au point d’en faire des cauchemars. Elle se réveille en sursaut et sent son immeuble faire des va-et-vient. Les lustres du salon se balancent. "J’ai cru que c’était un assassinat politique", raconte la trentenaire, dont l’immeuble est accolé à celui d’un politicien connu pour ses positions hostiles à la milice. Son époux, lui, a l’esprit ailleurs, et craint que leurs panneaux solaires, nouvellement installés, n’aient été touchés par la foudre. Il leur faudra quelques secondes pour réaliser qu'il s'agit en fait d'un tremblement de terre, dont l’épicentre se trouvait dans le Sud de l’Anatolie, et dont le bilan provisoire s'élève à 2.300 décès en Turquie et en Syrie.
L’espace de ces quelques (longues) secondes, beaucoup de Libanais n’ont pas réalisé que le pays a été touché par un séisme, et tous les scénarios leur sont passés par la tête. Une secousse qui a réveillé les vieux démons du pays mais aussi les croyances des uns et des autres.
Léa, qui réside à Achrafieh, a d'abord pensé à un cambriolage car elle a entendu le bruit de ses meubles qui se déplaçaient. "Mais c’était trop puissant et je ressentais des vibrations dans le sol…". Quelques secondes plus tard, les images de la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth refont surface. Elle est au même endroit, et fait le même trajet que le jour du drame. "J’essayais de me souvenir des endroits où j’avais décidé de me réfugier au cas où ça aurait lieu une nouvelle fois, mais je ne savais plus quoi faire. Je tremblais tellement", raconte-t-elle. Un cauchemar éveillé pour la jeune femme. "Cela paraît surréel. J’ai le sentiment que c’est une malédiction qui s’abat deux fois au même endroit".
Revivre le 4 août
En l’espace de trente secondes, Jad revit, aussi, le 4 août. Ce jeune homme, qui vivait à Beyrouth lors de la double-explosion, était toujours éveillé à l’aube lundi lorsqu’il a vu la lumière de l’ampoule vaciller. "J’ai pensé tout d’abord que c’était à cause de la tempête”. Mais son armoire commence à valser. “Tout de suite j’ai revécu la double-explosion…C’était tellement similaire", raconte le vingtenaire, qui vit dorénavant dans la Békaa. Jad est pris de peur. "Je ne savais pas ce qui allait se passer… Ça a duré plus d’une minute." Jad reste chez lui, ne sort pas, puis se dit que ça doit être un tremblement de terre, et commence à envoyer des messages à ses proches pour s’assurer qu’ils sont tous sains et saufs.
Quelques minutes avant le séisme, les chiens de Khaled, qui vit à Bar Elias, près de la frontière syrienne, se mettent à aboyer. "C’est la première fois en douze ans que leur réaction était aussi virulente", explique-t-il. Puis vient la secousse. "Je me suis dit qu'il s'agissait de bombardements". Avec la pluie et le vent, la ferraille se met à faire des sons "similaires à des coups de feu", et il ne comprend pas ce qui se passe. L’idée que cela soit un tremblement de terre ne lui traverse pas tout de suite l’esprit. "Nous en avions déjà vécu, mais jamais de cette ampleur", avance-t-il. “Je ne comprenais plus rien, car à un moment donné je me suis dit que ce n’était pas le bruit d’une guerre…”.
Rana est paralysée par la peur. Pendant quelques secondes, le “traumatisme” de la guerre de l’été 2006 est remonté à la surface. Sa première pensée : Israël bombarde le Liban. “Les murs tremblaient de la même façon… J’ai perdu tous mes moyens”, raconte celle qui vit dans la banlieue-Sud de Beyrouth. Très vite, elle s’éloigne de toutes les vitres. Sa sœur tente de trouver des informations sur Twitter. “C’est là qu’on a vu qu'il s'agissait d'un tremblement de terre.
Hussein, qui vit aussi dans la banlieue-sud de Beyrouth, entend les gens hurler “Allah w akbar” alors que le sol tremble. “J’ai cru que c’était le retour du Mahdi”, lance le jeune homme de 22 ans. “J'ai pensé qu'on allait tous mourir.” Quelques secondes plus tard, Hussein accourt vers sa mère, qui est prise de panique, et se demande si ce ne serait pas un bombardement israélien. Lorsqu’ils réalisent que c’est un tremblement de terre, ils retrouvent leur calme.
Une tempête fait rage. Le sol se met à trembler. Les murs, à frissonner. Le lit à se secouer. Les assiettes à voler dans la cuisine. Myriam, une trentenaire qui réside à Minié, est arrachée à son sommeil par le tremblement de terre. “J’étais tétanisée…”, raconte-t-elle. Ses deux filles âgées de huit et cinq ans fondent en larmes et hurlent de panique. “Elles pensaient que c’était la fin du monde”. Elle réunit toute sa famille dans une pièce loin des vitres. Et se met à prier. Depuis sa fenêtre, elle voit ses voisins sortir du bâtiment. Quelques secondes plus tard, elle comprend qu'ils viennent de vivre un tremblement de terre. “Ça nous rassure, mais on a toujours peur.”
Avant de se coucher, Dalia* regardait le documentaire "Le Hezbollah : l'enquête interdite" sur les activités illicites du Hezbollah, diffusé sur la chaîne française France 5. Au point d’en faire des cauchemars. Elle se réveille en sursaut et sent son immeuble faire des va-et-vient. Les lustres du salon se balancent. "J’ai cru que c’était un assassinat politique", raconte la...
commentaires (5)
Excellent travail Lyana
Fady Noun
14 h 02, le 07 février 2023