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Nos Lecteurs ont la Parole

Quelques éléments pour comprendre les nuances du contexte libanais

Le contexte politique libanais est aujourd’hui dirigé par des porte-parole de communautés et confessions et non des hommes d’État. Cette triste réalité se traduit sur le terrain par une perte de souveraineté et de démocratie progressive et un retour à une logique tribale. Il y a certaines nuances qui doivent être comprises par le citoyen libanais qui désire aujourd’hui stopper cette dégradation et redresser les choses. Ces nuances sont cruciales pour savoir comment naviguer entre les contextes politique, social et religieux tellement entremêlés dans ce petit pays.

1- La citoyenneté libanaise est pluriculturelle et pluriconfessionnelle : tout mouvement politique, toute action politique qui mène à la pérennité des intérêts d’une communauté ou confession aux dépens des intérêts de l’ensemble des citoyens libanais est une impasse qui mène aux tensions communautaires et à un retour direct au passé sanglant du Liban. Cela disqualifie la majorité des actions politiques d’aujourd’hui qui sont teintées d’un caractère communautaire et confessionnel prononcé. On observe aujourd’hui la naissance de certaines coalitions pluricommunautaires et pluriconfessionnelles, mais ces mouvements restent assez timides dû aux méfiances de forme qui demeurent plus fortes que la présence d’une cause commune chez les parties membres de ces coalitions.

2- Il n’y a que deux chemins qui peuvent être empruntés aujourd’hui : I) Bâtir des ponts avec ceux qui souhaitent un État souverain et une démocratie effective au-delà de toute autre cause communautaire ou non communautaire locale ou externe. II) Donner voix à tous ceux qui désirent continuellement nourrir les différends du passé et dont l’unique but est de s’ériger en héros de communauté avant tout. Ce chemin emprunté jusqu’à nos jours est pavé sur un sentiment hérité de l’après-guerre civile qui est le sentiment de survie et de vouloir « se protéger constamment de l’autre ». Mais hélas, c’est derrière ce sentiment même que la corruption s’est réfugiée tout au long de ces dernières années au Liban. Le bouclier de la corruption a toujours été de nature communautaire ou confessionnelle. Dévoiler la corruption de telle ou telle autre personne est une atteinte aux droits de telle ou telle autre communauté. Vouloir mettre fin à la corruption dans notre pays, c’est tout d’abord vouloir mettre fin à l’existence de ce sentiment de méfiance générale envers une autre communauté et tendre la main à toute personne qui veut bâtir au-delà sa confession. Cette ouverture doit se traduire pratiquement par le délaissement actif du caractère communautaire abusif de nos partis politiques et de nos actions politiques pour brandir avant tout l’intérêt étatique.

3- Établir la différence entre l’entente nationale insipide et le rassemblement autour d’une cause légitime : en effet, s’ouvrir à l’autre autour d’une cause étatique commune est bien différent de l’entente avec tout le monde indépendamment de la cause qui rassemble. C’est que cette dernière, si elle évite les tensions intercommunautaires, elle reste cependant insipide, car c’est une entente qui n’est pas basée sur un projet commun mais sur une peur commune (la peur d’éviter une confrontation). Ce n’est pas l’entente commune qu’il nous faut au Liban, cette entente artificielle qui a été pratique ces dernières années mais qui n’a pas su créer un État fort, mais d’un rassemblement autour d’une cause commune plaçant avant tout les intérêts du citoyen pluriconfessionnel libanais. En d’autres termes : « Bâtir des ponts avec ceux qui souhaitent un État souverain et une démocratie effective au-delà de toute autre cause communautaire ou non communautaire locale ou externe. »

4- La différence entre un homme d’État et un porte-parole des communautés et des autorités religieuses : le retour constant de nos politiciens aux autorités religieuses du pays avant toute décision importante donne une suprématie aux intérêts des autorités religieuses sur l’exercice politique qui se doit avant tout d’être d’intérêt général et prendre en compte l’intérêt de tout citoyen libanais. Le caractère religieux au Liban est sacré et doit le rester, mais l’influence abusive des autorités religieuses sur l’exercice du pouvoir politique et sur les dirigeants libanais (qui deviennent des agents et porte-parole de ces autorités) est contraire au message du Liban pour tous. Lorsqu’une autorité religieuse trouve ses intérêts et son pouvoir menacés, elle fait appel par le biais de son « porte-parole » au pouvoir, aux sensibilités de croyance des Libanais pour bloquer l’exercice démocratique et créer une confusion dans l’esprit du citoyen qui accepte de délaisser la démocratie et les intérêts nationaux pour brandir à nouveau les intérêts communautaires. Cela est contraire à la Constitution libanaise qui par son esprit et son message était destinée à diminuer cette emprise confessionnelle sur le pouvoir politique. Mais au lieu que ce soit compris dans ce sens, nos dirigeants, soit par intention (pour garder le contrôle) soit par ignorance, ont fait le choix contraire, à savoir asseoir leur pouvoir politique en s’érigeant défenseurs suprêmes des intérêts communautaires religieux avant même de défendre les intérêts du citoyen libanais. En faisant ce choix, ils ont modifié l’esprit même de la Constitution, à savoir placer l’autorité et les intérêts des communautés religieuses avant l’intérêt national, se rendant porte-parole des autorités religieuses et non porte-parole du peuple qui les a élus. C’est ici que résident les abus du pouvoir au Liban. C’est ici une nuance cruciale à comprendre pour toute personne désirant un réel changement. Et c’est d’ailleurs le message profond du mouvement du 17 octobre 2019.

La diversité religieuse et le message religieux au Liban sont une richesse qu’il faut conserver. Le message religieux de notre pays se doit d’être un message de paix et de tolérance entre les différentes communautés religieuses ; mais cela ne doit aucunement donner place à une exploitation par certains du message sacré pour bloquer l’exercice démocratique et de service public de notre pays. C’est un acte de blasphème pour la religion et pour le peuple libanais.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Le contexte politique libanais est aujourd’hui dirigé par des porte-parole de communautés et confessions et non des hommes d’État. Cette triste réalité se traduit sur le terrain par une perte de souveraineté et de démocratie progressive et un retour à une logique tribale. Il y a certaines nuances qui doivent être comprises par le citoyen libanais qui désire aujourd’hui stopper...
commentaires (1)

Ce qui fait le Liban grand c’est sa diversité. Vive le Liban

Eleni Caridopoulou

23 h 38, le 14 novembre 2022

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Commentaires (1)

  • Ce qui fait le Liban grand c’est sa diversité. Vive le Liban

    Eleni Caridopoulou

    23 h 38, le 14 novembre 2022

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