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Économie - Sécurité alimentaire

Accord sur les céréales : le Liban jusque-là épargné par le désengagement russe

Suite à l’annonce lundi soir d’un don de « 25 000 tonnes » de blé de la Russie au Liban, l’ambassade d’Ukraine au Liban dénonce l’utilisation par la Russie de la famine comme « outil de pression pour transformer en complices de son crime d’autres pays » en leur fournissant « fort probablement des céréales volées » à l’Ukraine.

Accord sur les céréales : le Liban jusque-là épargné par le désengagement russe

Des cargos chargés de céréales dans la zone d’ancrage de l’entrée sud du Bosphore à Istanbul, le 31 octobre 2022. Ozan Kose/AFP

Scellé fin juillet, l’accord international entre la Russie et l’Ukraine qui garantit un corridor humanitaire en mer Noire pour les exportations céréalières de ces deux pays est mis à rude épreuve depuis sa suspension côté russe samedi dernier « jusqu’à nouvel ordre ». Accusant l’Ukraine, et le Royaume-Uni en sous-main, d’attaques « terroristes » par drones sur sa flotte en rade de la Crimée annexée, la Russie s’est ainsi désengagée de cet accord essentiel pour l’approvisionnement alimentaire de nombreux pays, notamment de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, dont le Liban. Ce dernier, secoué par la crise économique et financière, avait craint pour sa sécurité alimentaire dès après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février.

La Black Sea Grain Initiative, chapeautée par la Turquie et les Nations unies, avait toutefois permis de soulager en partie cette inquiétude alors que, en parallèle, les autorités libanaises pouvaient également compter sur un prêt de la Banque mondiale, approuvé par l’institution début mai, de 150 millions de dollars répartis sur 9 à 10 mois pour sécuriser les importations de blé au Liban. Signée seulement samedi dernier, veille de son départ du palais présidentiel par le chef de l’État Michel Aoun, la loi entérinant l’ouverture de ces crédits devrait ainsi bientôt prendre effet. « Une question de semaines », déclarait récemment à la presse locale le ministre sortant de l’Économie et du Commerce Amine Salam.

Contacté hier par L’Orient-Le Jour, le service de presse de ce dernier a confirmé que ce prêt était « en cours » sans étayer plus à ce propos, sauf que le ministère suivait de près les derniers développements dans le conflit russo-ukrainien au niveau des exportations de céréales. « La situation est délicate et le premier impact directement ressenti au Liban est l’augmentation des prix avec la hausse des cours mondiaux » que la décision russe a entraînée. Lundi, le cours du blé bondissait de plus de 6 % pour s’établir hier à 8,82 dollars le boisseau. Avec la hausse de coûts de fret maritime également, « la tonne a augmenté de 25 dollars au moins », a précisé à L’Orient-Le Jour Ahmad Hoteit, porte-parole des importateurs de blé au Liban. « Il se peut qu’il y ait un retard de livraison », a également prévenu le ministère, bien que « les bateaux venant d’Ukraine continuent d’arriver », nous a affirmé de son côté l’ambassade ukrainienne au Liban.

Via les ports de Reni et Izmaïl

« Nous importons de petits ports ukrainiens qui chargent les cargaisons sans problèmes et ne passent pas par le corridor humanitaire », explique ainsi Ahmad Hoteit. En effet, le Liban est principalement approvisionné en céréales à partir « des ports de Reni et d’Izmaïl », ajoute ce dernier. Un état des lieux confirmé par l’ambassade d’Ukraine au Liban qui précise que ces deux ports « ne sont pas couverts par les dispositions de l’accord sur les céréales et ne sont donc pas soumis à l’inspection russe », étant tous deux situés sur la frontière naturelle du Danube avec la Roumanie. Les cargaisons « pénètrent dans les eaux territoriales roumaines », tandis que l’accord se focalise sur « les ports d’Odessa, de Chornomorsk et de Pivdenny, qui sont capables de recevoir des navires de gros tonnage », détaille encore l’ambassade.

Enfin, forte de sa géopolitique des matières premières, la Russie a elle annoncé lundi soir un don de « 25 000 tonnes de blé et de 10 000 tonnes de fuel » au Liban, a confirmé le ministre sortant des Transports et des Travaux publics Ali Hamiyé, et ce malgré la position officielle du Liban condamnant dès fin février l’acte guerrier russe en Ukraine et fin octobre son vote en faveur d’une résolution à l’Assemblée générale de l’ONU qui condamnait l’annexion par la Russie de quatre régions séparatistes de l’est de l’Ukraine. Pour l’ambassade ukrainienne au Liban, cette démarche russe consiste à utiliser la famine comme « outil de pression pour transformer en complices de son crime d’autres pays » en leur fournissant « fort probablement des céréales volées » à l’Ukraine. « Il s’agit d’une tactique criminelle russe typique consistant à faire la guerre avec des moyens hybrides », souligne-t-elle.

