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Politique - Gouvernement

Le CPL parvient à torpiller, in extremis, la réunion du Conseil des ministres

Neuf des membres du cabinet proches du parti orange ont annoncé collectivement hier qu’ils boycotteront la séance, ce qui provoquerait un défaut de quorum.

Le CPL parvient à torpiller, in extremis, la réunion du Conseil des ministres

Le Premier ministre s’adressant aux médias lors de l’ouverture du Salon du livre arabe de Beyrouth, samedi. Photo Dalati et Nohra

C’est une véritable guerre de tranchées qu’a déclenchée l’annonce faite vendredi dernier par le Premier ministre sortant Nagib Mikati de la tenue, aujourd’hui à onze heures, d’un Conseil des ministres. Considérée comme une provocation adressée au Courant patriotique libre qui voit d’un très mauvais œil ce qu’il considère être une usurpation des prérogatives du chef de l’État que le Parlement peine à ce jour à élire, la décision prise par M. Mikati de réunir l’exécutif a été contrée en dernière minute par le camp aouniste qui a réussi à convaincre 9 des 24 ministres, soit le tiers plus un, de boycotter la séance, provoquant ainsi un défaut de quorum.

Alors que M. Mikati avait justifié la tenue de la réunion d’un gouvernement démissionnaire par la nécessité d’assurer a minima la continuité des services publics, notamment le secteur de la santé, dont le versement de 35 millions de dollars sur trois mois afin de couvrir l’achat de médicaments pour les malades du cancer, le camp du CPL l’accuse de prendre pour prétexte cette question qui, d’après lui, traîne depuis plus de trois mois et n’est pas plus justifiée aujourd’hui qu’elle ne l’était hier pour réunir le gouvernement alors qu’il est censé expédier les affaires courantes.

Ce bras de fer renouvelé autour des prérogatives respectives s’est concrétisé hier par un échange de communiqués au vitriol entre le Sérail et le camp aouniste.

Commentant la convocation du cabinet sortant, l’ancien président Michel Aoun a estimé hier qu’il s’agit d’une « tentative d’accaparer le pouvoir et d’imposer sa volonté aux Libanais contrairement à ce que dicte la Constitution ». « Répondre aux besoins hospitaliers, sociaux et autres (...) ne justifie pas cette décision qui met le pays dans une situation inédite et qui aura des répercussions sur la stabilité politique », a-t-il tonné. Il a enfin appelé le cabinet à « prendre une position unifiée pour ne pas enfreindre la Constitution qui précise clairement le rôle d’un gouvernement sortant ».

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Par ces propos, Michel Aoun espérait ainsi rappeler à l’ordre ceux parmi les ministres comptés dans son camp, notamment celui des Affaires sociales, Hector Hajjar, qui était supposé faire acte de présence, bravant ainsi les directives données par son camp politique, mais aussi le ministre de l’Industrie, Georges Bouchikian, ministre Tachnag qui se prévaut d’une certaine indépendance, et qui devait être lui aussi présent.

« Hector Hajjar est le seul ministre dont la relation avec M. Mikati dépasse les alignements politiques et qui place les dossiers sociaux en tête de ses priorités », devait déclarer hier soir à L’OLJ le ministre de l’Agriculture, Abbas Hajj Hassan, qui se disait quasi certain de la participation de M. Hajjar.

Neuf réfractaires

Vendredi, le Courant patriotique libre avait indirectement envoyé un ultimatum aux ministres proches de sa formation afin qu’ils s’abstiennent de participer. Le Premier ministre sortant « émet des décrets anticonstitutionnels et prend des décisions illégales au nom de compétences qu’il ne possède pas », a accusé le CPL qui doutait encore vendredi soir du degré de loyauté que lui vouaient encore ces ministres. « Nous ne savons plus exactement qui est encore proche de nous et qui ne l’est plus », avait commenté pour L’Orient-Le Jour une source proche du parti orange. Une incertitude devenue d’autant plus inquiétante pour le CPL que les deux ministres Hezbollah n’étaient vraisemblablement pas prêts à se solidariser avec lui. Selon des informations proches du parti chiite, les ministres du Hezb comptaient assister à une partie de la réunion, pour avaliser le dossier le plus urgent relatif au secteur de la santé, avant de se retirer. C’est ce qui a probablement poussé le CPL à renforcer la pression sur d’autres ministres pour les dissuader de participer.

