Le Hezbollah ne veut visiblement plus perdre de temps. Quelques jours après avoir défini par la bouche de son secrétaire général Hassan Nasrallah les grandes lignes du profil idéal à ses yeux du futur président de la République, le parti chiite s’active désormais à paver la voie de Baabda devant son favori Sleiman Frangié à partir du patriarcat maronite, plus haute autorité religieuse chrétienne du pays, avec lequel un dialogue autour de la présidentielle a été ouvert récemment. Ces efforts interviennent alors que le leader des Marada ne bénéficie jusque-là du soutien d’aucun des principaux partis chrétiens, à savoir le Courant patriotique libre et les Forces libanaises.
Le Hezbollah « connaît son candidat » et œuvre pour que « cette personne » accède à Baabda, avait déclaré Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire du parti pro-iranien, il y a une dizaine de jours, emboîtant le pas à Hassan Nasrallah et levant un peu plus le voile sur le candidat mystérieux de la formation chiite. « Même s’ils ne l’ont pas nommé, il est évident que le secrétaire général du parti et Mohammad Raad parlaient de Sleiman Frangié », commente pour L’Orient-Le Jour un cadre du Hezbollah qui a souhaité garder l’anonymat. « C’est dans cet esprit qu’il faudrait placer la dernière réunion entre Hassan Nasrallah et Gebran Bassil, ainsi que la récente rencontre entre Mohammad el-Khansa, émissaire du Hezbollah, et le porte-parole du patriarcat maronite Walid Ghayad », ajoute-t-il.
Selon le cadre du Hezbollah, la rencontre – qui s’était tenue au domicile du député Farid el-Khazen – ne visait pas à convaincre Béchara Raï d’appuyer la candidature de Sleiman Frangié. « Son nom a été évoqué parmi plusieurs autres candidats », confie le responsable au sein du parti chiite. « Des propos de M. Ghayad, nous avons compris que le patriarche ne voyait pas de problème à ce que M. Frangié soit élu à la tête de l’État », dit-il. Et de souligner que le nom du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, perçu comme un candidat de consensus, a également été évoqué, en réponse à une question du porte-parole de Bkerké. « Nous avons dit que nous sommes très clairs : nous entretenons une très bonne relation avec le général Aoun, mais nous avons notre propre candidat », affirme le cadre du Hezbollah.
À travers ces propos, le responsable du parti pro-iranien chercherait à transmettre un message clair à ses adversaires, mais aussi et surtout à ses alliés, à commencer par Gebran Bassil qui lui donne du fil à retordre : le Hezbollah n’est pas près de lâcher Sleiman Frangié, du moins pas à ce stade. Le chef de l’armée se serait cependant entretenu avec Wafic Safa, un cadre supérieur du Hezbollah, la semaine dernière à Yarzé. Une réunion rapidement placée sous le prisme de la « bonne relation » entre le parti chiite et l’institution militaire, comme pour couper court aux interprétations politiques et présidentielles d’une telle démarche.
La prudence de Bkerké
Du côté de Bkerké, on préfère en rester aux généralités. Interrogé par L’Orient-Le Jour, un proche du chef de l’Église maronite se contente de placer la réunion avec l’émissaire du Hezbollah dans le cadre de ce qu’il appelle « le dialogue permanent et habituel » entre le patriarcat et le parti chiite. S’il évite de se prononcer clairement au sujet de la candidature de Sleiman Frangié, le proche de Béchara Raï affirme que « Bkerké n’a de problème avec aucun candidat ». « Ce qui lui importe, c’est l’élection d’un président qui serait en mesure d’affronter tous les défis qui guettent le pays », dit-il, alors que plusieurs observateurs excluent la possibilité de voir le patriarche Raï – qui non seulement critique ouvertement le Hezbollah, mais défend également la neutralité du Liban ainsi que l’élection d’un président au-dessus de la mêlée – soutenir le candidat favori du camp du 8 Mars. Une observation que Tony Frangié, député de Zghorta et fils du chef des Marada, préfère ne pas commenter. « Je ne pense pas que les noms de présidentiables soient déjà sur le tapis. Mais nous sommes convaincus que le Hezbollah est engagé dans un processus qui nous sera avantageux », dit-il. Et d’affirmer qu’entre-temps, son camp, c’est-à-dire celui mené par le Hezbollah, s’en tiendra aux bulletins blancs lors des séances parlementaires consacrées à l’élection du futur chef de l’État.
Aucune surprise n’est donc à attendre à l’issue de la septième réunion électorale prévue ce matin à 11 heures au Parlement. Car, face aux bulletins blancs, le candidat d’une large frange de l’opposition (notamment les FL, les Kataëb et le Parti socialiste progressiste), Michel Moawad, peine toujours à rallier à sa cause aussi bien certains députés de la contestation que les députés sunnites du Akkar et leurs collègues indépendants, dont une bonne majorité votera, encore une fois, pour « le nouveau Liban ». Mais M. Moawad continue de se forger l’image du candidat rassembleur. À la veille de la séance électorale, il s’est entretenu avec le patriarche Raï hier et a affirmé qu’il « sera le président de tous les Libanais ». Et le député zghortiote d’exhorter les parlementaires à « respecter la Constitution et assumer leurs responsabilités en matière d’élection d’un président », dans une pique en direction du Hezbollah et ses alliés dont les députés torpillent systématiquement le quorum à l’issue du premier tour en arguant du fait que l’élection du chef de l’État devrait être le fruit d’une entente élargie.
commentaires (12)
Moawad doit continuer à faire campagne. A l’ intérieur aussi qu’a l’extérieur du pays. Ne laissez pas les insidieux barbus vous décourager.
Guy Nohra
00 h 10, le 25 novembre 2022