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Moyen-Orient - Témoignages

En Turquie, les tremblements de terre sèment « un chaos total »

Dans la nuit de dimanche à lundi, un séisme de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter a frappé la Turquie ainsi que la Syrie voisine, avec des secousses enregistrées jusqu’au Groenland, selon l’institut géologique danois. En fin d’après-midi, 2 300 décès étaient recensés dans les deux pays, dont 1 498 en Turquie, ainsi que plus de 7 600 blessés, selon les autorités d’Ankara.

En Turquie, les tremblements de terre sèment « un chaos total »

Des sauveteurs cherchent des survivants dans les décombres de bâtiments effondrés à Adana après le tremblement de terre de magnitude 7,8 qui a frappé le sud-est de la Turquie. Can Erok/AFP

C’est enfermé dans sa voiture avec sa femme et ses deux enfants que Bassam* tente de raconter la nuit qu’ils viennent de passer. Cette famille syrienne installée à Gaziantep (sud de la Turquie) depuis quelques années a vécu le siège d’Alep et les bombardements du régime et de son allié russe, jusqu’à l’évacuation de la ville en 2016. L’un de leurs nouveau-nés, des jumeaux, avait notamment péri lors de l’effondrement de leur immeuble en Syrie. « Ce qui s’est passé cette nuit est pire que tous les bombardements d’Assad qu’on a vécus depuis le début de la guerre, raconte Bassam. Ça n’arrêtait pas de secouer, j’ai pensé à mes enfants, à la guerre en Syrie, à ma ville Alep, c’était un cauchemar. En tant que Syriens, nous souffrons constamment, tout le temps, partout. »

Séisme turc le plus dévastateur depuis 1999

Dans la nuit de dimanche à lundi, un séisme de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter a frappé la Turquie ainsi que la Syrie voisine, avec des secousses enregistrées jusqu’au Groenland, selon l’institut géologique danois. À l’heure actuelle, 2 300 décès ont été recensés dans les deux pays, dont 1 498 en Turquie, ainsi que plus de 7 600 blessés, selon les autorités turques. Le bilan est susceptible d’évoluer en fonction des opérations de sauvetage, notamment à Adana, Gaziantep, Sanliurfa et Diyarbakir pour la Turquie, où au moins dix provinces ont été touchées, avec plus de 2 800 immeubles effondrés.


L’épicentre de ce tremblement de terre se trouvait dans le district de Pazarcik, dans la province de Kahramanmaraş, au sud-est du pays, à travers lequel plus de cinquante répliques ont été ressenties. Selon l’Institut sismologique américain USGS, le tremblement de terre est survenu en pleine nuit, à 4h17 (heure locale), à une profondeur d’environ 17,9 kilomètres. Située sur une faille sismique des plus actives au monde, la Turquie n’avait pas connu un séisme aussi dévastateur depuis le 17 août 1999, lors duquel 17 000 personnes avaient péri, dont un millier à Istanbul. Un seconde secousse de magnitude 7,5 sur l’échelle de Richter a été ressentie à 13h24 (heure locale). L’épicentre se trouvait cette fois plus au nord, près de la ville d’Ekinözü, toujours dans la province de Kahramanmaraş.


C’est dans cette région que vit Osman Afşin, 32 ans. Lui et sa famille sont désormais en sécurité. « J’ai aidé quelqu’un qui demandait de l’aide et contacté les autorités pour qu’elles se rendent sur les lieux. Sa famille était piégée sous les décombres », raconte ce père de deux enfants. « Nous vivons un grand désastre », ressasse-t-il, toujours choqué par les deux catastrophes successives d’une intensité quasi similaire.

« Les missiles d’Assad »

Originaire de la province d’Idleb (Nord-Ouest syrien), sévèrement touchée par le tremblement de terre, Nabel, habitant Kayseri (Cappadoce), est toujours sous le choc. « Les missiles de Bachar el-Assad qui tombaient paraissent normaux par rapport à ce qu’on a vécu aujourd’hui », confie-t-il, comme un écho aux propos de Bassam. Depuis la révolution syrienne de 2011 et sa répression sanglante par le régime Assad, le sud de la Turquie accueille des millions de réfugiés venus du pays voisin. Lorsque le tremblement de terre a frappé, Nabel, qui était éveillé, s’est rué à l’extérieur de sa résidence « sous le froid et la neige », comme de nombreux habitants du sud-est de la Turquie qui sont sortis de chez eux en panique, se retrouvant en pyjama dans des températures glaciales.

