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Société - Mobilisation

Les familles des victimes du 4 août mettent les parlementaires devant le fait accompli

Une pétition circule désormais sur un engagement des députés à donner la priorité à la reprise et la protection de l’enquête, arrêtée depuis plus d’un an déjà.

Les familles des victimes du 4 août mettent les parlementaires devant le fait accompli

William Noun donnant des déclarations aux médias hier. Photo Mohammad Yassine

Ils étaient une centaine à répondre hier à l’appel des familles des victimes du 4 août à manifester devant le Parlement, en marge de la séance de l’élection présidentielle. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour parler, mais pour observer, lance William Noun, qui a perdu son frère sapeur-pompier, Joe, dans l’explosion du 4 août 2020, et qui est devenu l’une des figures de proue du mouvement. Nous sommes là pour déterminer quels députés soutiennent notre cause. » Depuis plus d’un an, l’enquête sur la double explosion est bloquée en raison d’ingérences politiques.

« Entraver l’enquête est aussi un crime », « La classe politique criminelle bloque la justice », lit-on sur les pancartes brandies par les manifestants avec les photos de Nabih Berry, président du Parlement, et des députés Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil du mouvement Amal. Ces deux derniers sont poursuivis dans le cadre de l’enquête du port pour négligence.

Message de la mobilisation : la poursuite de l’enquête par le juge Tarek Bitar, chargé de l’investigation, une justice indépendante, et la signature d’une pétition des familles des victimes par les députés qui soutiennent la cause du 4 août. « Il est demandé aujourd’hui au Parlement d’amender de toute urgence l’article qui permet d’utiliser à outrance le droit à la défense en vue de stopper l’enquête et autorise le criminel à lancer des procédures et des recours à tout-va. Il faut que la justice se libère du joug politique afin de pouvoir demander des comptes à ceux qui commettent des crimes contre le peuple libanais. Le Parlement devrait également voter au plus vite la loi sur l’indépendance de la justice », est-il écrit dans la pétition. « Nous demandons aux députés qui auront décidé d’être avec nous de signer un engagement à donner la priorité à l’enquête sur le 4 août et à l’amendement ou le vote de toute loi qui garantirait la poursuite de cette enquête. De notre côté, nous publierons les noms de tous les députés qui auront pris cet engagement », poursuit le document.

Portrait

William Noun, le (vrai) résistant...

À la suite de la séance parlementaire, les députés étaient censés rejoindre le sit-in des familles des victimes. « Tous les parlementaires qui soutiennent notre cause doivent nous confirmer qu’à partir de maintenant, ils vont faire tout ce qu’ils peuvent pour que nos revendications soient entendues. Bien sûr, nous ne parlons pas des députés qui bloquent la cause ou de ceux qui couvrent des personnes comme Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter », explique Tracy Naggear, mère d’Alexandra, l’une des plus jeunes victimes du 4 août 2020.

Les manifestants tenaient des portraits des victimes de la double explosion mais aussi de l’intellectuel Lokman Slim, opposant notoire au Hezbollah assassiné le 4 février 2021 au Liban-Sud. « L’enquête sur les explosions au port est complètement bloquée depuis un an, déplore Monika Borgman, l’épouse de Lokman Slim. Celle sur l’assassinat de Lokman est en cours, mais jusqu’à présent aucun assassin n’a été identifié. » « Si on ne peut pas trouver la justice au Liban, il faut la chercher ailleurs », plaide-t-elle. Saluant le sit-in des proches des victimes du 4 août 2020, Mme Borgman a insisté sur la nécessité de « se mobiliser », estimant toutefois que « cela n’est pas la seule solution ». Il faut « détruire le cercle de la culture de l’impunité », lance-t-elle encore.

« Vous êtes avec nous ou avec les criminels », lit-on sur une pancarte lors de la manifestation d’hier. Photo Mohammad Yassine

En deux étapes

L’action des familles des victimes était prévue en deux étapes : d’abord, les députés de l’opposition devaient inviter d’autres parlementaires à se joindre au sit-in après la séance et ensuite ceux-ci devaient signer la pétition citée ci-dessus. Mais alors que certains députés de l’opposition ont bien rejoint les familles, les députés Najate Saliba et Melhem Khalaf ont décidé de rester dans l’hémicycle pour faire pression pour l’élection d’un président au plus vite. Une décision que certains manifestants ont critiquée, ne comprenant pas le timing choisi.

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« Le plan a été à moitié réalisé. Une déclaration a bien été lue au Parlement et l’appel aux députés de se joindre aux familles des victimes a bien été lancé », explique Paul Naggear. Le chef du parti Kataëb Samy Gemayel, entre autres, a proposé de voter une déclaration de soutien aux familles des victimes de l’explosion et pour l’indépendance de la justice. La signature du document, quant à elle, sera finalisée dans les prochains jours par les parlementaires. « Les députés de la contestation vont communiquer aux autres la feuille afin qu’un maximum de députés la signent », ajoute Paul Naggear.

La foule de proches de victimes et de députés hier, devant le Parlement. Photo Mohammad Yassine

Le sit-in d’hier a été organisé suite à la convocation lundi de 13 des proches des victimes, pour vandalisme lors d’une manifestation houleuse, devant le Palais de justice de Beyrouth, le 10 décembre dernier. Toutes les personnes convoquées ont été libérées sous caution d’élection de domicile à l’issue des interrogatoires. William Noun, qui en faisait partie, avait été arrêté de vendredi à samedi par la Sécurité de l’État après des propos tenus lors d’une émission télévisée. « La détention de proches de victimes la semaine dernière a servi notre cause », estime Rita Hitti, qui a perdu plusieurs membres de sa famille, des pompiers, dans l’explosion du 4 août 2020. « Ces détentions ont agi comme une piqûre de rappel pour les Libanais », ajoute-t-elle.

Des portraits de victimes effacés à Beyrouth

Des portraits de certaines victimes de la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth ont été effacés hier soir, dans le centre-ville de la capitale, rapporte notre photographe João Sousa. Une partie de ces portraits, exécutés par l’artiste Brady the Black dans la foulée du drame, avait déjà été retirée il y a plusieurs mois.

Des ouvriers présents sur place ont confié à notre photographe qu’ils ont été chargés par les propriétaires du terrain, sur lequel ont été accrochées ces affiches, d’effacer à l’aide de canons à eau les portraits en question. Ils affirment que ces portraits sont accrochés sur une propriété privée où des travaux doivent être entrepris bientôt.

Ils étaient une centaine à répondre hier à l’appel des familles des victimes du 4 août à manifester devant le Parlement, en marge de la séance de l’élection présidentielle. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour parler, mais pour observer, lance William Noun, qui a perdu son frère sapeur-pompier, Joe, dans l’explosion du 4 août 2020, et qui est devenu l’une des...

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Il faut que les recours abusifs soient sévèrement sanctionnés, non par une simple amende de quelques centaines de milliers de L.L., mais par une exclusion, temporaire ou définitive du barreau de l'avocat coupable.

Yves Prevost

07 h 31, le 20 janvier 2023

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Commentaires (1)

  • Il faut que les recours abusifs soient sévèrement sanctionnés, non par une simple amende de quelques centaines de milliers de L.L., mais par une exclusion, temporaire ou définitive du barreau de l'avocat coupable.

    Yves Prevost

    07 h 31, le 20 janvier 2023

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