Besoin de flux régulier

De son côté, Moscou mettait en garde lundi contre le « danger » de continuer la navigation le long du corridor sans son accord. Face à cette nouvelle volte-face russe, le président français Emmanuel Macron s’est entretenu hier avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, dénonçant dans un communiqué « une décision unilatérale de la Russie qui nuit de nouveau à la sécurité alimentaire mondiale ». Arrivant à échéance le 19 novembre prochain, cet accord a permis depuis sa mise en place cet été l’exportation de plus de 9,7 millions de tonnes de céréales ukrainiennes, coincées dans les ports du pays envahi depuis fin février. Parmi celles-ci, selon les données du Centre de coordination conjointe (CCC) des Nations unies établi à Istanbul et chargé de superviser l’application de cet accord russo-ukrainien, le Liban a reçu sept cargaisons depuis le 24 août chargées en tout de 64 030 tonnes de céréales : 54 457 tonnes de maïs (principalement pour le fourrage), 6 600 tonnes de blé et 2 973 tonnes d’huile de tournesol.

Avant cela, des importateurs privés au Liban ont réceptionné sur les sept premiers mois de l’année un total de 2 971 tonnes de blé, dont 2 160 tonnes de Turquie, selon les données enregistrées par les douanes libanaises. Rien en provenance d’Ukraine et de Russie, ce qui confirme un changement radical par rapport aux années précédentes lorsque ces deux pays étaient les principaux fournisseurs de céréales au Liban, à l’instar de nombre de pays de la région. En effet, 85,65 % des importations de blé au Liban venaient d’Ukraine et de Russie en 2021, ces deux pays voisins dominant ce marché au Liban au moins depuis 2012, soit depuis que les données des douanes libanaises sont publiées sur leur site. En réalité, géographiquement proche du Liban, c’est la région de la mer Noire qui sert de provenance principale des importations de blé par le Liban en en comptant, en 2021, 98,35 %.

Avec un besoin d’environ « 50 000 tonnes » de blé par mois, comme l’a répété à l’envi ces derniers mois Amine Salam, et alors que ses silos ont été détruits par la terrible double explosion à leurs pieds au port de Beyrouth le 4 août 2020, le Liban « manque d’installations de stockage de céréales » et « il est donc intéressé par le flux régulier de petits navires fluvio-maritimes », comme ceux venant des ports du Danube, souligne l’ambassade d’Ukraine au Liban dont le pays en guerre fait tout « pour rester un fournisseur fiable de produits agricoles ». Néanmoins, « en détruisant le corridor céréalier, la Russie bloque la fourniture de 2 millions de tonnes de céréales aux pays du Moyen-Orient et d’Afrique », conclut-elle.

Médiation turque

Trois nouveaux cargos céréaliers ont cependant quitté les ports ukrainiens hier en direction du corridor humanitaire. « Les mouvements de ces trois bateaux ont été approuvés par les délégations ukrainienne, turque et des Nations unies. La délégation de Russie a été informée », a indiqué à l’AFP le CCC. Ce dernier a également précisé que, malgré le retrait des inspecteurs russes, 46 bateaux ont pu être inspectés lundi et peuvent être autorisés à emprunter dans les deux sens le corridor en mer Noire. Enfin, le président turc Recep Tayyip Erdogan, habituel médiateur entre les deux nations belligérantes, s’est dit « confiant » hier après un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine quant à « la coopération de toutes les parties pour trouver une solution dans ce dossier », a indiqué un communiqué de la présidence turque hier. Selon le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, le président Erdogan doit également s’entretenir avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky « dans les jours qui viennent ». « Nous pensons que nous allons surmonter cela », a ajouté ce ministre à l’AFP.

Hier soir, le CCC a toutefois annoncé la suspension de tous les mouvements de cargos aujourd’hui, tandis que le président russe Vladimir Poutine a jugé « nécessaire » d’obtenir de Kiev des « garanties réelles du strict respect des accords d’Istanbul, notamment que le corridor humanitaire ne sera pas utilisé à des fins militaires », a indiqué le Kremlin dans un communiqué. Une information également transmise de vive voix à son homologue turc.

Scellé fin juillet, l’accord international entre la Russie et l’Ukraine qui garantit un corridor humanitaire en mer Noire pour les exportations céréalières de ces deux pays est mis à rude épreuve depuis sa suspension côté russe samedi dernier « jusqu’à nouvel ordre ». Accusant l’Ukraine, et le Royaume-Uni en sous-main, d’attaques...

commentaires (1)

Laissez le liban tranquille loin de ce conflit russo américain . US représenté par l’Ukraine. Gardons le liban neutre. Cette guerre, même si la Russie est l’agresseur mais connaissant les américains, ils feront la paix avec la Russie . Les petits pays qui se seront alliés à l’un ou à l’autre …. Ils seront les perdants . Nous avons déjà assez à faire au liban. Gardons cette neutralité positive.. gardons les relations commerciales avec tous. Le liban ne peut pas se permettre le luxe de prendre position même si nous avons besoin de l’aide américaine ou plutôt occidentale. Gardons l’équilibre.

LE FRANCOPHONE

01 h 17, le 02 novembre 2022

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Commentaires (1)

  • Laissez le liban tranquille loin de ce conflit russo américain . US représenté par l’Ukraine. Gardons le liban neutre. Cette guerre, même si la Russie est l’agresseur mais connaissant les américains, ils feront la paix avec la Russie . Les petits pays qui se seront alliés à l’un ou à l’autre …. Ils seront les perdants . Nous avons déjà assez à faire au liban. Gardons cette neutralité positive.. gardons les relations commerciales avec tous. Le liban ne peut pas se permettre le luxe de prendre position même si nous avons besoin de l’aide américaine ou plutôt occidentale. Gardons l’équilibre.

    LE FRANCOPHONE

    01 h 17, le 02 novembre 2022

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