Au final, neuf des ministres sortants comptés dans le camp aouniste ou proches se sont ligués pour mettre enfin au clair leur position en annonçant qu’ils boycotteront la réunion. Ils s’agit de Abdallah Bou Habib, Henri Khoury, Maurice Slim, Amine Salam, Hector Hajjar, Walid Fayad, Walid Nassar, Georges Bouchikian et Issam Charafeddine (proche de Talal Arslane). « Il a été convenu par le Premier ministre et le gouvernement qu’aucune session ne serait tenue à moins que deux nécessités ne s’imposent, la première étant une urgence (...) et la seconde une approbation de tous les membres du gouvernement », ont indiqué les neuf ministres dans un communiqué conjoint. « Nous ne pouvons pas considérer la vacance présidentielle accompagnée d’une vacance gouvernementale comme une affaire normale dans le pays (...) », ont ajouté les ministres, soulignant qu’ils « refusent de s’associer à une violation de la Constitution. »

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De facto, cette déclaration collective torpille le quorum nécessaire pour la tenue d’un Conseil des ministres, à savoir 16 ministres. Le camp aouniste venait ainsi de marquer un but contre Nagib Mikati. À moins bien entendu que certains parmi les ministres frondeurs ne changent d’avis en dernière minute. En cas de défaut de quorum, le Premier ministre ne peut donc plus tenir qu’une simple réunion informelle avec quelques ministres sans qu’ils ne puissent toutefois avaliser quelque décision que ce soit. « La séance se tiendra avec les personnes présentes », avait déclaré vendredi Nagib Mikati à L’OLJ.

Hier en soirée, Farès Gemayel, conseiller de M. Mikati à la communication, a indiqué aux médias que la réunion se tiendra coûte que coûte. « Que chacun assume ses responsabilités » a-t-il ajouté.

Réduction de l’ordre du jour

Le niet des ministres aounistes a été formulé en dépit de la mesure symbolique prise entre-temps par Nagib Mikati, qui a décidé au cours du week-end de réduire l’ordre du jour à 25 points au lieu des 65 initialement prévus, histoire de donner l’impression d’un Conseil des ministres qui n’examinerait que des dossiers non cruciaux, pour ne pas empiéter sur les prérogatives du président de la République.

Nagib Mikati s’est également prononcé samedi, lors d’un discours à l’ouverture du Salon du livre arabe de Beyrouth, en faveur de l’élection d’un nouveau président de la République dans « les plus brefs délais », pour contrer les accusations de vouloir concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. « La position (des aounistes) n’est aucunement contre la personne de Nagib Mikati. Elle est destinée à exprimer notre refus d’un ordre du jour aussi fourni », indique une source proche de Michel Aoun.

Une ambiguïté volontaire

D’autres voix chrétiennes ont exprimé, de manière plus pondérée toutefois, un certain mécontentement, non pas tant pour abonder dans le sens du camp aouniste que pour exprimer une position de principe. C’est notamment le cas de la position – mitigée – affichée par le chef de l’Église maronite Béchara Raï dans son homélie du dimanche. Appelant pour la énième fois à « accélérer » l’élection présidentielle, le prélat a demandé à Nagib Mikati de « rectifier le tir alors qu’il s’apprête à réunir le gouvernement lundi ». Une manière nuancée de dire que sans être complètement opposé à la tenue d’un Conseil des ministres minimaliste, Bkerké reste tout de même en faveur de l’élection prioritaire d’un nouveau président.

Le CPL a aussitôt tenté d’instrumentaliser la position de Bkerké à son avantage, des membres de cette formation affirmant que Mgr Raï est opposé à la tenue d’un Conseil des ministres. Le bureau de presse du Premier ministre a toutefois démenti « les informations véhiculées par les médias proches du CPL et faisant état d’un appel téléphonique qui aurait eu lieu entre le patriarche maronite à la suite de la messe dominicale ». M. Mikati « avait appelé le patriarche hier (samedi), pour se concerter avec lui et lui expliquer les circonstances qui ont exigé la convocation du Conseil des ministres », a ajouté le bureau de presse.

C’est une véritable guerre de tranchées qu’a déclenchée l’annonce faite vendredi dernier par le Premier ministre sortant Nagib Mikati de la tenue, aujourd’hui à onze heures, d’un Conseil des ministres. Considérée comme une provocation adressée au Courant patriotique libre qui voit d’un très mauvais œil ce qu’il considère être une usurpation des prérogatives du chef de...

commentaires (17)

Boycotter l'Etat ne fait pas parti du cahier de charge des représentants et des dirigeants de ce pauvre peuple meurtri. Selon la Constitution un gouvernement démissionnaire doit expédier les affaires et non pas les retenir au frigo. Expédiez mesdames zé messieurs, expédier.

Céleste

13 h 43, le 06 décembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Boycotter l'Etat ne fait pas parti du cahier de charge des représentants et des dirigeants de ce pauvre peuple meurtri. Selon la Constitution un gouvernement démissionnaire doit expédier les affaires et non pas les retenir au frigo. Expédiez mesdames zé messieurs, expédier.

    Céleste

    13 h 43, le 06 décembre 2022

  • ... qui aura des répercussions sur la stabilité politique...LoL c'est vrai que nous sommes dans une situation politiquement très stable, mais aussi et surtout économiquement et socialement. Surtout ne changez rien, continuez à bloquer les institutions???

