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Nos Lecteurs ont la Parole

Le pervers, le narcissique, la vie et moi !

Le pervers, le narcissique, la vie et moi !

Photo Joseph Eid/AFP


Je ne me souviens pas de la date exacte à laquelle nous fîmes connaissance, mais j’eus l’impression, en rentrant chez lui, qu’on se connaissait depuis la nuit des temps. À l’époque, je venais de loin, j’étais jeune, candide, innocente, sans discernement et sans jugement. Je fus attirée par son élégance et sa beauté, par son charisme et ses capacités. Il se montra si accueillant, si avenant, si complaisant que j’aurai tout donné pour rester chez lui. Il ne tarda pas à m’ouvrir grand ses bras m’invitant à demeurer chez lui, pour me mélanger à lui.

Il faut dire qu’il était très privilégié : doté d’une très belle nature et d’un univers fantastique, réputé pour ses attraits légendaires, il me miroita des divinations, des passions, des enchantements, voire des envoûtements aussi. Il me fit entendre les plus beaux hymnes de bonté, de générosité, de liberté, de fraternité et d’égalité. Il me joua les plus belles pièces de loyauté, d’honnêteté et de bienveillance. Je m’enivrais ainsi de sa douce musique, valsant sur des notes légères, si légères qu’elles m’emportèrent vers les rêves les plus doux, mais les plus fous aussi.

Il sembla m’offrir un ciel des plus cléments, des plus indulgents et bienveillants. Je courais chez lui comme on courait dans un jardin fleuri. L’air parfumé de ses enclos pénétrait le fond de mon âme jusqu’à l’étourderie.

Chez lui, je divaguais, j’ambitionnais, je délirais.

Désormais, la vie serait sereine, confiante, brillante, glorieuse, majestueuse. Il me serait donc aisé de peindre chez lui les plus beaux dessins, exprimés par des croquis, des images, des lignes et des desseins, tous invincibles, intrépides et irréductibles.

Il me pousserait vers des prouesses vertigineuses, me féliciterait pour mes exploits audacieux, vanterait mes succès ambitieux, à tel point qu’il deviendrait ma résurgence, une source ô combien bienfaisante. Le satisfaire devenait mon seul but. Tel un maître éduquant un apprenti, tel un monarque gouvernant son sujet, j’attendrai de lui approbations et flatteries. Aveuglée de lui et par lui, je ne pouvais considérer d’autres voies que sa voie à lui. Son assurance parut si contagieuse que je me suis laissée contaminer.

Notre relation progressait. Elle était faite de périodes de joie et de phases d’enchantement, comme des sorcelleries. Mais, bien plus tard, des moments d’ennui, de douleur, de malheur et de frustration s’en mêlèrent, avec dépit, sans répit.

Au fil du temps, je prenais conscience que le ciel au-dessus de ma tête n’était pas bienveillant, devenait cruel par moments, méprisant par d’autres, malfaisant, cruel, pervers, féroce quelques fois. Il n’était plus constant mais mouvant et hésitant. Mes dessins d’autrefois me parurent éphémères, mes valses d’antan devenaient agitations et émois, mon avenir fragile et mes efforts d’apprentis vains et utopiques. Je compris l’étendue du maître qui s’installait. Je devenais chez lui démunie et isolée. Je régressais, prisonnière de mes propres chimères, enfermée dans ma propre galère.

Quant à lui, il persistait à ignorer ma misère, à négliger mes tourments, nier mes angoisses et étouffer mes gémissements. Malgré qu’il était parfaitement conscient du mal qu’il me faisait, il se noyait encore et davantage dans un mode de vie des plus fourbes, des plus traîtres. Je me retrouvais dans une relation sans issue, vaine, trompeuse, fallacieuse. Chez lui, je ne me reconnaissais plus, je ne me ressemblais plus, il ne me ressemblait plus. Je ne le comprenais plus, ne le reconnaissais plus. Je me trouvais égarée, abandonnée, comme si j’étais abîmée, ratée.

