
Le président français, Emmanuel Macron, s’entretenant avec le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, à New York, le 19 septembre 2022. Photo Dalati et Nohra
L’élection d’un nouveau président de la République dans les délais constitutionnels est une priorité. C’est à travers ce prisme que la communauté internationale aborde le dossier libanais, dans lequel elle est désormais clairement impliquée. Et pour assurer le bon déroulement du processus, elle presse pour que soient éliminés tous les prétextes qui pourraient soit retarder l’échéance soit mener à une dérive constitutionnelle contraire à l’esprit de Taëf. Et cela passe avant tout par la formation d’un gouvernement de pleins pouvoirs auquel Michel Aoun acceptera alors de transmettre ses prérogatives. Une tâche qui incombe à Nagib Mikati attendu samedi à Beyrouth, fort du soutien international qu’il a reçu lors des entretiens qu’il a menés en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, notamment avec le président français, Emmanuel Macron, le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, et le président iranien Ebrahim Raïssi. C’est ce qui ressort du communiqué conjoint publié mercredi soir à l’issue d’une réunion tenue à New York entre les ministres des Affaires étrangères français, américain et saoudien. « Les trois ministres ont insisté sur l’importance de tenir l’élection présidentielle dans les délais fixés par la Constitution libanaise », peut-on lire dans le texte. Dans la forme, le premier message concerne le président de la Chambre, Nabih Berry, qui n’a toujours pas convoqué la Chambre à une séance plénière consacrée à l’élection d’un nouveau chef de l’État, sachant que le délai a commencé à courir le 1er septembre. Dans le fond, cet appel vise d’abord le camp présidentiel qui menace de « chaos constitutionnel » après le 31 octobre, date de la fin du sexennat Aoun. Ce dernier a récemment menacé de ne quitter Baabda que « si la situation était normale », affirmant redouter « un complot contre la Constitution et la présidence ». Par complot, Michel Aoun entend qu’un cabinet sortant dirigé par une figure sunnite assume les prérogatives du chef de l’État, maronite, en cas de vacance à la magistrature suprême. Dans leur communiqué, les trois ministres ont pour cette raison appelé à la formation d’un gouvernement « capable de mettre en œuvre les réformes structurelles et économiques nécessaires de toute urgence pour faire face aux crises politique et économique du Liban, en particulier les réformes nécessaires pour parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international ». Comprendre : il faut que le Premier ministre désigné puisse mettre en place une équipe de pleins pouvoirs qui serait en mesure de gérer le pays dans la prochaine phase... en attendant l’arrivée du successeur de Michel Aoun à Baabda.
Un candidat consensuel ?
Dans leur communiqué, les États-Unis, la France et l’Arabie saoudite ont d’ailleurs en quelque sorte défini les caractéristiques du futur chef de l’État, tout en lui traçant une feuille de route ainsi que certaines lignes rouges à ne pas franchir. « Il est essentiel d’élire un président qui puisse unir le peuple libanais et travailler avec les acteurs régionaux et internationaux pour surmonter la crise actuelle », souligne le texte, qui semble couper l’herbe sous les pieds des chefs de file présentés comme des candidats « naturels » à la magistrature suprême, mais qui sont tous marqués dans un camp contre un autre. À commencer par les deux alliés du Hezbollah, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et le leader des Marada, Sleiman Frangié. Mais aussi le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui prône le défi et la confrontation en vue de cette échéance. Faut-il en déduire que la communauté internationale est favorable à l’élection d’un candidat de consensus ? Le communiqué intervient à l’heure où Walid Boukhari, ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, multiplie ses rencontres avec les alliés de Riyad au Liban pour les exhorter à souder leurs rangs face au Hezbollah en vue de cette échéance. Mais si pour Riyad l’élection d’une figure pro-8 Mars est une ligne rouge à ne pas franchir, la porte ne semble pas fermée à un candidat de compromis, tel que prôné par le leader druze Walid Joumblatt qui s’est entretenu avec M. Boukhari lundi. « Ce communiqué reflète les espoirs des Libanais qui aspirent à un président réformiste et souverainiste », se contente pour sa part de commenter un cadre FL.
L’accord de Taëf
« La conclusion la plus importante à tirer de ce communiqué réside dans le fait que Riyad a pu rallier Paris à sa vision de la présidentielle, en prônant une figure capable de restaurer la confiance internationale, alors que la France adoptait jusque-là une attitude jugée conciliante avec le Hezbollah », estime une source diplomatique arabe.
