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Nos Lecteurs ont la Parole

« Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ! »

Samedi 22 octobre. Salle des Ambassadeurs. Casino du Liban. 21 heures 15. Ciel étoilé et magie dans l’air. Ils ont tous et toutes répondu présents, notamment les francophones d’entre eux, sous leur meilleur jour et en habits de lumière, enthousiastes, le cœur battant de venir à la rencontre de « la longue dame brune ».

Ce soir et dans le cadre de la série de concerts du Festival de Jounieh, c’est Yasmina Farah Massoud qui est là, fidèle au rendez-vous après avoir perfectionné sa voix ces huit dernières années avec la soprano Mira Akiki puis avoir longuement fignolé cette entrée en scène avec sa non moins talentueuse pianiste Céline Hjeily, de concert avec l’Orchestre libanais sous la houlette du maestro Harout Fazlian, dans un hommage à l’immense icône Barbara, une des plus grandes auteures, compositrices, interprètes françaises du XXe siècle, par une prestation haute en lyrisme intitulée « Ma plus belle histoire d’amour ».

Longiligne, droite comme un I, magnifique port de tête, classe folle, cheveux de jais tirés en catogan, traits de khôl soutenus à la Barbara, tenue à propos noire, drapée d’une cape éthérée et glamour parée de plumes signée Karoline Lang, dès le prélude du titre Nantes qui raconte le rendez-vous manqué d’une fille avec son père mourant, l’envoûtante Yasmina a tout de go conquis son public.

Les lectures et les titres s’enchaînent puisque Harout Fazlian s’est fait un point d’honneur d’ourdir une première dans le monde du spectacle qui n’est autre qu’une longue suite mélodieuse où d’un bout à l’autre du concert la musique demeure fluide et ininterrompue.

De sa tessiture cristalline, limpide et par moments flûtée campant tout à fait celle de Barbara tout en sachant rester agogique et personnelle dans son interprétation, de ses coloratures confiantes dont aucune ne lui échappe et qu’elle réussit avec maestria et grande aisance, de la maîtrise de son souffle, des soupirs puis des précipitations du phrasé musical, de cette admirable diction et cet excellent accent français sans doute hérités du Collège Louise Wegmann et de ses années passées à Dauphine, c’est comme cela que Yasmina a survolé pendant une heure et demie sans relâche ces textes poignants qui n’ont rien de léger, qui sont souvent empreints du champ lexical de la mort, de la solitude, du désespoir, des amours douloureuses et déçues, malgré le côté enjoué, espiègle et facétieux de Barbara dans les coulisses et la vraie vie, thèmes qui par ailleurs malgré leur noirceur, une « noirceur lumineuse », sont interprétés avec un tel intimisme, une telle fougue, une telle virtuosité, qui vous suggèrent des phrases d’une telle poésie et d’une telle sensualité comme « de son bec il a touché ma joue, dans ma main il a glissé son cou » ou « il faut savoir se quitter avant que ne meure le temps d’aimer », ou encore « je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin, je n’ai pas la vertu des femmes de marin », qu’ils vous tiennent par les tripes, vous émeuvent jusqu’à la moelle et vous donnent cette ferveur de retomber en amour !

La solitude, Mon enfance, Parce que je t’aime, Göttingen, Dis, quand reviendras-tu ?, Du bout des lèvres, Vienne, toutes ces chansons à texte, chères à nos cœurs et que l’on connaît sur le bout des doigts, nous charment et nous donnent la chair de poule dans ce moment de pure félicité, sauf que l’apogée de la soirée est atteint lorsque Yasmina « déploie soudain ses ailes » et dans toute sa superbe nous raconte en musique L’aigle noir, ces lignes de grande écorchée vive qui demeurent auréolées de mystère, insinuant un drame intime, à savoir les sévices à la jeune Monique Serf alias Barbara infligés par son propre père, et ce dans une gestuelle d’une telle grâce ponctuée de mouvements de bras tellement aériens et majestueux qu’ils laissent deviner une assiduité à de longues années de ballet classique de la jeune Yasmina doublée d’un avant-goût certain pour les feux de la rampe.

Nous aurions voulu que ce bonheur dure encore plus longtemps, que l’on continue de vibrer à l’infini et que l’aigle en l’occurrence suspende son vol, mais c’est en apothéose que Yasmina choisit de freiner son envol, affirmant sa fidélité voire son intimité avec son public : « Ce soir, je vous remercie de vous ; qu’importe ce qu’on peut en dire ; je suis venue pour vous dire : ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ! »

Malgré les vicissitudes que vit le pays, combien il est enchanteur de s’apercevoir qu’il y a encore des personnes qui perpétuent le bonheur d’antan, quand on pense que Barbara en personne s’était produite 60 ans plus tôt, en 1962 précisément, au même endroit, au « Baccarat », qui est la salle juste du dessous, et à quelques jours seulement de cette même date, des personnes qui œuvrent et veillent par le biais de tels événements à la culture, aux rencontres de qualité, à l’instar des organisateurs et des sponsors, à savoir Neemat et Zena Frem, Lara Hafez et Joëlle Hajjar, pour ne citer qu’eux, et à qui nous devons ce soir ces frissons assurés et cette belle échappée que nous procura cette parenthèse d’une délicieuse nuit de fin d’été !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Samedi 22 octobre. Salle des Ambassadeurs. Casino du Liban. 21 heures 15. Ciel étoilé et magie dans l’air. Ils ont tous et toutes répondu présents, notamment les francophones d’entre eux, sous leur meilleur jour et en habits de lumière, enthousiastes, le cœur battant de venir à la rencontre de « la longue dame brune ». Ce soir et dans le cadre de la série de concerts du...
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