À cause des intempéries qui affectent la région ces derniers jours, les opérations de sauvetage sont compliquées, paralysant notamment les principaux aéroports autour de Diyarbakir et Malatya à cause de la neige. Par crainte de répliques probables, le gouverneur de la province de Gaziantep a appelé les habitants à se rassembler dehors malgré la météo, tandis que le chef du Diyanet, l’organisme public turc chargé d’encadrer le culte, a appelé les Turcs dans le besoin à trouver refuge dans les mosquées. Des hôpitaux publics se sont écroulés à Iskenderun et Adiyaman, près de Gaziantep. Une partie de la citadelle byzantine de la ville, érigée au VIe siècle, s’est effondrée. Depuis le milieu de la nuit, les messages d’internautes turcs partageant l’identité et la localisation des personnes piégées sous les décombres inondent Twitter, malgré les problèmes de réseau et d’internet. « Je viens de rappeler ma mère pour avoir des nouvelles : elle ne peut toujours pas joindre directement sa famille à Hatay et Antakya, les téléphones ne fonctionnent pas là-bas », lâche lapidairement Sezgin, qui vit à Ankara où un faible ressenti des secousses a été enregistré.

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L’agence gouvernementale de gestion des catastrophes (AFAD) lance notamment des appels sur le réseau social afin d’inciter la population touchée à installer son application pour faciliter les recherches de victimes. Dans de nombreuses parties du pays, les habitants se sont mobilisés pour aider les secours à déblayer les débris. Des messages envoyés à la population par les autorités turques incitent les personnes qui le peuvent à donner leur sang, les appelant à laisser les routes dégagées pour les secours vers les zones affectées. Lorsque Bassam et sa femme se sont empressés de sortir en courant de leur appartement, cette dernière est tombée sur son genou. En arrivant à l’hôpital « bondé », le couple a constaté la forte affluence de victimes du tremblement de terre. Depuis, il n’ose plus retourner dans un espace clos, préférant attendre à l’extérieur malgré la pluie qui tombe toujours. « Ma femme a très peur de revenir dans le hall de notre appartement », partage Bassam.

A Diyarbakir, le 6 février 2023, un homme regarde un immeuble lourdement endommagé par le puissant séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie voisine. ILYAS AKENGIN / AFP

Appel à l’aide internationale

Ces dernières heures, plusieurs initiatives ont rapidement vu le jour grâce à un élan de solidarité. Des cartes mises à jour recensent par exemple les endroits où les habitants des zones sismiques peuvent trouver refuge. « C’est le chaos total, expédie Murad Akincilar, directeur de projet à l’Institut d’études politiques de la ville de Diyarbakir, sévèrement touchée par les secousses. Nous essayons de loger les gens au plus vite avant le coucher du soleil. » « Toutes nos équipes sont en alerte. Nous avons émis une alarme de niveau 4. C’est un appel y compris à l’aide internationale », a de son côté indiqué le ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu sur la chaîne Haberturk. Et celle-ci s’organise : l’Azerbaïdjan, pays allié d’Ankara, a rapidement annoncé l’envoi immédiat de 370 secouristes, selon l’agence officielle turque Anadolu, de même que l’Inde et la Grèce, pourtant en froid avec Ankara. Les États-Unis, la France, l’Italie, l’Ukraine et Israël se sont aussi dits prêts à envoyer de l’aide. « À la suite du tremblement de terre survenu ce matin en Turquie, nous avons activé le mécanisme de protection civile de l’UE. Le Centre de coordination des réactions d’urgence de l’UE coordonne le déploiement d’équipes de secours européennes », a tweeté lundi le commissaire européen à la Gestion des crises Janez Lenarcic. Vladimir Poutine a également exprimé ses condoléances à Ankara et sa tristesse à Damas, assurant qu’il était prêt à apporter son aide.

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Par précaution, la distribution de gaz vers les régions affectées a été suspendu, alors que des gazoducs ont été touchés. Le Kurdistan irakien a de son côté annoncé par mesure de sécurité l’arrêt temporaire de ses exportations pétrolières passant par son voisin turc, représentant environ 450 000 barils par jour.

*Le prénom a été modifié.

C’est enfermé dans sa voiture avec sa femme et ses deux enfants que Bassam* tente de raconter la nuit qu’ils viennent de passer. Cette famille syrienne installée à Gaziantep (sud de la Turquie) depuis quelques années a vécu le siège d’Alep et les bombardements du régime et de son allié russe, jusqu’à l’évacuation de la ville en 2016. L’un de leurs nouveau-nés, des jumeaux,...
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