Dès l’annonce de la décision ministérielle d’augmenter les tarifs des télécommunications, « j’ai compris que désormais avoir accès à la 4G est inaccessible pour moi », lance Jana Malas, 22 ans, étudiante en linguistique anglaise à l’Université libanaise (UL). Avant la nouvelle tarification, le plan étudiant coûtait 5 dollars soit 7 500 livres libanaises au taux officiel de 1 500 LL pour le dollar. Avec les nouveaux tarifs convertis au taux de la plateforme Sayrafa, ce forfait prépayé coûte désormais plus de 20 fois plus cher.
Incapables de payer ces tarifs, de nombreux jeunes se retrouvent « coupés du monde ». agée de 20 ans, Perla el-Hattab, une étudiante en droit à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, confie : « Je ne peux plus communiquer avec mes amis qui ont renoncé au plan étudiant… S’ils ne sont pas chez eux, je n’ai aucun moyen d’entrer en contact avec eux. C’est extrêmement frustrant. » Jana Malas, elle aussi, se dit affectée par cette situation. Sauf que pour elle, la nouvelle tarification a également impacté son accès aux enregistrements des cours dispensés en ligne. L’été dernier, il restait à la jeune mastérante un seul examen pour compléter son diplôme. Or, à cause des grèves des enseignants à l’UL, les dates des évaluations n’étaient pas fixées. Plongée dans l’incertitude, Jana était contrainte d’étudier sans connaître la date de l’examen et sans pouvoir accéder aux enregistrements des sessions, vu le coût exorbitant des télécommunications. Si finalement la jeune femme a pu passer son examen, ce n’est pas le cas de nombreux étudiants à l’UL qui attendent toujours que les évaluations soient organisées et qui font face aux difficultés d’accès aux enregistrements des cours. « C’est une nouvelle source de stress et de découragement », avoue Jana Malas.
Internet ne devrait pas être un luxe
Les étudiants se disent obligés de modifier et de réduire leur consommation de télécommunications. Nombre d’entre eux affirment avoir mis un frein sur l’utilisation d’applications consommant trop d’internet. D’autres jeunes, comme Perla el-Hattab, confient avoir carrément renoncé à leur utilisation. « J’ai dû résilier mon abonnement à Anghami. Pourtant c’est une application que j’appréciais beaucoup », indique-t-elle. Hady el-Aly, étudiant de 19 ans en communication à l’Université arabe de Beyrouth, se trouve dans la même situation. Lui aussi a dû supprimer certaines applications « pour pouvoir contrôler (sa) consommation de gigabytes » et sa facture.
Même les étudiants qui poursuivent leurs études à l’étranger se disent révoltés par les nouveaux tarifs. Luca Saadé étudie les finances internationales à l’École de management Aix-Marseille (IAE). Pendant son court séjour au Liban pour les vacances d’été, il confie avoir été obligé de recharger plusieurs fois son compte. Disposant d’un accès illimité à la 4G en France, Céline Sakr, étudiante en cycle préparatoire d’ingénierie à l’École polytechnique de la Sorbonne, estime de son côté qu’avoir accès à un téléphone mobile ne devrait pas « être un luxe inaccessible pour de nombreuses personnes ».
Alors que font ces jeunes face aux nouveaux tarifs ? Nour el-Hachem, étudiante en droit de 21 ans à l’USJ, a trouvé un moyen de recharger sa ligne téléphonique sans débourser un sou : « Mon frère vit en France mais il veut conserver son numéro libanais. Alors mes parents lui chargent son crédit ; et lui à son tour, comme il n’utilise que son numéro français, transfère le crédit offert par mes parents sur mon compte. »
Pour les autres jeunes, « la seule solution est de moins consommer », avance Fred Moubarak, 19 ans, étudiant en prépa de biologie à l’Université américaine de Beyrouth (LAU). Une tâche difficile si l’on prend en considération les fréquentes coupures d’électricité, donc l’arrêt du réseau WiFi. Le jeune homme conseille également aux étudiants de considérer les différents forfaits offerts. « Par exemple, si une personne consacre sa consommation à l’application WhatsApp, souscrire à un forfait exclusif à cette application serait avantageux », explique-t-il.
Un appauvrissement qui s’accentue
Par ailleurs, les jeunes se plaignent d’une baisse de la qualité du réseau 4G. « Les gigaoctets se consomment beaucoup plus rapidement qu’avant », observent quant à elles, Nour el-Hachem et Perla el-Hattab. Cette dernière explique : « dix jours seulement après avoir rechargé mon crédit, il me restait moins de la moitié des gigaoctets achetés. » Plusieurs étudiants parlent même d’arnaque.
« On nous vole », jugent-ils en décrivant l’impact des changements de tarification sur les crédits dont ils bénéficiaient sur leurs comptes. Avec le premier changement de tarification, les crédits en dollars sont convertis en livres libanaises au taux officiel de 1 500 LL. Or après la seconde tarification, le taux de change utilisé est celui de la plateforme Sayrafa soit, à ce moment-là, 27 000 livres libanaises pour un dollar. Les jeunes ont ainsi vu un « appauvrissement » de leur crédit qui va en s’accentuant.
« On sent que la société libanaise est anesthésiée… Il n’y a pas eu de nouvelles révoltes », constate, déçu et amer, Andrew Mattar, 20 ans, étudiant en communication de marketing et publicité à l’UL. Le jeune homme refuse l’idée selon laquelle le peuple libanais s’adapterait à tout, car selon lui, cette pensée reviendrait à banaliser les graves problèmes auxquels les gens sont confrontés.
commentaires (1)
On nous vole (très vrai) Depuis l’application de la nouvelle tarification,je dois charger mon téléphone 2 fois par mois la première fois ça me dure 5 jours et la deuxième fois 20 jours ! Et ceci en utilisant la 4G le moins possible 420000+420000 =840000 (au taux actuel ça équivaut à plus de 20$) Trop trop cher en comparant avec tous les pays du monde
Bersuder Jean-Louis
13 h 04, le 06 octobre 2022