Combien de fois, pour me séduire, il exagéra ses réussites et les inventa pour paraître, pour se valoriser, pour vanter ses mérites et ses résolutions, jamais pour honorer mes aspirations. Pour me brouiller, il modifiait continuellement ses tactiques pour mélanger mes intérêts ; maladies, pénuries, carences, crises mondiales, il y mettait le paquet, pour me dévier de l’essentiel, cet essentiel qu’il m’avait promis, cet essentiel pour lequel il s’était engagé.

Malgré mes peines et mes désarrois, je le couvrais encore d’attentions, de considérations, de tendresse et d’empressements. Je le réconfortais, moi qui avait besoin de soulagement. Je résistais, je lui résistais. Il persistait… Se remettre en question était trop lui imposer

Ô combien de fois, je me suis révoltée. Mais, il me fit croire qu’il n’était qu’une victime de sa situation, un martyr, une cible facile dans un monde fait d’intérêts. Il avait la critique facile, niait la réalité et usait de colère, de violence pour me dissuader.

Autour de nous, il arrivait qu’on ne me comprît pas. Que voulais-je de plus, le ciel était beau, l’ambiance trépidante, les apparences luxueuses, les bruits incessants. On était sur le devant de toutes les scènes, les plus renommées. On n’entendait parler que de nous.

Je commençais à douter de moi-même, de ma condition, de ma fidélité, de mes valeurs, mais de mon attachement à lui aussi.

Lui poursuivait une course folle. Moi, chez lui, je mourais tous les jours un peu.

Et puis, un jour du mois de mai, je me suis ramassée, comme réanimée, ressuscitée. Je fis mes valises. Et, sans me retourner, dans un silence lourd et chargé d’amers regrets, doucement, je suis partie.

Je lui ai laissé quelques mots écrits sans haine ni rancune. Tu es un narcissique pervers. Tu as ramassé mes récoltes sans rien semer. Tu as volé mes efforts sans rien me donner. J’ai espéré en toi, tu m’as méprisée. Longtemps, j’ai cru en toi comme je crois au bon Dieu. Mon Liban chéri, mon pays, ma patrie, je te voulais grand, honorable, vertueux et indépendant. Je te voulais libre, digne et fort. Je voulais que tu jettes sur moi un regard de passion et de compassion. Je voulais me fusionner avec toi dans un amour inconditionnel immortel, indéfini et infini. Je convoitais réaliser avec toi mes rêves les plus fous, grandir avec toi, m’affirmer grâce à toi. Ma vie c’était toi et ma tombe chez toi.

Mais tu m’as tout pris, ma jeunesse, mes ambitions, mes rêveries. Tu m’as couverte d’illusions, de fantasmes et de fictions aussi. Tu as pali ma fraîcheur, obscurci mes ardeurs et assombri mes ferveurs. Vois-tu, je n’ai plus rien, je suis démunie.

J’ai pleuré, j’ai crié, j’ai hurlé, je me suis révoltée, rien n’y fit. Je ne peux plus rien pour toi, je suis moi-même cassée et meurtrie.

Je te quitte, tu seras toujours dans mes pensées. Mais je n’ai plus le temps, la vie m’attend, elle continuera en moi, mais sans toi.

Je te quitte, mais je sais, qu’un jour qui sait, peut-être que je reviendrai ; lorsque tu seras guéri de tes propres maladies !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Je ne me souviens pas de la date exacte à laquelle nous fîmes connaissance, mais j’eus l’impression, en rentrant chez lui, qu’on se connaissait depuis la nuit des temps. À l’époque, je venais de loin, j’étais jeune, candide, innocente, sans discernement et sans jugement. Je fus attirée par son élégance et sa beauté, par son charisme et ses capacités. Il se montra si...
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Et pourquoi pas un gouvernement a l’étranger sans tous ces criminels et voleurs

Eleni Caridopoulou

19 h 06, le 24 août 2022

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Commentaires (1)

  • Et pourquoi pas un gouvernement a l’étranger sans tous ces criminels et voleurs

    Eleni Caridopoulou

    19 h 06, le 24 août 2022

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