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Politique - Focus

Accord sur la frontière maritime : et le Qatar dans tout ça ?

Doha, qui a annoncé sa volonté de se joindre au consortium d’exploration et d’exploitation dans la ZEE du Liban, a joué un rôle de soutien aux Américains tout au long des négociations.

Accord sur la frontière maritime : et le Qatar dans tout ça ?

Le président Michel Aoun recevant le chef de la diplomatie qatarie, le cheikh Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani, le 25 août 2020. Photo d’archives/AFP

« Choukran Qatar »… En annonçant, jeudi dernier, l’approbation par le Liban de l’accord sur la frontière maritime avec Israël, le président Michel Aoun a remercié les États-Unis pour leur médiation qui a porté ses fruits, la France pour avoir contribué à la réussite des négociations et « tous les pays frères qui ont aidé le Liban à obtenir ses droits, notamment le Qatar ». Il s’agissait de la première confirmation officielle du rôle qatari dans ce dossier dont l’aboutissement ouvre la voie à la prospection d’hydrocarbures en Méditerranée orientale. Tout au long de la période des négociations, des informations circulaient dans les coulisses diplomatiques sur une implication de Doha, notamment auprès des Américains, pour finaliser l’accord, dans une volonté d’investir au Liban au moment du démarrage des opérations d’extraction. Mais du côté qatari, aucune annonce officielle n’a jusqu’ici été faite. « Le Qatar a exprimé sa volonté d’investir au Liban, notamment dans les opérations d’extraction, affirme une source diplomatique arabe à L’Orient-Le Jour. Il ne s’est toutefois pas impliqué dans les négociations, en particulier avec les Israéliens. Il s’agissait plutôt d’un rôle de soutien aux Américains dans leur médiation, similairement au rôle qu’il joue pour faciliter les négociations entre Téhéran et Washington sur le dossier du nucléaire. »

Point de vue

Le gaz ne sauvera pas le Liban

Vendredi, c’est le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau Walid Fayad qui a annoncé, à l’issue d’une réunion avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati et des membres de l’Administration pétrolière libanaise (LPA), la volonté du Qatar de se joindre au consortium formé par les groupes pétroliers français Total et italien Eni dans l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures offshore portant sur les blocs 4 et 9 de la zone économique exclusive (ZEE) du Liban. Les discussions entre Doha et Beyrouth des moyens de coopération dans les secteurs de l’énergie et des hydrocarbures vont bon train depuis que la société russe Novatek s’est retirée du consortium fin août, laissant sa part de 20 % à l’État libanais. Walid Fayad n’a pas précisé la manière dont le Qatar interviendrait dans ce consortium, se contentant d’indiquer que les directeurs généraux de la société qatarie concernée, qu’il n’a pas non plus nommée, sont en contact avec le ministère de l’Énergie.

Gebran Bassil, Abbas Ibrahim et Amos Hochstein

Depuis plusieurs mois déjà, Doha a accueilli des réunions d’acteurs liés aux négociations maritimes, loin des projecteurs. En février, c’est le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil qui y a fait le déplacement pour s’entretenir avec le médiateur américain Amos Hochstein des moyens de parvenir à un accord avec les Israéliens sur le tracé de la frontière. Une source politique libanaise informée de la teneur des discussions affirme que c’est le diplomate américain qui a conseillé aux autorités du pays du Cèdre d’évoquer avec le Qatar la possibilité d’investir dans l’extraction de gaz des blocs libanais. « Gebran Bassil a demandé à Doha de prendre part à un projet de production d’électricité et d’investir dans une usine de gazéification à Selaata ainsi que dans une centrale », ajoute cette source. Les Qataris n’ont pas donné de réponse définitive, tout en se disant prêts à aider. « Il s’agit d’une question de timing pour Doha, indique un diplomate arabe sous le couvert de l’anonymat. C’est également lié à l’approbation de la communauté internationale. » Les efforts de négociations avec Doha ont toutefois été poursuivis dans le but de parvenir à un accord frontalier. Le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, qui entretient des liens solides avec les autorités de l’émirat, s’est lui aussi réuni il y a quelques mois avec Amos Hochstein à Doha.

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Après le retrait de Novatek du consortium, en août dernier, les résultats de ces navettes diplomatiques ont commencé à se faire sentir. Plusieurs responsables avaient alors évoqué la possibilité pour le Qatar de remplacer l’entreprise russe dans le but de jouer un rôle sur la scène libanaise. Interrogé à ce sujet il y a deux semaines lors d’une interview sur la chaîne LBCI, le vice-président de la Chambre Élias Bou Saab a alors affirmé que le Qatar « n’est pas impliqué dans les négociations en cours avec Israël », ajoutant toutefois que « l’émirat, qui possède la plus grande flotte de transport de gaz liquide, jouera un rôle plus tard si les choses se passent bien ».

