
Le chef du CPL, Gebran Bassil, à l’issue de son discours du 13 octobre, samedi au Forum de Beyrouth. Photo tirée du compte Instagram de M. Bassil
À deux semaines de la fin du mandat du président Michel Aoun, son gendre Gebran Bassil joue désormais toutes ses cartes. Après avoir déclaré à plusieurs reprises qu’il ne briguait pas le poste de chef de l’État, le chef du Courant patriotique libre a remis sur le tapis sa candidature à la magistrature suprême, sur un ton menaçant non à l’égard de ses adversaires ou rivaux, mais plutôt de son allié, le Hezbollah. Pour le moment, le parti chiite évite de se prononcer pour un candidat bien déterminé, bien que ses deux alliés traditionnels, Gebran Bassil et Sleiman Frangié, soient perçus comme de sérieux présidentiables, pour éviter l’embarras. Il trouve donc dans le vote blanc et l’appel à l’entente la meilleure solution, le temps que l’horizon se décante.
« Je ne me suis pas porté encore candidat à la présidence pour n’embarrasser personne et ne pas compliquer la donne. J’essaie de faciliter le processus, mais je n’accepterai pas qu’on me sous-estime. Faites attention, je pourrais changer d’avis », a tonné le chef du CPL samedi dans un discours prononcé à l’issue de la messe célébrée au Forum de Beyrouth pour commémorer le 13 octobre 1990, date de l’assaut syrien contre le palais de Baabda où se trouvait le général Michel Aoun, alors chef du gouvernement militaire de transition. Sans dresser le profil du successeur de Michel Aoun, Gebran Bassil a défini, une nouvelle fois, son cahier des charges pour soutenir tout candidat. « Nous n’allons pas accepter un président qui n’est pas représentatif sur les plans populaire et parlementaire », a-t-il lancé. Le parti orange persiste donc et signe : il ne votera pas pour son rival, Sleiman Frangié, perçu comme le favori toujours non déclaré du parti de Hassan Nasrallah. À comparer avec les deux blocs chrétiens formés suite aux législatives de mai par les Forces libanaises et le CPL (19 et 17 députés respectivement), le leader des Marada est loin du compte, avec un seul député, son fils Tony. Parallèlement à ce « chantage », Gebran Bassil se voit contraint d’adopter une approche pragmatique dictée par la composition de la nouvelle Chambre, à majorité étriquée. « L’équation est claire et connue. Les équilibres au sein de la Chambre ne permettent pas d’assurer le quorum de 86 députés (requis pour que la séance se tienne) et une élection à la majorité simple de 65 voix (à partir du second tour, le premier ayant déjà eu lieu le 29 septembre), aucun camp n’ayant ce nombre de voix à lui seul », a rappelé M. Bassil, s’alignant ainsi sur la logique du Hezbollah. « Nous sommes prêts à dialoguer avec tout le monde et nous n’avons aucun complexe. Celui qui refuse sera seul perdant et s’exclura de l’équation », a-t-il ajouté. Une critique implicite à son plus grand adversaire chrétien, le chef des FL Samir Geagea, qui prône, lui, une logique de confrontation. Les FL ont récemment refusé de s’entretenir avec une délégation du courant aouniste qui menait une tournée auprès des protagonistes pour leur présenter sa feuille de route présidentielle. « N’attendez plus et ne misez pas sur le fait que la vacance au pouvoir fatiguera les gens. Nous ne nous lasserons pas. Entendons-nous avant que la vacance n’ait lieu et élisons un chef de l’État. Nous n’allons élire qu’un président réformateur qui ne soit pas otage du système (...) » a encore dit Gebran Bassil.
« Un président qui reconnaît le rôle de la résistance »
De son côté, Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire du Hezbollah, a plaidé hier pour un président « qui respecte et reconnaît le rôle de la résistance », comme il l’a souligné dans un discours prononcé à Yohmor, au Liban-Sud. Le député a prôné l’élection d’un président « qui œuvre dans l’intérêt du pays et qui a du courage, quelqu’un qui n’obéit pas aux ordres des Américains mais aux intérêts de la nation ». Une allusion à peine voilée à Michel Moawad, candidat de l’opposition connu pour ses bons rapports avec Washington. Lors de la première séance électorale, le député de Zghorta a récolté les voix de 36 parlementaires relevant de ce camp, notamment ceux des FL, des Kataëb et du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt. Jusque-là, ce camp continue de rejeter l’idée d’une entente avec le Hezbollah. Une position que Samir Geagea a réitérée hier devant un parterre de partisans. « Le camp adverse parle d’un président de consensus qui, dans le meilleur des cas, ne ferait rien ou agirait dans l’intérêt de ce camp, comme cela a été le cas pendant six ans », a déclaré le chef des FL dans une pique au mandat de Michel Aoun, auquel il avait pourtant contribué en menant son adversaire historique à Baabda à la faveur de l’accord de Meerab de 2016, avant de le regretter publiquement. « Les FL n’accepteront pas n’importe quel président de la République », a souligné M. Geagea. Et de marteler : « Personne ne veut d’un président de défi. Ce que nous souhaitons, c’est un président qui puisse lancer l’opération de sauvetage (nécessaire pour sortir le Liban de la crise). Et s’ils pensent qu’un tel président est un président de défi, qu’il en soit ainsi. »
commentaires (25)
Publiez mes commentaires SVP de ce matin. Mrci
Sabri
13 h 49, le 18 octobre 2022