Si un président de la République n'est pas élu avant le 31 octobre, le Liban pourrait "se retrouver dans un vide qui affaiblirait sa position", a affirmé vendredi la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, lors d'une tournée des principaux dirigeants libanais, rapporte la présidence du Conseil libanaise. La ministre a toutefois estimé, lors d'une conférence de presse plus tard dans la journée, que l'élection d'un nouveau chef de l'Etat avant expiration du délai constitutionnel "est toujours possible".
En marge d'un entretien avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati au Grand Sérail de Beyrouth, Mme Colonna a également appelé à "poursuivre les réformes nécessaires pour parvenir à la signature finale de l'accord avec le FMI", le Fonds monétaire international, un accord qui prévoit une aide financière à un Liban enlisé dans une crise économique sans précédent.
Attente de la communauté internationale
"Toute la communauté internationale attend la tenue de l'élection d'un nouveau président de la République", a fait valoir Mme Colonna, dans des propos rapportés par le Grand Sérail sur Twitter. La ministre française a exhorté au respect de cette échéance "pour éviter de se retrouver dans un vide qui affaiblirait la position libanaise dans la conduite des processus de négociations de résolution de ses crises et des dossiers importants", alors que le mandat de l'actuel président Michel Aoun expire le 31 octobre.
De son côté, M. Mikati a remercié la France qui "s'est toujours tenue aux côtés du Liban", au lendemain de l'approbation par Beyrouth de l'accord final conclu avec Israël sous l'égide des États-Unis et le soutien de la France au sujet de la frontière maritime commune des deux pays. Le Premier ministre sortant a également demandé l'aide de Paris pour régler la question des réfugiés syriens présents au Liban, qui est régulièrement mise sur la table par les autorités locales.
Aoun et le consensus
Arrivée jeudi dans la soirée à Beyrouth, Mme Colonna s'est entretenue dans la matinée de vendredi avec M. Aoun au palais présidentiel de Baabda, en présence de son homologue libanais, Abdallah Bou Habib, ainsi que d'une délégation française et de l'ambassadrice de la France au Liban, Anne Grillo. Elle s'est ensuite rendue au Grand Sérail puis à Aïn el-Tiné, pour rencontrer le chef du Parlement Nabih Berry.
Après leur rencontre, le chef de l'État a estimé que l'accord sur la frontière maritime "est un début fondamental pour faire face à la crise économique et financière que traverse le Liban". Quant à l'élection présidentielle, il a jugé qu'il est "important de trouver un consensus autour d'un nouveau président qui prend en charge ses fonctions, garantit la continuité du travail des institutions de l'État et parachève la lutte contre la corruption", rapporte la présidence dans un communiqué.
"Les amis du Liban l'aideront autant qu'il s'aidera lui-même"
Lors d'une conférence de presse à l'Aéroport international de Beyrouth (AIB) tenue avant son départ, Mme Colonna a affirmé que "les dirigeants doivent être à la hauteur de leurs responsabilités". "Le Liban est à bout de souffle et sans leur sursaut, l'effondrement continuera", a-t-elle déclaré, selon des propos rapportés par notre journaliste sur place Salah Hijazi.
"Il serait dangereux de faire subir aux Libanais une nouvelle crise politique via une vacance au pouvoir", a prévenu la ministre française des Affaires étrangères, appelant à l'élection d'un président "capable de fédérer le peuple libanais et de sauvegarder sa stabilité", ainsi qu'à la formation d'un nouveau gouvernement. "Nous ne sommes plus en 2014. La situation s'est dégradée, le Liban ne peut plus se permettre une vacance présidentielle et doit former un gouvernement", a-t-elle encore déclaré, estimant que l'élection d'un nouveau président "est toujours possible" avant le 31 octobre. Entre 2014 et 2016, le pays avait connu une longue période de vacance présidentielle.
La locataire du Quai d'Orsay a également indiqué que "la France et la communauté internationale sont là. Les amis du Liban aideront le Liban autant qu'il s'aidera lui-même", a-t-elle dit, alors que la France fait partie des pays qui pressent les autorités libanaises d'adopter les réformes nécessaires pour sortir le pays de l'effondrement. "Le Liban est capable d aller de l'avant, mais l'accord ne se substitue pas aux réformes économiques et financières qui sont et qui restent indispensables", a-t-elle estimé en évoquant le texte final de l'accord sur la frontière maritime entre le Liban et Israël.
La visite de la ministre Colonna à Beyrouth a eu lieu alors que les députés libanais ont, une nouvelle fois, échoué jeudi à élire un successeur à M. Aoun, aggravant ainsi les craintes d'une vacance du pouvoir. Elle a par ailleurs été organisée quelques jours après l'annonce d'un accord qualifié "d'historique" par toutes les parties entre le Liban et Israël, sur la délimitation de leur frontière maritime. Accord "pour lequel la France a œuvré avec ses partenaires internationaux", avait précisé un communiqué du Quai d'Orsay publié en amont de la rapide tournée de Catherine Colonna à Beyrouth. L'accord doit lever les obstacles à l'exploitation de gisements gaziers en Méditerranée orientale. Les autorités libanaises misent sur la présence d'hydrocarbures pour aider à faire face à l'effondrement économique mais, selon des experts, le pays a besoin de cinq à six ans avant de bénéficier d'une éventuelle manne gazière et pétrolière.
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14 h 11, le 15 octobre 2022