Après des mois de pourparlers, le Liban et Israël annonçaient la conclusion d’un accord « historique » il y a une semaine pour la délimitation de leur frontière maritime commune par l’intermédiaire de leur parrain américain.
Mardi soir, le Groupe de travail américain sur le Liban (American task force on Lebanon), représenté par son président l’ambassadeur Edward Gabriel et par le congressiste Darin LaHood, revenait sur l’événement, avec la participation du spécialiste du Moyen-Orient Paul Salem. Lors d’une séance de questions-réponses via l’application Zoom avec deux chefs négociateurs, l’Américain Amos Hochstein et le Libanais Élias Bou Saab, le groupe insistait sur « cette opportunité » pour le Liban en crise. Il rappelait aussi l’importance de cet heureux dénouement pour la « stabilité » de la région, dans un contexte d’invasion russe de l’Ukraine et d’une hausse importante de la demande européenne.
Rôle du Hezbollah et crise économique
L’occasion pour le conseiller principal américain à la sécurité énergétique d’annoncer sa venue au Liban dans le courant de la semaine prochaine, sans fixer de date toutefois, muni de l’accord que Beyrouth doit signer avec Washington. Et le vice-président du Parlement de revenir sur « la volonté libanaise » de faire aboutir cet accord. Une volonté facilitée, souligne-t-il, par la « conjoncture locale et régionale », mais aussi par « la présence et le rôle du Hezbollah » face à l’État israélien.
Au terme de onze années d’efforts ponctuées d’échecs, comment expliquer l’aboutissement des négociations ? interrogent les modérateurs. « J’ai d’abord échoué avant de réussir », rappelle tout de go Amos Hochstein. Indéniablement, « la situation économique dramatique du Liban a lourdement pesé dans la balance », de même que l’espoir de changement. Le négociateur américain décide alors de « changer de stratégie de négociation ». Plutôt que de privilégier une approche de gagnant-perdant, il cherche à insuffler une dynamique où les deux parties adverses seraient gagnantes. « Je me suis concentré sur les besoins les plus importants de chaque partie », dit-il. M. Hochstein a aussi tenu compte des lignes rouges à ne pas franchir. Il s’efforce alors de « réduire l’écart », partant du principe qu’« aucune partie n’obtiendra ses droits tant que l’autre ne les a pas ». « Au final, si l’accord a abouti, c’est bien grâce aux leaderships des deux pays », assure-t-il.
La stabilité pour Israël et la Méditerranée
Côté libanais, on salue la nouvelle approche du négociateur américain, son style direct, sa volonté de privilégier la situation de gagnant-gagnant. « Nous avons eu de longues discussions, jusqu’à des heures avancées de la nuit, raconte Élias Bou Saab. Nous avons affiché de profonds désaccords, au point de voir l’accord annulé. Nous avons finalement abouti, vu notre détermination à réclamer nos droits et à réussir, mais cela n’a pas été facile. » Concernant le timing, « c’était maintenant ou jamais », assure-t-il. Car l’alternative, en cas d’échec, c’était « l’escalade, la guerre possible ». Une guerre qui aurait pu se répercuter sur l’ensemble de la Méditerranée, y compris Chypre et l’Égypte. Le négociateur libanais rappelle en même temps que cet accord n’aurait pu avoir lieu il y a 10 ou 11 ans. « Nous sortions d’une guerre, dit-il en référence au conflit de 2006 entre Israël et le Hezbollah. La population avait souffert. Il était alors impensable d’envisager le moindre accord qui apporterait stabilité et sécurité à la frontière. »
Au Liban, les adeptes de la revendication maximaliste consacrée par la ligne 29 crient au scandale, à la trahison même. En Israël, des voix s’élèvent aussi contre ce « mauvais accord ». Pourquoi ne fait-il pas l’unanimité ? demandent les modérateurs. « Il faut comprendre que jusque-là, il n’y avait pas d’accord. Tout juste des propositions et des idées », rétorque Amos Hochstein. Aujourd’hui, l’accord respecte les trois principes énoncés par le président américain Joe Biden : de stabilité, de sécurité et de prospérité. Il permet « d’assurer la sécurité d’Israël » et de « réduire les tensions » en Méditerranée. « Il sera aussi pour le Liban l’occasion de devenir prospère et d’intégrer le marché international, dès 2025 nous l’espérons », souligne le négociateur. « Cet accord permet aujourd’hui au Liban de s’engager dans une nouvelle direction », renchérit Élias Bou Saab. Hier, le Conseil de sécurité de l’ONU a salué l’accord entre le Liban et Israël, estimant qu’il s’agit « d’un grand pas vers la stabilité, la sécurité et l’essor dans la région ».
commentaires (5)
"… Au final, si l’accord a abouti, c’est bien grâce aux leaderships des deux pays …" - formule standard, bidon, tirée du livre “Comment devenir diplomate en vingt leçons", et complètement inappropriée et à côté de la plaque, en tout cas en ce qui concerne le Liran. En un mot: ri.di.cule!
Gros Gnon
20 h 48, le 20 octobre 2022