
Le patriarche maronite Béchara Raï. Photo ANI
Le patriarche maronite Béchara Raï a de nouveau critiqué, dimanche depuis Rome, le blocage de la présidentielle, estimant que le Parlement "ne peut pas continuer à retarder délibérément et à manipuler l'élection d'un nouveau chef d'État" au Liban. Lors d'une messe célébrée en l'église Saint Maron de l'Institut pontifical maronite à Rome, le patriarche a décrit le jour de l'indépendance du Liban, célébrée le 22 novembre, comme un "jour triste", ajoutant qu'"en l'absence de président, l'État se désintègre, l'unité interne est ébranlée, la séparation des pouvoirs est perturbée, le chaos se répand et les crises politique, économique, sociale et de vie s'aggravent".
La question du quorum
Le chef de l'Église maronite a critiqué dans son homélie la décision du président du Parlement Nabih Berry de lever les séances consacrées à l'élection d'un nouveau président après le premier tour de scrutin. En effet, directement après la fin du premier tour lors de chaque séance, les députés du Hezbollah et ses alliés quittent l'hémicycle, provoquant un défaut du quorum des deux tiers des députés (86), que M. Berry considère nécessaire pour poursuivre la session. Jeudi dernier, les députés ont échoué pour la septième fois à élire un successeur à Michel Aoun, dont le mandat a pris fin le 31 octobre. Une nouvelle séance est prévue ce jeudi.
"Indépendamment de la coutume qui stipule qu'un quorum de deux tiers des membres de la Chambre des représentants est requis lors de la séance électorale du président de la République, nous ne devons pas oublier le principe juridique qui dit : 'Il n'y a pas de coutume contraire à la Constitution'", a déclaré Béchara Raï. Il a affirmé que "l'article 49 de la Constitution stipule que le président doit être élu avec deux tiers des voix lors du premier tour puis, lors des tour suivants, à la majorité absolue (moitié plus un)", s'interrogeant sur la raison pour laquelle "le premier tour est clôturé après chaque vote et le quorum perdu pour le second tour, contrairement à l'article 55 du règlement intérieur du Parlement". Le patriarche a encore souligné que "le Parlement ne peut continuer à retarder et à manipuler délibérément l'élection d'un chef d'État".
Nabih Berry considère que chaque nouvelle séance réinitialise le processus de vote, ce qui signifie que même si un vote au premier tour a eu lieu lors de la session précédente, la séance suivante commencera à nouveau par un vote de premier tour, nécessitant 86 voix pour qu'un président soit élu. Des députés estiment que cette approche est en contradiction avec la Constitution, selon laquelle une majorité des deux tiers est nécessaire pour élire un président au premier tour de scrutin, alors que seule une majorité simple est requise pour tous les tours suivants. Certains soutiennent que le premier tour devrait donc être considéré comme le vote que le Parlement a tenu le 29 septembre, qui n'a donné aucun résultat concluant, et que les tours suivants ne devraient donc nécessiter que 65 votes.
"Un crime
Le patriarche maronite a par ailleurs exprimé des doutes que le Liban ait la possibilité "d'attendre" l'intervention d'autre pays pour l'aider à résoudre sa crise politique. "Le Liban ne peut pas attendre que d'autres pays élisent son président, d'autant plus que ce qui se passe dans la région ne promet pas des solutions à court terme aux problèmes existants", a-t-il dit. Il a estimé qu'il y a "au contraire, toujours le risque que de nouvelles guerres se déclarent, ce qui compliquerait la résolution" de la crise libanaise. "Jusqu'à présent, nous entendons parler de contacts et d'initiatives de tel ou tel pays, mais nous ne voyons pas de résultats. Les accords historiques au Liban sont le résultat d'initiatives libanaises, même si ce sont des pays amis qui nous ont aidés à les réaliser", a-t-il poursuivi. Béchara Raï a exhorté les députés à "élire un président qui, après son élection, sera capable d'unir les Libanais autour de lui et de l'État, et d'adhérer à la Constitution, aux lois libanaises et aux décisions internationales, et d'empêcher toute partie de violer" ces textes.
Plus tôt dans la journée de dimanche, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth Élias Audi avait lui aussi évoqué la présidentielle, qualifiant de "mensonge" le consensus que certains dirigeants politiques appellent de leurs vœux avant l'élection d'un nouveau président. Il a appelé le Parlement à tenir une session ouverte jusqu'à ce qu'un nouveau chef d'État soit élu. "Ne savent-ils pas qu'ils doivent tenir une session parlementaire ouverte, au cours de laquelle les tours de scrutin se succèdent et les candidats s'affrontent de manière claire ?", s'est interrogé le métropolite dans son homélie dominicale. "L'obstruction est un crime contre la patrie et contre les électeurs", a-t-il poursuivi, accusant les parlementaires qui ne remplissent pas leur devoir constitutionnel de "trahir la confiance du peuple".
Ces braves prelats devraient designer nominalement, en homelie dominicale, ceux et celles de leurs ouailles qui pratiquent l'obstruction parlementaire en cirant les bottes de NasrOulalah. Ceci dit, entre l'election d'un president acquis au Hezb et le vide, ce dernier reste preferable.
21 h 44, le 28 novembre 2022