Pas sans l’Arabie saoudite

C’est donc le Qatar – l’émirat du Golfe qui s’impose de plus en plus comme médiateur dans la région et qui entretient de bonnes relations avec toutes les forces politiques au Liban, mais aussi avec toutes les puissances étrangères rivales – qui pourrait jouer dans la période à venir un rôle économique, mais aussi politique dans la région et sur la scène locale. En 2008, le Qatar avait parrainé un accord d’entente interlibanais qui a mis fin à une crise politique et institutionnelle sans précédent, et consacré le retour au dialogue et au consensus. À cette époque, le pays risquait de sombrer dans une nouvelle guerre civile après les affrontements du 7 mai, quand des éléments armés du Hezbollah avaient envahi Beyrouth et la Montagne. « Seul le Qatar a réussi à convaincre Michel Aoun d’accepter le règlement qui prévoyait l’élection de Michel Sleiman à la présidence de la République », se souvient une figure proche du 14 Mars. Deux ans plus tôt, après la guerre de 33 jours entre Israël et le Hezbollah, le Qatar a aidé à la reconstruction du Liban. Tout le monde se rappelle des banderoles affichées sur les principaux axes routiers du pays avec la fameuse formule de remerciement « Choukran Qatar ». Début juillet, le riche émirat a décidé de débourser la somme de 60 millions de dollars pour l’armée libanaise dans le cadre de son soutien au pays dévasté par la pire crise économique de son histoire. L’aide financière a été annoncée par le chef de la diplomatie qatarie, le cheikh Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani, qui se trouvait à Beyrouth pour participer à une réunion de la Ligue arabe. Le diplomate qatari avait alors tenu des réunions avec plusieurs parties politiques loin des médias. Le Hezbollah a même été tenu au courant de la teneur de ces discussions, apprend-on de source proche du parti chiite.

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La France, l’autre médiateur...

Peut-on donc parler d’un rôle encore plus avancé de Doha sur la scène libanaise, notamment en vue des échéances politiques importantes prévues, aujourd’hui que l’accord sur la frontière maritime est acté ? « Doha tient à coordonner avec les autres pays arabes, notamment l’Arabie saoudite, sur le dossier libanais, répond le diplomate arabe précité. Le Qatar ne veut surtout pas provoquer le royaume, mais cherche plutôt à rapprocher les points de vue afin d’aboutir à des compromis dans la période à venir. »

« Choukran Qatar »… En annonçant, jeudi dernier, l’approbation par le Liban de l’accord sur la frontière maritime avec Israël, le président Michel Aoun a remercié les États-Unis pour leur médiation qui a porté ses fruits, la France pour avoir contribué à la réussite des négociations et « tous les pays frères qui ont aidé le Liban à obtenir ses droits,...

commentaires (5)

"… Doha a joué un rôle de soutien aux Américains tout au long des négociations …" - Et moi qui croyais que c’était Gebran Bécile qui avait tout fait. Il nous aurait menti?

Gros Gnon

12 h 46, le 18 octobre 2022

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Commentaires (5)

  • "… Doha a joué un rôle de soutien aux Américains tout au long des négociations …" - Et moi qui croyais que c’était Gebran Bécile qui avait tout fait. Il nous aurait menti?

    Gros Gnon

    12 h 46, le 18 octobre 2022

  • Tous les pays aidants sont réduits à collaborer avec les corrompus au pouvoir comme si de rien n’était. Il ne faut pas s’étonner qu’ils ne veuillent pas lâcher leurs postes surtout avec les contrats juteux qui vont leur être soumis pour être signés moyennant une bonne commission qui va avec sous peine de bloquer toute extraction du fameux gaz qui commence déjà à empester les cieux du Liban et des alentours. . Ils disent en plus travailler pour sauver notre pays? Aucun de ces vendus voleurs n’aurait dû être reçu ou même entendu par les intervenants, il fallait les isoler et les combattre jusqu’à les dégoûter du pouvoir et non le contraire.

    Sissi zayyat

    12 h 13, le 18 octobre 2022

  • Est ce que l’OLJ peut s’informer à propos du propriétaire réel des terrains à Selaata où est prévu le projet de centrale électrique ??

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 05, le 18 octobre 2022

  • C eat avec son salaire de ministre que basil veut investir au Quatar?

    Zampano

    03 h 50, le 18 octobre 2022

  • Il n'est pas exclu que Qatar peut toujours aider le Liban, en même temps que participer au consortium. Il faudrait voir le côté positif de sa participation, plutôt que de s'interroger sur son rôle. Politiquement, les Qatari savent bien éviter les faux-pas. Mais, au moins ils ont un regard pour le Liban, et ne lui tournent pas le dos. Un rôle d'équilibriste.

    Esber

    00 h 45, le 18 octobre 2022

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