C’est un rituel !

C’est un rituel, à chaque Noël, il y a ces mots qui me reviennent, qui atterrissent en même temps que les vols de toutes les compagnies aériennes qui ramènent les expats à Beyrouth.

C’est un rituel, comme ce passage inévitable au Duty Free pour récupérer des cartouches de cigarettes et discuter à 3h du matin avec un vendeur qui va te souhaiter la bienvenue au bled et te rappeler que, malgré toute la misère, nous serons toujours le peuple le plus accueillant au monde.

C’est un rituel, comme le petit déjeuner du lendemain de ton atterrissage, 10 galettes pour 3 personnes parce qu’« au cas où » t’as envie d’une jebneh, d’un quart de lahm baajin et d’un demi de zaatar.

C’est un rituel, comme le sapin de « mum » orné de boules qu’elle a collectionnées pendant des années, qui racontent des histoires, qui ont été transportées de ville en ville, de maison en maison et qui restent là, scintillantes, comme ses yeux quand elle nous voit franchir la porte de la maison.

C’est un rituel, comme cette immense crèche qui dépasse le tapis du salon, qui nous transporte dans la ville de Bethléem, pour revivre la naissance du petit Jésus avec tous les personnages de l’histoire, les 3 Mages, les troupeaux, l’ange et l’étoile… le tout couronné par cette farine de neige pour rendre ce spectacle magique.

C’est un rituel, comme le pyjama vert et les chaussons rouges à côté de ton lit, pour dormir bien au chaud dans ta chambre d’enfant.

C’est un rituel, comme les boîtes de Côte d’or dans cette bonbonnière en cristal, comme les nappes rouges et dorées qui sortent exclusivement au mois de décembre, comme les bougies, les Pères Noël, les guirlandes et cette décoration qui transforme la maison.

C’est un rituel, comme le dîner avec les cousins, qui viennent de tous les coins du monde, qui ne t’ont pas vu depuis le dernier Noël et qui sont là pour réveiller tes souvenirs d’enfance.

C’est un rituel, comme toutes les soirées que tu te bookes et over-bookes, tu squeezes les drinks et les dîners en sillonnant Beyrouth, de Monnot à Badaro, de Mar Mikhaël à Gemmayzé pour ne rien rater. Et tu te fais arrêter 10 fois en marchant « Yiiiii hiiii ente hon ? Let’s catch up pleaseeee. »

C’est un rituel, comme les marchés de Noël, les chorales, les spectacles pour les enfants, les sons des cloches et les autoroutes bouchées à n’importe quelle heure.

C’est un rituel, comme la fameuse photo de famille autour du sapin, celle qu’on met 20 minutes à prendre parce qu’il faut bien rassembler tout le monde, ramener les enfants pris par leurs cadeaux, convaincre le beau-frère de lâcher son verre de vin, sortir la maman de la cuisine… Et la liste est longue.

C’est un rituel, comme ton passage inévitable à l’ABC pour acheter des cadeaux de dernière minute, et te jurer que tu ne le feras plus jamais l’année prochaine, mais tu le feras encore et encore, c’est un rituel.

C’est un rituel, comme ces déjeuners à 15 pour débattre de politique, de crise économique, de catastrophe écologique, le tout en mangeant du hommos, du taboulé, et en rigolant de notre sort, parce qu’on va toujours aimer la vie, plus que tout.

C’est un rituel, ces mots qui me reviennent, dès que j’atterris dans la capitale de la résistance, quand je revis le quotidien avec la chaleur de cette maison, les épaules de pap, les câlins de mam et les étoiles dans leurs yeux.

C’est un rituel qui me réveille, qui réveille l’âme de mon Beyrouth, et c’est le plus beau des rituels.

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