    N.A.

    13 h 19, le 05 décembre 2022

  • Les champions des Ma Khalouna sont toujours là pour achever le pays avec leurs deals avec les vendus pourris et se montrent très puissants lorsqu’il s’agit de leur venir en aide pour saboter la démocratie. Ces frondeurs, qui le sont au gré du vent, s’ils étaient vraiment soucieux de la démocratie de leur pays auraient voté depuis longtemps pour le président patriote au lieu de se montrer lâches et soumis à leur parti qui a fait ses preuves en matières de corruption et d’anti patriotisme. C’est comme cela qu’on défend la fonction suprême et non en s’abstenant pour cause de lâcheté et soumission.

    Sissi zayyat

    12 h 38, le 05 décembre 2022

  • Alors mon commentaire est passé à la trappe?

    Sissi zayyat

    12 h 26, le 05 décembre 2022

  • Pauvres primates à l'ego obèse et stupide.

    Christine KHALIL

    12 h 07, le 05 décembre 2022

  • on s'inquiete des avis d'une bande de bras cassés qui nous on conduit enm enfer ? j'espere qu'on ne reverra pas leurs bobines de si tot

    Lebinlon

    10 h 56, le 05 décembre 2022

  • Terrible erreur du CPL qui a joué trop souvent la carte du blocage. Les institutions ont besoin de fonctionner. 4 libanais sur 5 ont basculé dans la pauvreté et ne savent pas ce qu'ils vont manger demain. Le CPL n'a aucune pitié. Il se place une fois de p'us du mauvais côté de l'histoire.

    K1000

    09 h 48, le 05 décembre 2022

  • Au liban, ca paraît usuel… cependant, les débats et les sujets de « disputes » ont atteint un tel bas niveau… que même le ridicule ne tue plus comme dit l’adage. Des conflits stupides… mais si stupides… franchement… personne ne réalise la débilité de ces sujets de discorde??? Une cours maternelle et des enfants de bas âge auraient des sujets de disputes plus intelligents que ceux des politiciens libanais !!!!!!

    LE FRANCOPHONE

    09 h 21, le 05 décembre 2022

  • Un panier de crabes venimeux et toxiques que sont ceux qui gouvernent ce pays ...

    Zeidan

    08 h 55, le 05 décembre 2022

  • Les Corrompus Permanents Loufoques, les très âgés et les plus jeunes, comme d'habitude, mènent leur jeu très patriote et efficace pour le Liban, et nous font nager dans le bonheur quotidien.... - Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 34, le 05 décembre 2022

  • Spectacle desolant de la canaille mafieuse qui se tire entre les pattes. Pauvre Liban.

    Michel Trad

    08 h 32, le 05 décembre 2022

  • Et le parlement, ne peut-t-il pas débloquer ce budget pour les hôpitaux et autres services vitaux?

    PPZZ58

    08 h 09, le 05 décembre 2022

  • Le Liban c’est le délire

    Emmanuel Durand

    06 h 53, le 05 décembre 2022

  • Il serait intéressant de savoir, par le biais d'un sondage, si les Libanais seraient prêts à voter pour ces mêmes élus .... Et aussi inconstitutionnel que cela pourrait être, on n'est plus malheureusement à une contorsion ou violation de nos institutions, l'on devrait trouver un juge qui bloquerait les émoluments de ces élus payés à ne rien faire... jusqu'au déblocage de cette situation pour le moins ubuesque. A ce stade, il semble bien que n'importe quel individu pourrait mieux gérer la chose publique en lieu et place de ces messieurs dotés d'un QI de mollusque lobotomisé, le niveau requis est bac -6..

    C…

    06 h 42, le 05 décembre 2022

  • Il faut absolument que le conseil puisse avoir lieu afin de signifier au camp aouniste qu’il ne représente plus rien et que l’heure des comptes a sonné. Comme toujours quand il est menacé, le gendre fait jouer la fibre communautaire, procédé méprisable qui correspond bien au personnage. Ne soyons pas dupes et envoyons l’ex président cacochyme et le gnome aux poubelles de l’Histoire.

    Prinzatour

    06 h 36, le 05 décembre 2022

  • "… Le CPL parvient à torpiller, in extremis, la réunion du Conseil des ministres …" - Quelle peste que ce parti du blocage! C’est tout ce qu’ils ont jamais su faire: bloquer bloquer bloquer. Depuis 2005. Bloquer, ou gaspiller, pour rester poli…

    Gros Gnon

    05 h 44, le 05 décembre 2022

  • 9 sur 20? Le CPL avait donc près de la moitié des ministres du Cabinet Mikati dans sa poche? Alors que nul n’était censé avoir le tiers de blocage à ma connaissance. Comment sonne pour vous maintenant le “ma khallouna” du CPL?

    Akote De Laplak

    00 h 31, le 05 décembre 2022

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