Ni un président de défi ni un président insignifiant et mou qui plie sous les pressions. C’est par cette formule lapidaire que le patriarche maronite Béchara Raï est revenu dimanche dernier sur ce qu’il considère comme étant le meilleur profil du successeur du président Michel Aoun, se plaçant ainsi à égale distance des partis politiques, notamment chrétiens, et de leurs agendas respectifs.
Le chef de l’Église maronite, qui ne cesse d’appeler au respect des délais constitutionnels quant à l’échéance présidentielle (qui débute le 31 août), est revenu à la charge dans sa dernière homélie dominicale. Aux caractéristiques déjà définies par Bkerké, sont venues s’ajouter d’autres, plus précises. À quoi ressemble donc ce portrait que l’Église tente d’esquisser progressivement à la manière d’un puzzle ? Et dans quelle mesure le prélat parvient-il à se démarquer des profils que s’évertuent à promouvoir le chef des Forces libanaises Samir Geagea, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et, plus récemment encore, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt? « Le patriarche n’a fait que dresser les grandes lignes. Il n’est avec aucun camp contre l’autre », affirme un ecclésiastique connu pour sa proximité avec Mgr Raï et ayant requis l’anonymat.
Dans les milieux de Bkerké, on insiste sur le fait que si le patriarche a tenu à être précurseur en évoquant, avant tout le monde, l’échéance présidentielle et les caractéristiques du futur locataire de Baabda, ce n’est pas uniquement pour rappeler que l’Église maronite reste un partenaire à part entière dans le processus de l’élection d’un président. Mais aussi et surtout pour éviter les interprétations et les analogies avec les déclarations des hommes politiques.
Après s’être prononcé il y a une dizaine de jours en faveur d’un candidat non partisan, un homme d’État « courageux », « à égale distance de tous », le patriarche, dans une démarche encore plus explicite et résolue, a franchi un pas de plus dimanche dernier. « Nous réclamons un président qui soit à la hauteur de l’entité, du peuple et de la symbolique nationale, et qui œuvre pour la renaissance de la population et délimite les frontières de l’État, pas seulement avec les pays voisins, mais également avec certaines parties libanaises qui se comportent comme s’il n’y avait pas de frontières, ni de dignité de l’État, ni de légalité, ni d’armée », a-t-il lancé. Une critique on ne peut plus claire à l’adresse du Hezbollah et une position qui ne prête aucunement à confusion : le patriarcat ne veut pas d’un président qui soit affilié au parti chiite et à l’axe qu’il défend.
Pas de « chef de clan fort »
Il ne veut pas d’un président estampillé par le camp adverse non plus. Le 14 juillet dernier, Béchara Raï avait plaidé pour l’avènement d’un président qui soit hors des alignements politiques et partisans. Ainsi, un candidat issu d’un camp ou d’un autre, qui pourrait être considéré comme provocateur, n’est pas souhaité. Une idée qu’il a toutefois affinée lors de sa dernière homélie. « Lorsque nous disons que nous ne voulons pas d’un président de défi, cela ne veut pas dire que nous plaidons pour un président qui soit défié par tout le monde », a précisé le patriarche maronite. Par ces propos, le prélat a donc écarté d’emblée la proposition de Samir Geagea qui avait réclamé un président « de défi » au camp du Hezbollah. S’il rejoint le chef des FL pour ce qui est de la nécessité d’un chef d’État souverainiste, respectueux de la Constitution et disposé à redonner vie aux institutions pour que le pays puisse renaître de ses cendres, le chef de l’Église n’approuve pas pour autant l’idée d’un président doté d’un projet de défiance à l’égard d’une composante libanaise qui ne peut facilement être écartée du paysage politique, comme le souhaiteraient certains faucons.
Bien qu’il ait souligné, il y a plus d’un mois dans un entretien à la chaîne al-Jadeed, que le principe du « président fort » – tel qu’entendu par le camp aouniste – « a échoué », le patriarche a nuancé son idée dimanche dernier pour dire qu’un président faible qui fléchit aux moindres pressions n’est pas souhaitable non plus. « La capacité du président à affronter les défis réside dans ses valeurs morales et son immunité à l’égard des tentations, ainsi que sa résistance face aux menaces », a dit Mgr Raï. Sauf que Bkerké conçoit la « force » du futur chef d’État dans sa capacité à rassembler, à réformer, à mettre un terme à la corruption et à redonner aux institutions leurs lettres de noblesse. Une conception qui diffère foncièrement de la vision du « président fort » déclinée par Gebran Bassil, qui préconise une force tirée de la représentation populaire. C’est à cela que fait probablement allusion Walid Joumblatt lorsqu’il dit à L’OLJ : « Nous n’avons pas besoin d’un chef de clan fort, mais d’un homme d’État qui respecte les institutions et qui soit capable de dialoguer avec tout le monde. »
Aucun nom
À en croire une source proche de Mgr Raï, les FL sont venues retrouver Bkerké à mi-chemin en optant pour un président à l’allégeance exclusivement libanaise et qui ne soit pas soumis à l’axe iranien. Mais sans plus. Idem pour le leader du PSP, qui s’est prononcé lui aussi pour un profil non partisan et un président rassembleur, se rapprochant ainsi partiellement de Bkerké, dans le cadre de l’ouverture qu’il a récemment amorcée en direction du Hezbollah. Dans un récent entretien à L’OLJ, le leader druze a plaidé en faveur d’un président « technocrate, non partisan, mais doté d’un background politique » . Il a assuré par la même occasion être sur « la même longueur d’onde que le patriarche ». Walid Joumblatt et Béchara Raï partageraient en outre l’idée que dans cette échéance cruciale, le Hezbollah ne pourra pas imposer cette fois-ci le président de la République comme il l’avait fait en 2016 quand il avait bloqué le processus pendant deux ans afin d’imposer l’élection de Michel Aoun. Un choix concocté en coulisses à l’époque en concertation avec Saad Hariri et avec la bénédiction de Bkerké au final. En l’absence d’un leader sunnite de cette envergure, après le retrait du chef du Futur, et face à une rue chrétienne polarisée et incapable de s’entendre sur un même candidat, le parti chiite ne peut que ménager les sensibilités en jeu et faire preuve de réalisme. « Il est également conscient qu’il n’y aura ni quorum ni majorité au Parlement. Par conséquent, il est acculé à composer avec d’autres parties », analyse une figure du 14 Mars.
Pour autant, le suspense reste entier. Le profil type décrit par le patriarche existe-t-il dans la réalité ? Béchara Raï a-t-il déjà un nom en tête ? Des proches du patriarche jurent que non. À aucun moment il n’a évoqué, même incidemment devant ses visiteurs, une préférence pour qui que ce soit, ni s’est aventuré à lancer un nom. Pour plusieurs raisons : tout d’abord, parce qu’il ne sait pas s’il y va y avoir une élection ou pas, fait-on valoir. « Si le patriarche devait s’aventurer à proposer des noms ou à soutenir un candidat plutôt qu’un autre, on lui reprocherait d’avoir un parti pris. C’est le piège qu’il s’évertue à éviter à tout prix », conclut la source proche de Bkerké.
PATRIARCHE, BANNISSEZ LES PYGMEES DE VOTRE BERGERIE EN LES NOMMANT SINON VOUS TERGIVERSEZ SACHANT QUE TOUT LE MAL DU PAYS VIENT NON DE BKERKE MAIS DES PRESIDENTS MARONITES EN GENERAL ET DES DERNIERS PYGMEES DE VOTRE BERGERIE SPECIALEMENT.
14 h 00, le 28 août 2022