Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, s'en est pris une nouvelle fois avec virulence samedi à son grand rival politique Samir Geagea, chef des Forces libanaises (FL), l'accusant de n'avoir aucun programme en perspective de la présidentielle à venir à l'exception de celui de se poser en "défi" face à M. Bassil, gendre du chef de l'Etat Michel Aoun, et à son parti politique.
M. Bassil a repris l'expression utilisée en début de semaine par M. Geagea, qui avait refusé un futur président consensuel, et réclamé un "président de défi" face à la majorité au pouvoir. Ces nouvelles déclarations ont été faites alors que les points de vue des deux responsables, considérés comme des candidats à la magistrature suprême bien qu'aucun ne l'ait officiellement annoncé, ont haussé le ton ces derniers jours. Le délai pour la présidentielle s'étendra du 31 août au 31 octobre, date de l'expiration du mandat de M. Aoun, fondateur du CPL.
"Votre seul projet est de faire tomber Aoun, Gebran et le CPL", a lancé M. Bassil dans un discours prononcé à l'ouverture d'un camp pour les jeunes de son parti à Smar Jbeil, dans la région de Batroun, dont il est le député. Il a reproché aux FL de ne pas avoir de "projet sur l'électricité", dans un pays où l'Etat ne fournit que de rares heures de courant par jour. Des ministres aounistes ou proches des aounistes ont pourtant dirigé le ministère de l'Energie depuis 2008. "Leur seul projet est de faire échouer celui du CPL pour l'approvisionnement en courant et pour les barrages", a ajouté le chef du courant aouniste. "Ils n'ont pas non plus de projet ni de programme pour le futur président. Leur président se veut uniquement un président de +défi+ face à Gebran et au CPL", a-t-il encore déclaré. "Ils veulent un chef de l'Etat qui fasse le contraire de ce que nous faisons et qui abandonne le partenariat, la représentation, le Pacte national et les réformes", a-t-il poursuivi.
"La crise que nous vivons au Liban est plus grande qu'une crise de pouvoir et de système. Il s'agit d'une crise de morale", a déclaré M. Bassil. Cette crise "a rendu fort le criminel et a fait des voleurs et des collaborateurs des gens intelligents, et l'effondrement de la morale est la cause de l'effondrement de l'Etat, lui-même à l'origine de l'effondrement économique et financier".
Recours au Conseil constitutionnel
Le député de Batroun a par ailleurs reproché aux Forces libanaises, qu'il n'a pas nommées, de "refuser que le Conseil constitutionnel (CC) se penche sur les recours en invalidation" des élections législatives de mai 2022 "parce qu'ils veulent fausser les résultats et n'acceptent pas que la justice révèle leurs falsifications". Il y a trois jours, le chef des Forces libanaises avait accusé le CPL et le Hezbollah d'exercer des pressions sur le CC pour qu'il tranche les recours en leur faveur, notamment en ce qui concerne des sièges à Tripoli (Nord) et Marjeyoun (Sud) "en amont de l'élection présidentielle".
"Si nous nous ingérions dans le CC, comme ils le prétendent, nous serions intervenus précédemment pour faire un troc pour la 16e circonscription" des Libanais de l'étranger. Fin 2021, des informations faisaient état d'un éventuel troc discuté entre les pôles du pouvoir concernant, d'une part, un recours présenté par les aounistes pour invalider un amendement de la loi électorale concernant la 16e circonscription, réclamée par Gebran Bassil, en échange, d'autre part, de la redynamisation, dans le cadre du dossier de la double explosion au port de Beyrouth, de la Haute Cour chargée de juger les présidents et ministres. "Nous avons présenté des recours dans les circonscriptions de Jezzine et du Akkar et non à Tripoli et Marjeyoun, comme l'a dit celui qui a falsifié les élections avec de l'argent", a-t-il ajouté en allusion à Samir Geagea.
"Comment pouvons-nous avoir confiance en un système tenu par un groupe de meurtriers, de corrompus et de criminels ? Le temps est venu de rassembler les gens bien de toutes les confessions et de toutes les régions et de conclure un nouveau contrat social", a affirmé M. Bassil.
Guerre de communiqués
La réaction des FL ne s'est pas fait attendre. Dans un virulent communiqué publié en début de soirée, le parti a fait savoir que "le programme des Forces libanaises est de construire l'État que tu as vendu au profit de l'État croupion, en contrepartie d'une poignée de postes", en allusion à l'influence grandissante du Hezbollah sur le pays.
Réagissant à ce communiqué, le bureau de presse du CPL a estimé que les FL "insistent sur la falsification des données". Il a dans ce cadre rappelé que "le groupe parlementaire du Liban fort (aouniste) comprend 21 députés alors que celui de la République forte est formé de 19 élus". "Le bloc du CPL est formé de 17 députés alors que celui des FL est formé de 14. Nous espérons que les mensonges s'arrêteront et que les FL n'ouvriront plus ce sujet", conclut le parti aouniste.
La communauté internationale et la présidentielle
Vendredi soir, Samir Geagea s'est également exprimé sur la présidentielle, estimant qu'il était désormais "possible que le prochain président ne soit pas du 8-Mars", camp politique auquel appartient Gebran Bassil. "Nous considérons que cela représente 50 % de la mission, et l'autre moitié de cette mission est que celui qui sera élu président soit capable de faire face, de camper sur ses convictions et de prendre un minimum de positions fermes", a-t-il souligné, sans quoi "rien ne changera".
Lors d'un événement avec des activistes en son QG de Maarab dans le Kesrouan, M. Geagea a fait valoir que "personne à l'étranger ne se soucie de la tenue ou pas de la présidentielle au Liban, et personne ne se soucie de qui sera le prochain chef de l'Etat". "La communauté internationale a des souhaits, ni plus ni moins", a-t-il ajouté, soulevant toutefois l'exception de l'Iran, "qui peut être impacté par cette échéance via le Hezbollah". Il a affirmé "ne pas comprendre le lien établi par certains entre les négociations à Vienne sur le nucléaire iranien et la présidentielle". La seule chose qui peut influencer cette échéance est "la volonté des parties locales qui, malheureusement, connaissent actuellement toutes un état de confusion", a dit Samir Geagea.
commentaires (25)
Geagea n'a aucun programme pour la présidentielle à part de se poser en "défi" au CPL. Si c’est c’est le seul but de Geagea c’est déjà un excellent programme pour nous débarrasser des collabos et corrompus de notre pays. Ensuite nous aviserons en notre âme et conscience pour la suite de ce programme et les projets constructifs du pays puisqu’ils ne seront plus là pour bloquer et paralyser pour le seul intérêt de ses fossoyeurs. Ce sera déjà un énorme triomphe pour la nation et un exploit en soi. Ainsi Geagea serait sacré saveur de la nation pour avoir délivré du mal ce pays qui est gangrené de traitres et de corrompus. Encore faut il rester droit dans ses bottes et renoncer à toute envie de vanité et de succès personnel en se montrant incisif et décidé à mettre le pays en tête de ses projets et pour y arriver il faut réussir à réunir et convaincre tous les opposants de son intention qui ne souffre d’aucune ambiguïté. C’est une autre paire de manche.
Sissi zayyat
11 h 00, le 22 août 2022