Dans leur communiqué, les trois pays ont en outre appelé le gouvernement libanais à respecter les résolutions du Conseil de sécurité se rapportant au Liban et à se conformer à l’accord de Taëf. Ce point a été ajouté au communiqué par l’Arabie saoudite, confie à L’OLJ une source informée de la teneur des discussions. Walid Boukhari a d’ailleurs posté deux tweets axés sur un appel à la préservation de l’accord qui avait mis fin à la guerre civile en 1989. Il en a également discuté avec Walid Joumblatt lors de leur entretien lundi soir. « M. Boukhari a mis en garde contre une Constituante qui déboucherait sur une modification de l’accord de Taëf ou du régime politique libanais », avait confié à L’OLJ M. Joumblatt. Cette mise en garde intervient en réponse aux menaces lancées implicitement et régulièrement par le camp aouniste quant au besoin de changer le système politique actuel. Michel Aoun – farouche opposant à Taëf – a tenu des propos allant dans ce sens devant une délégation européenne mardi. Il a affirmé que le pays « ne peut pas être géré par trois têtes » et « a besoin de réformes politiques, en plus de changements structurels dans le système qui doit être renforcé et réformé ». Comme pour calmer les appréhensions saoudiennes et internationales, Nagib Mikati a pour sa part réitéré, devant l’Assemblée générale de l’ONU, l’engagement du Liban à respecter l’accord de Taëf et le refus de toute tentative de porter atteinte à ses dispositions.
Mikati à l’ONU : La route est encore longue pour sortir de la crise
Le gouvernement sortant du Liban a « réussi à atteindre un grand nombre des objectifs qu’il s’était fixés », a déclaré mercredi dans la nuit le Premier ministre sortant Nagib Mikati devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, mais la « route est encore longue » pour que le pays parvienne à surmonter la crise économique sans précédent qu’il traverse. Face à cet effondrement, M. Mikati a exhorté la communauté internationale à venir en aide au pays du Cèdre.
« Nous avons atteint un grand nombre des objectifs que nous nous sommes fixés. Toutefois, la route à emprunter pour émerger de la crise est encore longue, ardue et pleine de difficultés », a déclaré M. Mikati à la tribune de l’ONU. Il a cité parmi les « succès » de son cabinet l’organisation des élections législatives de mai dernier qui ont pu être tenues à temps malgré la crise. Il a ajouté que son équipe s’engage par ailleurs à aller de l’avant avec toutes les réformes législatives et administratives exigées par le FMI pour débloquer un programme d’aide de 3 milliards de dollars.
M. Mikati a en outre appelé les « amis » du Liban, dans le monde arabe et ailleurs, à aider le pays. La crise économique actuelle du Liban est l’une des pires au monde depuis le milieu du XIXe siècle, selon la Banque mondiale. Le Premier ministre sortant a dit espérer l’organisation future d’une nouvelle conférence internationale pour rassembler des fonds qui aideraient le pays à surmonter les « défis » auxquels il est actuellement confronté.
Concernant les récents développements dans l’exploitation des ressources énergétiques offshore du Liban, le milliardaire de Tripoli s’est dit « très heureux d’annoncer que les négociations » sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël « prendront fin très prochainement » après un « progrès concret » dans ce dossier. Le Liban « est déterminé à protéger ses intérêts nationaux et à faire fructifier ses ressources nationales », a-t-il ajouté.
L’élection d’un nouveau président de la République dans les délais constitutionnels est une priorité. C’est à travers ce prisme que la communauté internationale aborde le dossier libanais, dans lequel elle est désormais clairement impliquée. Et pour assurer le bon déroulement du processus, elle presse pour que soient éliminés tous les prétextes qui pourraient soit retarder...
commentaires (7)
Heureusement que nos 3 super-responsables complètement déboussolés peuvent compter sur les conseils très désintéressés et sincères de leurs nombreux amis français, américains, iraniens et séoudiens. Ces derniers ont compris depuis longtemps qu'ils peuvent manipuler nos "dirigeants" à leur guise et qu'il suffit de flatter leur orgueil démesuré... - Irène Saïd
Irene Said
11 h 43, le 23 septembre 2022