Présidentielle 2022, phase II. Le Hezbollah semble avoir donné le coup d’envoi à cette nouvelle étape de l’échéance. Le parti de Dieu se montre désormais disposé à dévoiler – lentement mais sûrement – ses cartes présidentielles. Après avoir défini, par la bouche de son secrétaire général, le profil du président idéal à ses yeux, il est passé hier à la vitesse supérieure. La formation œuvre en effet pour que « son candidat », qu’il dit bien connaître, mais qui n’est toujours pas déclaré, accède à la magistrature suprême, comme l’a annoncé hier le chef du groupe parlementaire du parti chiite, Mohammad Raad.
Cette nouvelle prise de position intervient alors que le torchon brûle entre le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le leader des Marada, Sleiman Frangié, tous deux étant les alliés chrétiens du Hezbollah et perçus comme de sérieux présidentiables. Ce différend semble loin d’arriver à un dénouement heureux, les deux leaders concernés campant sur leurs positions et refusant de céder l’un à l’autre. Aussi bien les Marada que le CPL se comportent toujours comme si l’appui du Hezbollah leur sera finalement acquis, alors que le parti – dont le chef était un des premiers à appeler à une entente élargie autour du futur président – ne s’est pas encore officiellement prononcé en faveur d’un candidat bien déterminé.
« Nous savons qui nous voulons élire »
« Nous voulons un président qui ne trahirait pas la résistance et ne comploterait pas contre elle », a déclaré vendredi Hassan Nasrallah lors d’un discours dans lequel il a tracé les grandes lignes du profil du prochain locataire de Baabda. Il s’agit de la première fois où le Hezbollah se prononce aussi clairement au sujet des caractéristiques du successeur de Michel Aoun. Deux jours plus tard, Mohammad Raad est allé encore plus loin. « Face à l’échéance présidentielle, nous savons qui nous voulons élire et nous agissons pour que cette personne accède à la présidence », a lancé le député chiite dans un discours. M. Raad a évidemment évité de nommer « cette personne » en question, au vu des rapports complètement rompus entre MM. Bassil et Frangié, d’où la fuite en avant pour laquelle opte le Hezbollah en déposant des bulletins blancs dans l’urne lors des séances électorales.
Mais aux yeux de plusieurs observateurs, c’est Sleiman Frangié qui demeure le favori non encore déclaré de la formation chiite, d’autant que les caractéristiques énumérées vendredi par Hassan Nasrallah s’appliquent, selon ces observateurs, au leader du Nord, son allié chrétien le plus constant. Mais les aounistes ne l’entendent pas de cette oreille. « Lorsque Hassan Nasrallah évoquait la présidentielle, nombre de ses partisans scandaient le nom de Gebran Bassil », raconte à L’Orient-Le Jour César Abi Khalil, député CPL de Aley, qui était présent vendredi lors de la cérémonie organisée par le parti à l’occasion de la « Journée du martyr ». Un parlementaire aouniste qui a requis l’anonymat se veut, lui, encore plus optimiste. Selon lui, le Hezbollah aurait fait comprendre au parti orange que sa priorité est à l’élection de Gebran Bassil à la magistrature suprême.
Des supputations que les milieux des Marada balayent d’un revers de la main. « Oubliez ce que les aounistes racontent », commente un proche du leader zghortiote pour L’OLJ. « Nous sommes les alliés du Hezbollah, et nous sommes convaincus qu’ils sont engagés dans un processus qui nous sera favorable », dit-il. Répondant à la thèse aouniste selon laquelle la candidature Frangié ne bénéficie pas de l’appui des deux partis chrétiens majoritaires, à savoir le CPL et les Forces libanaises, le proche du leader des Marada souligne que M. Frangié « dispose de l’appui de trente députés chrétiens au moins ».
Raï revient à la charge
En attendant que le Hezbollah dise son dernier mot, rien n’est à attendre de la prochaine séance du Parlement pour élire le chef de l’État, fixée à jeudi. Il s’agira du sixième épisode du feuilleton que le patriarche maronite, Béchara Raï, a critiqué sans mâcher ses mots, comme l’ont fait plusieurs chefs religieux chrétiens, hier. « Ces séances ont été une farce », a dénoncé le chef de l’Église maronite dans son homélie, stigmatisant, pour la toute première fois depuis le début de l’élection fin septembre, « l’échec cuisant du Parlement à élire un président ». Le prélat est donc revenu à la charge en appelant à la tenue d’une conférence internationale pour sortir le Liban de cette impasse. « Face à l’échec du Parlement à élire un nouveau président, nous ne voyons de solution à part la tenue d’une conférence internationale consacrée au Liban », a-t-il lancé. Un tel congrès devrait viser, selon lui, à « garantir la présence (sur la scène internationale) d’un Liban indépendant et préserver son entité, son système démocratique ».
Sauf que contrairement aux attentes de Mgr Raï, rien ne prête à croire que la communauté internationale s’activera pour le pays du Cèdre dans un avenir proche. À ce stade, le forcing international demeure en effet verbal. Moins d’une semaine après son entretien avec le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, en Égypte, le président français a évoqué le dossier libanais lors d’un entretien téléphonique, samedi, avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. M. Macron « a souligné la nécessité d’élire un président (au Liban) dans les plus brefs délais, afin que soit mené à bien le programme de réformes structurelles indispensable au relèvement du pays », indique la présidence française dans un communiqué. Les deux dirigeants sont convenus de « renforcer leur coopération pour répondre aux besoins humanitaires » du Liban, selon l’Élysée.
commentaires (22)
L’arrivée de Wilayet el Faqih au Liban. Quel gâchis. Merci au Dr. Samir Geagea pour ne pas se prosterner devant les mains perfides du Diable iranien. Que Dieu le protège.
Michael Nasrallah
01 h 11, le 16 novembre 2022